Vous avez raison sur le sentiment d’abandon. Nous le prendrons en compte, car il s’agit d’une réalité qu’il ne faut absolument pas nier. Ce sentiment a été exprimé dans pratiquement toutes les interventions.
Si nous réussissons à expliquer que nous prenons en compte le fait métropolitain ou le fait urbain, pour ne pas utiliser le mot « métropole », qui n’est pas très aimé en France - je note que Jean-Pierre Raffarin converge, dans son analyse, avec le président de la commission des lois –, si, grâce aux efforts de l’ensemble des exécutifs, une région peut contribuer à soumettre à discussion tout ce qui naît au sein des métropoles ou des grandes villes, alors nous parviendrons à intégrer l’ensemble des territoires dans une même spirale de développement. J’y reviendrai lorsque nous aborderons le rôle des départements.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir relayé ici les inquiétudes qui se manifestent et qu’il ne faut absolument pas balayer d’un revers de main.
M. Collombat, au fond, en appelle à la différence entre le développement de métropoles qui ne seraient que des « boîtes à habitants » en concurrence les unes avec les autres – c’est ce que nous avions vu ensemble à propos des textes issus de la stratégie de Lisbonne – et une métropolisation raisonnée, raisonnable, qui prenne en compte le fait urbain, sans mettre de côté les réseaux de villes, de communautés, les réseaux d’exécutifs, ces réseaux capables, à partir de ce qui se passe dans les villes, de diffuser, par exemple, les innovations technologiques.
On oublie souvent de souligner, dans cette analyse de la métropole et du polycentrisme, que les communautés de communes rurales ont absolument besoin de l’énorme travail réalisé par les métropoles en termes de transports, de logements, d’universités, d’accueil des étudiants. En effet, ce sont aussi les étudiants des zones rurales que les aires urbaines accueillent, afin que chacun ait accès à l’économie de la connaissance.
Dans ce qui a été dit, je retiens l’idée de réseau. Il faut réussir à la mettre en pratique, à tout le moins la faire partager.
Parmi les inquiétudes exprimées, j’ai entendu celles des villes plus petites. Je ne ferai injure à personne en évoquant une « grande petite ville », Brest, dont un journal régional rapporte les craintes du maire, rencontré par Jean-Luc Fichet. Ce maire, qui reconnaît que le fait urbain est indispensable à un moment où les finances publiques pourraient être en difficultés, redoute que l’on ne décide qu’une seule métropole par région suffit, une seule université, un seul CHU. Il craint que sa grande ville d’équilibre, une communauté urbaine à 250 kilomètres de la plus grande ville de sa région, ne soit tout d’un coup abandonnée.
Je m’engage ici, au nom du Gouvernement : ce n’est pas parce que des collectivités territoriales urbaines seront baptisées « métropoles » que nous laisserons de côté des collectivités éloignées, qui comptent moins d’habitants, mais qui soutiennent d’autres territoires. Elles auront leur CHU ou leur université, car les grandes aires ne pourront peut-être pas accueillir toutes les fonctions ni toutes les activités exercées par les plus petites.
Soyons donc clairs et précis, et dissipons les craintes.
J’approuve vos propos, monsieur Collombat, sur le rôle des régions, sur les péréquations et sur la nécessité des réseaux. Il faut également donner à nos régions la possibilité de porter cette nécessité du réseau, des péréquations, des échanges, des mises en filières et en stratégies communes, bref, tout ce que nous attendons pour nos territoires.
Il faudrait que nous réussissions à sortir de ce débat en ayant dissipé les craintes.
Edmond Hervé, après Jean-Pierre Sueur, a rappelé qu’il était autant que les orateurs précédents attaché au polycentrisme et que l’article 1er avait été réécrit par la commission. Il a dit des choses auxquelles nous souscrivons parce que nous y croyons.
Nous prenons acte du fait que nous avons besoin de lieux d’anticipation, d’innovation, des lieux dans lesquels les laboratoires de recherche – mais pas seulement, il peut aussi s’agir d’innovation en termes d’urbanisme ou de diffusion culturelle – naissent et nourrissent l’ensemble des territoires.
Monsieur Hervé, nous avons une histoire commune, mais je n’ai sans doute pas le droit de m’y référer ici. Ces craintes sont nées du fait que certains outils, qui auraient pu être installés dans de petites villes, sont parfois venus renforcer les unités métropolitaines, sans que cela soit absolument nécessaire.
En 2013, nous ne devons plus éprouver de telles craintes. Les grandes unités urbaines ont suffisamment de problèmes à régler en termes de transport et de logement pour ne pas chercher à attirer à n’importe quel prix des populations, par exemple via l’installation d’usines de production agroalimentaire. Nous devons plutôt renforcer les grandes unités urbaines dans les fonctions que vous avez décrites, monsieur le sénateur. D’ailleurs, dans l’exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement avait insisté sur les fonctions plus que sur la démographie : on peut exercer de grandes fonctions avec des démographies différentes. Nous aurons ce débat quand nous en viendrons aux seuils.
Ce sont les fonctions que nous devons valoriser. Ronan Dantec avait raison en ce qui concerne l’environnement de la grande métropole nantaise, Redon ou Châteaubriant. Effectivement, les populations de ces communes ont besoin de la proximité d’une métropole et des grandes fonctions qu’elle exerce. On a évoqué les CHU, l’enseignement supérieur, mais les grandes gares TGV ne peuvent pas non plus s’implanter n’importe où.
Si nous mettions tous l’accent sur ces potentialités, nous dissiperions peut-être en partie les craintes de ceux qui ont peur de perdre leur population, comme les nombreuses communautés de communes rurales qui s’en sont émues auprès du Gouvernement en lui adressant des messages divers et variés. Ces craintes sont infondées. La région Centre, aujourd’hui, voit de très petites communes gagner en population.