Intervention de Sophie Hutin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 30 mai 2013 : 1ère réunion
Femmes et culture — Audition de Mme Sophie Hutin membre du collectif « la barbe »

Sophie Hutin, membre du Collectif « La Barbe » :

Au nom du Collectif « La Barbe », nous vous adressons nos remerciements pour votre invitation, qui fait suite à celle du CSA, puis celle du ministère des droits des femmes il y a quelques semaines. Toutefois, c'est après un long débat interne et avec le sentiment d'une situation paradoxale que « La Barbe » a finalement accepté d'incarner une parole en ce lieu. En effet, historiquement, l'activisme de terrain observe à distance la lutte de négociation et « La Barbe » n'y fait pas exception. De plus, le postiche que nous arborons lors de nos actions - la barbe soyeuse qui nous couvre le visage - nous garantit également un anonymat qui nous permet de faire entendre notre voix, et désamorce toute accusation de collusion d'intérêt. La notion de porte-parole n'existe pas au sein de notre collectif, où chacune s'exprime pour elle-même : pour autant je n'interviens pas non plus totalement en mon nom propre, même si mon expérience n'est pas étrangère à ma présence ce matin. Il s'agira pour moi, ici, de parler en tant que citoyenne, en tant que témoin, agissant comme un révélateur, un miroir. Un choeur de citoyennes mettant en lumière, en voix, l'invisibilité des femmes à tout poste de responsabilité symbolique (chef d'orchestre, plasticienne, metteuse en scène, directrice d'institution culturelle...), qui est aussi l'invisibilité de leurs différences salariales et du poids des stéréotypes qui mènent hommes et femmes sur les traces de leurs pairs et de leurs pères.

Je voudrais souligner l'état paradoxal dans lequel se trouve la prise de parole des femmes qui doivent s'efforcer de ne pas passer pour des intrigantes dès lors qu'elles demandent simplement la parole au nom de l'égalité.

« La Barbe » est un collectif d'action féministe né en 2008, à la suite de la campagne présidentielle de 2007. Nombre de féministes avaient été effarées par les propos particulièrement sexistes tenus à l'égard de Ségolène Royal. Elles avaient considéré qu'il y avait quelque chose à faire autour de l'invisibilité des femmes dans les lieux de pouvoir. Notre collectif est né de cette réflexion.

Plutôt que de se focaliser sur les femmes, « La Barbe » a décidé de mettre au jour l'omniprésence symbolique des hommes dans tous les lieux de pouvoirs. Ainsi, les activistes de « La Barbe » interviennent dans les instances de pouvoir sans y avoir été invitées, masquées par de fausses barbes, afin de féliciter les « grands hommes » réunis entre eux. Par un effet miroir, nous pastichons le jeu de ces acteurs du pouvoir. Il s'agit de mettre en lumière, par la confusion des genres, l'omniprésence des hommes. Nous ne sommes pas forcément bien reçues !

Le collectif est lié aux théories du genre.

Nous sommes un mouvement non-violent. Notre action repose sur l'humour et l'ironie.

En cinq années d'activité, le groupe parisien de « La Barbe » a mené environ cent-cinquante actions. « La Barbe » a étendu son poil dans différentes régions françaises, dans le nord de la France, dans l'ouest autour de Nantes, Lyon et Toulouse, ainsi qu'au niveau international (Copenhague, Australie, Mexique (« Las Bigotonas »).

« La Barbe » intervient dans tous les secteurs de pouvoir réel et symbolique : le monde économique, la finance, les médias, la défense, les arts et la culture.

Nous intervenons dans les colloques, les « Think Tanks ». Hier, nous sommes intervenues à Amsterdam, chez EADS. Nous constatons que, dès lors que l'on parle d'avenir, il n'y a que des hommes autour de la table.

Nous intervenons dans tous les partis, en dehors du Front national, non parce qu'il est dirigé par une femme mais en raison des valeurs qu'il défend.

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