Comme c’était prévisible, beaucoup de peurs s’expriment à l’occasion de l’examen de l’article 31. Elles sont logiques. D’ailleurs, nous avions nous-mêmes regretté le saucissonnage du texte et la séparation entre les volets « régions » et « métropoles », sans que soit l’articulation forte entre les deux soit montrée. Certes, la discussion a commencé par l’examen du titre Ier, qui affirme le rôle de « chef de file » de la région. Mais l’ensemble manque de clarté. En fait, c’est un pari. Il est prévu de renforcer la métropole tout en espérant que, dans sa grande sagesse, le législateur donnera ensuite à la région des compétences en matière d’aménagement du territoire, afin de maintenir l’égalité des territoires. C’est ainsi que le texte sera examiné. Soit !
Certains ont affirmé que les métropoles allaient « démanteler la République ». C’est excessif. Ce ne sont pas les structures de la République qui sont en cause. N’exagérons rien !
La question qui nous est posée est celle de la prise en compte du fait urbain, qui est la caractéristique du XXIe siècle. Aujourd'hui, plus de 50 % des habitants de la planète vivent en ville, et cette proportion s’élève à plus de 70 % en Europe. Le fait urbain est central. C’est aussi l’histoire du XXe siècle en France : notre société est devenue très majoritairement urbaine. Il faut que la loi le reconnaisse et organise l’action publique autour de cette réalité.
Il est vrai que nombre de craintes sont liées à une histoire assez récente. Je suis moi-même élu d’une grande ville, Nantes ; nous nous sommes peu intéressés, notamment dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, à l’avenir des villes moyennes, qui étaient pourtant sous l’influence des grandes villes. Par exemple, le territoire de Châteaubriant n’était clairement pas la priorité des élus nantais…
Songeons également au grand bassin de Toulouse.
Beaucoup de petites villes et de territoires ont donc souffert durant ces deux décennies et, au fond, nous payons aujourd'hui le fait que les grandes villes ont donné le sentiment de s’en sortir au détriment du reste du territoire, et ce sans se soucier des autres, ou rarement.
Mais c’est une vision aujourd'hui datée. Reprenons l’exemple nantais. À notre grande surprise, un certain nombre de ces territoires qui avaient énormément souffert sont aujourd'hui en reconquête. Ainsi, Redon a gagné un certain nombre d’habitants ces dernières années en profitant d’une dynamique plus métropolitaine ou de réseau entre les grandes villes, en l’occurrence Nantes, Rennes et Vannes.
Et cela se vérifie aussi dans les territoires ruraux. Alors que d’aucuns évoquaient jadis la mort programmée du centre de la Bretagne, le nord du Morbihan progresse aujourd'hui grâce à la dynamique de l’agglomération lorientaise, ce qui n’était absolument pas prévu ; d’ailleurs, ce n’est probablement pas encore entré dans notre représentation collective.
Dans ce contexte, le présent article vise non pas à geler un état de fait, celui de la société urbaine, en se contentant d’appeler « métropoles » les grandes villes pour mieux les renforcer, mais à affirmer l’interdépendance des territoires, avec une dynamique de mise en réseau à partir de cette réalité. C’est là que réside, me semble-t-il, le cœur de notre discussion.
À cet égard, je rejoins notre collègue Pierre-Yves Collombat – nous assistons aujourd'hui à des convergences inédites sur l’aménagement du territoire