Cette audition est pour moi l'occasion de m'exprimer non plus en tant que président de la fédération française de rugby, mais au titre de mes fonctions à la fédération internationale de rugby, que je représente ici.
Le rôle de la France dans la mise en place du contrôle antidopage, notamment grâce à l'action menée par Mme Marie-George Buffet, puis par M. Jean-François Lamour, a été important. Ces actions sont toujours reconnues dans le domaine sportif international, notamment la fédération internationale de rugby.
Le rôle de la France a été moteur et déterminant dans le domaine de la lutte antidopage. C'est un élément important, dont il faut encore tenir compte aujourd'hui, car il a toujours un rôle à jouer sur le plan international. La France est encore quelque peu isolée sur le plan international. Le soutien que nous recevons n'est pas aussi fort qu'on pourrait le croire. Le rôle que joue la France doit être poursuivi, afin de continuer à peser sur les orientations de la lutte contre le dopage. C'est un élément qu'attendent beaucoup de fédérations, qui n'ont pas les moyens de la France en matière internationale et qui attendent que la France fasse entendre sa voix, et continue à exprimer ses positions.
On est par ailleurs dans une situation où les acteurs sont plutôt, vis-à-vis du dopage, dans une situation d'opposition que de partenariat. Pour une fédération, un cas de dopage constitue une menace de sanction lourde et grave. Il s'agit d'un acte qui met la fédération en difficulté. Elle doit se justifier, trouver des arguments. Même si l'athlète est le seul concerné, la fédération doit exprimer des regrets, des remords, éventuellement reconnaître l'absence de contrôle, etc. Le dopage constitue donc une crainte et le contrôle est toujours vécu comme extrêmement négatif. Un climat de tension se crée et beaucoup de fédérations ressentent un certain inconfort, sans même connaître le résultat des contrôles.
Dans le même temps, la découverte de cas positifs permet aux différentes instances, qu'il s'agisse de l'Agence mondiale antidopage (Ama) ou des agences nationales, d'affirmer leur rôle. Une certaine rivalité oppose donc les agences, qui défendent leurs missions, et les fédérations, qui considèrent cette situation comme contraignante, et difficilement acceptable.
Ce climat n'est peut-être pas général, mais existe dans toutes les fédérations. Dans le cyclisme, les rapports ont été extrêmement difficiles durant des années entre les institutions de contrôle et la fédération internationale, et cette situation perdure encore.
En rugby, ce n'est pas le cas de tous les pays, mais le sentiment qu'on ne travaille pas sur les mêmes références existe. La façon d'aborder la lutte antidopage n'est pas partout perçue de la même manière, et certains organismes n'ont pas le sentiment de mener le même combat. Il existe en quelque sorte une distorsion quasiment permanente entre intervenants.
C'est une situation qu'il faut analyser afin d'essayer de travailler ensemble et faire en sorte que le lien entre les fédérations, les clubs et les athlètes soit assuré de manière pérenne, en particulier en matière de communication et de formation. Les agences doivent oeuvrer avec les fédérations pour pouvoir offrir une formation et une communication adaptées à la lutte antidopage.
La fédération internationale de rugby a signé le code mondial antidopage en 2003 ; nous nous sommes, dès le départ, inscrits dans le contrôle antidopage et y avons travaillé de nombreuses années. Notre commission antidopage est aujourd'hui présidée par M. Giancarlo Dondi, ancien président de la fédération italienne de rugby, membre de la commission antidopage au Comité olympique national italien (CONI), qui connaît bien ces dossiers. Nous disposons d'un certain nombre d'outils, dont un site Internet dédié, en trois langues -français, anglais, espagnol- « www.keeprugbyclean.com », que je vous invite à visiter.
Nous réalisons depuis 2003 un certain nombre de contrôles. En 2012, nous en avons effectué 1 542 hors compétition, dont 369 contrôles sanguins, que la fédération internationale pratique depuis de nombreuses années. Nous intervenons sur toutes les grandes compétitions internationales, depuis les seniors, avec la Coupe du Monde de rugby, jusqu'aux plus jeunes, dans le cadre des compétitions des moins de 18, 19 et 20 ans. Nous menons des contrôles permanents dans le cadre du XV et du VII, nos deux disciplines majeures. Notre programme est destiné aux 117 fédérations nationales membres de l'International Rugby Board (IRB). Malheureusement, peu d'entre elles ont eu la possibilité de créer leur système de contrôle national. Seules dix y sont parvenues, tous les gouvernements n'ayant pas la même volonté de soutenir leur fédération !