Intervention de Michèle San Vicente-Baudrin

Réunion du 27 octobre 2004 à 21h30
Cohésion sociale — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Michèle San Vicente-BaudrinMichèle San Vicente-Baudrin :

Mon intervention s'adressera plus particulièrement à M. Daubresse : vous fixez comme objectif, monsieur le secrétaire d'Etat, la production sur cinq ans de 500 000 logements sociaux en plus du PNRU, le programme national de rénovation urbaine, qui est d'ores et déjà qualifié par votre ministère de succès. L'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, encensée par M. Alduy, aurait validé ou prévalidé soixante-quatorze dossiers nationaux.

Dans ma région, le Nord, la première convention a été signée voilà deux jours à Hem par vous-même, et cinq autres projets sont en passe de l'être. On ne peut que féliciter les heureux bénéficiaires du fait qu'être éligible à ce guichet unique découle encore du parcours du combattant pour tous les élus des petites communes et des communes moyennes.

En décembre 2003, critiquant l'instabilité permanente des financements d'Etat, la dispersion de ces mêmes financements sur onze lignes de crédits différentes et une mécanique aveugle et opaque d'autorisations de programmes médiatiques en l'absence de crédits de paiements tenus secrets, M. Borloo affirmait ceci, à propos de l'ANRU : « Aujourd'hui, la prise de conscience est générale ».

Rassembler les fonds disponibles au sein de ce guichet unique paraissait sans nul doute une bonne idée, excepté que l'annonce de la création de cette agence fut suivie de gels ou d'annulations de crédits : depuis 2003, les crédits destinés à la ville vont en diminuant autant en investissement qu'en fonctionnement, et vous ne pouvez le nier, monsieur le secrétaire d'Etat !

Dans mon agglomération, par exemple, la dotation globale a diminué de 30 % en deux ans et arrive de plus en plus tardivement : alors qu'auparavant 80 % des dotations commençaient à être attribuées dès le mois de mars, cette année, et ce à concurrence de 50 %, elles ont été versées en septembre, bien que certaines doivent impérativement être consommées en décembre.

Dans un contexte socio-économique dégradé - vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat ! -, certaines communes du bassin minier sont dans des situations financières difficiles. La plupart ayant une strate de population inférieure à 10 000 habitants, elles ne pourront prétendre ni à l'ANRU ni aux dérogations.

Quand M. Borloo déclare, dans une interview, « qu'il n'y a pas de solution, que le ministère de la ville ne sert à rien, qu'il s'agit tout au plus d'accompagner avec la plus grande habileté médiatique ce voile pudique qui cachait l'indifférence et l'impuissance », on ne peut qu'être étonné.

En effet, à part sa grande habileté médiatique, ses prédécesseurs avaient indubitablement la même ambition que lui : renforcer la cohésion sociale.

Monsieur le secrétaire d'Etat, abandonnez-vous les petites communes à leur sort en sacrifiant les politiques de la ville ?

Deuxième pilier du projet de loi, la politique du logement a connu, hélas ! les mêmes aléas : 14 % de crédits ont été paralysés ou annulés en deux ans.

Les inquiétudes des élus, comme celles des associations, sont au moins aussi fortes, voire supérieures, quant à l'avenir du financement public du logement social.

Ne consacrer des crédits qu'aux opérations de démolition et de reconstruction n'a jamais suffi à fédérer des habitants ! Les associations à l'image de la FNARS, la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, engagée dans le maintien de la cohésion sociale des quartiers, protestent, dénonçant l'action d'un gouvernement qui délaisse l'accompagnement social et socio-professionnel des plus exclus en ne leur donnant plus les financements qui leur permettaient de mener à bien leurs missions. Est-ce ainsi que M. Borloo entend « rendre un grand hommage à celles qui ont inventé de nouveaux métiers », pour reprendre l'expression qu'il a utilisée tout à l'heure ?

Alors qu'elles demandaient une réforme de fond visant à maintenir la solvabilité des locataires et une amélioration de la couverture des charges réelles liées à l'habitat, on ne manque pas d'être étonné de découvrir un arrêté en date du 30 avril 2004 relatif au calcul de l'aide personnalisée au logement qui serait justifié non seulement par le coût de traitement des dossiers, mais aussi par le fait qu'il ne touche que 200 000 ménages. Désormais, il ne sera plus procédé au versement de l'APL pour tout montant inférieur à 24 euros.

En revanche, le délai de carence pour qu'une personne au chômage perçoive cette allocation n'a pas été abrogé. Le plan de cohésion sociale ayant pour objet de traiter les phénomènes d'exclusion dans leur globalité, la véritable cohérence n'eût-elle pas été de mettre en adéquation les intentions affichées ?

Le FSL, le fonds de solidarité pour le logement, sera transféré aux départements le 1er janvier 2005. Dans le Pas-de-Calais, peuplé de 1, 5 million d'habitants, le conseil général consacre près de 70 % de son budget de fonctionnement à la solidarité. La mauvaise nouvelle est tombée hier : 36 500 personnes touchent désormais le RMI, soit une progression de 10 % en un seul semestre.

Dans l'acte II de la décentralisation, avait été prévu, en même temps que le transfert de cette charge, le transfert de recettes, sauf que les fonds disponibles en 2004 sont calculés par rapport au nombre de RMIstes de 2002, « plombant d'emblée les finances des départements », comme l'a expliqué Dominique Dupilet, président du conseil général du Pas-de-Calais.

Des premières mesures visant à la lutte contre l'insalubrité, au XIXe siècle, aux premières lois de décentralisation, en passant par la loi relative à la lutte contre les exclusions, la loi SRU ou la loi de modernisation sociale, le droit au logement a été reconnu comme un droit social.

Ce projet de loi avait été présenté comme une démarche inédite consistant à traiter ensemble les grands problèmes qui mettent en péril la cohésion de notre pays.

Tout à l'heure, M. Borloo a dit mettre en place les moyens humains financiers et opérationnels. Or, peu d'éléments prouvent ces engagements, et rien ne nous fait penser que la démarche soit inédite. Toutes les lois de gauche que le Gouvernement cherche à supprimer sont là pour prouver le contraire. Il est vrai que, tout à l'heure, il a fait allusion à la seule constitution de 1946.

Si ce projet de loi n'est pas amendé, nous voterons contre, comme l'a déjà indiqué tout à l'heure mon collègue Jean-Pierre Bel.

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