Intervention de Claude Biwer

Réunion du 27 octobre 2004 à 21h30
Cohésion sociale — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'heure où la reprise se fait attendre, le niveau du chômage continue, hélas ! de progresser. Depuis plus de dix ans, il flirte avec les 10 % de la population en âge de travailler. C'est deux fois plus qu'aux Etats-Unis, voire en Grande-Bretagne.

De plus, la caractéristique première du chômage français est d'être un chômage structurel, quasiment incompressible, c'est-à-dire qu'il semble dépendre, non pas du dynamisme de la demande, mais de la structure même de notre marché du travail et peut-être aussi - parce qu'il touche les jeunes plus que les autres - de l'inadaptation de notre système éducatif.

Or, chacun sait que l'inactivité d'une partie importante de la population en âge de travailler génère des inégalités, un « mal vivre », de l'exclusion, de l'insécurité, autant de phénomènes qui ne font que révéler un délitement social.

C'est pourquoi il nous paraissait urgent de faire du renforcement de la cohésion sociale une priorité nationale. Il nous paraissait tout aussi indispensable de mettre la politique de l'emploi au coeur de tout plan de lutte contre l'exclusion.

Par le présent projet de loi, c'est ce que vous proposez de faire, monsieur le ministre, et nous ne pouvons que vous en féliciter.

Le texte que vous nous présentez est un peu en deçà des déclarations qui le précédaient. Pour autant, il n'en demeure pas moins intéressant. Et, après tout, peut-on sérieusement vous blâmer d'avoir nourri de grandes ambitions ? Je ne le crois pas. Les arbitrages budgétaires vous ont été plutôt favorables, mais il faut toujours craindre les redoutables régulations budgétaires ultérieures !

Le volet « emploi » de votre projet de loi comporte plusieurs avancées significatives que nous entendons saluer.

Sur le plan des principes, il nous semble aborder la question du chômage sous un bon angle. Face à un chômage principalement structurel, il faut, en effet, mettre en oeuvre des réformes de fond, faute de quoi, la croissance continuera d'être pauvre en emplois. Aussi forte soit-elle, elle se heurtera à des obstacles insurmontables.

Sans réformes structurelles, le phénomène que nous avons connu en 2000 risque de se reproduire. A cette époque, alors que la croissance était très vive, le niveau du chômage n'a que très faiblement diminué.

Or, pour réformer en profondeur notre marché du travail, il faut former, accompagner, responsabiliser, assouplir. C'est précisément l'objet du texte que vous nous soumettez.

Pour ce qui concerne la formation, c'est à juste titre que vous mettez l'accent sur l'apprentissage. Nos sociétés sont allées en se complexifiant. Parce qu'une formation seulement théorique paraît souvent insuffisante de nos jours, l'apprentissage est, plus que jamais, une formule adaptée aux impératifs de notre temps. Elle l'est d'autant plus qu'une revalorisation du statut de l'apprenti permettra de diriger plus aisément les jeunes en difficulté d'insertion sur le marché du travail dans les filières en déficit de main -d'oeuvre.

Cependant, l'apprentissage ne doit pas concerner seulement les jeunes en difficulté ; il doit intéresser également tous ceux qui souhaitent exercer un métier manuel, dont la noblesse doit être remise à l'honneur. A cet égard, la création d'universités des métiers, à côté des centres de formation d'apprentis, les CFA, et des lycées professionnels, aurait pour mérite de donner une véritable perspective à cette filière.

Car c'est là un autre paradoxe français, et non des moindres : le chômage plafonne à un niveau très élevé, alors que des pans entiers d'activité sont en déficit d'actifs. Il existe dans notre pays des gisements d'emplois inexploités. La réforme de l'apprentissage aidera à remédier à ce paradoxe désastreux. En tant que résident proche de la Belgique, j'en vois personnellement la démonstration, avec les contrecoups qui se manifestent régulièrement.

Mais la formation seule ne suffira pas. Il faut aussi accompagner les demandeurs d'emploi dans leur parcours vers l'insertion sur le marché du travail. Chaque situation est unique et doit réclamer une attention particulière ainsi que la mise en oeuvre d'un projet individualisé.

Là réside, à notre avis, la grande force de votre projet de loi, monsieur le ministre. Il met en place les outils permettant à chaque demandeur d'emploi de bénéficier d'un accompagnement adapté à sa situation particulière et de concevoir un projet personnalisé d'accès à l'emploi.

Votre réforme du service public de l'emploi est emblématique de cette démarche. En particulier, les maisons départementales de l'emploi aideront les chômeurs à s'insérer grâce à la synergie qu'elles créeront entre les différents acteurs de la politique de l'emploi et à l'approche globale de la question qui en découlera.

J'émets néanmoins le souhait que ces maisons départementales de l'emploi se préoccupent des demandeurs d'emploi non seulement en milieu urbain, mais également dans les zones rurales qui connaissent, elles aussi, des difficultés grandissantes. Je ne doute pas que mon département serait probablement candidat à une expérimentation dans ce domaine.

Un aspect de votre texte nous tient cependant particulièrement à coeur : il s'agit des articles consacrés aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise. Si, du point de vue des demandeurs d'emploi, créer ou reprendre une entreprise devient une modalité plus attractive de réinsertion sur le marché du travail grâce à la loi, inciter les chômeurs à l'entreprenariat nous paraît également fondamental pour faire entrer notre économie dans un cercle vertueux de croissance.

En contrepartie de la mise en place d'un service public de l'emploi performant et humain, responsabiliser les demandeurs d'emploi nous semble aussi essentiel. Les chômeurs ont des droits qu'il faut protéger, mais aussi des devoirs qui en sont la contrepartie. La possibilité de prononcer des sanctions graduées en cas de non-respect de l'obligation de recherche nous semble une solution réaliste et de nature à mettre chacun face à ses propres responsabilités.

Enfin, notre marché du travail a certainement besoin d'une dose d'assouplissement. La libéralisation encadrée de la diffusion des offres et des demandes d'emploi et de l'activité de placement introduit une flexibilité salutaire.

Il en va de même des articles du texte consacrés au licenciement économique. Il n'est pas rare, en effet, que les entreprises qui souhaitent créer des emplois se tournent plus volontiers vers des contrats à durée déterminée, les CDD, ou la formule de l'intérim, afin de ne pas être confrontées à des procédures longues, difficiles et coûteuses en cas de retournement de conjoncture.

Comme vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous jugeons votre texte de mobilisation sur l'emploi globalement satisfaisant, d'autant plus qu'il a été substantiellement amélioré par notre commission des affaires sociales, son président et ses rapporteurs auxquels je tiens à rendre un hommage tout particulier pour la grande qualité de leurs travaux.

Trois amendements proposés par la commission nous semblent très importants. En vertu du premier, les actes tendant à la reprise ou à la création d'une entreprise permettraient de remplir la condition de recherche d'un emploi. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement allant dans le même sens.

Toujours dans l'idée de favoriser l'entreprenariat, les deux autres amendements portent sur l'aide fiscale apportée aux tuteurs de chômeurs créateurs d'entreprise. Comme la commission, nous estimons nécessaire que cette aide puisse profiter aux membres de la famille s'ils apportent au chômeur repreneur d'entreprise une aide adéquate.

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