Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'INSEE nous apprend que 3, 5 millions de nos compatriotes vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 6% d'entre eux. Dans la capitale, ce ne sont pas moins de 12% des Parisiens dont les revenus n'atteignent pas le seuil de 670 euros par mois. Cette proportion atteint même 32 % des 300 000 étrangers que compte Paris.
Après avoir évoqué ces chiffres autant spectaculaires que dramatiques, il ne me paraît ni incongru, ni déplacé dans cette enceinte de vous rappeler, mes chers collègues, que derrière le « Paris capitale » qui tantôt nous émerveille, tantôt nous agace, existe un « Paris ville » qui souffre et dont la réalité n'a rien de luxueux, ni de prestigieux.
Mon devoir est de vous alerter sur une situation qui devient très préoccupante et qui est souvent passée sous silence : ce « Paris ville » est sur la pente du déclin. Il perd jour après jour de sa substance, non pas, dans la plupart des cas, au profit de la province, ce qui aurait sa justification, mais au détriment de la compétitivité internationale de notre pays, tant Paris est aujourd'hui concurrencé par Londres ou par Francfort et, plus récemment, par les capitales d'Europe de l'Est, telle Varsovie.
Aussi, est-il salutaire que le Gouvernement s'atèle aujourd'hui au grand chantier de la cohésion sociale, dépassant une représentation surannée et fausse selon laquelle l'inscription de la fracture sociale dans l'espace se résumerait à quelques centaines de quartiers dûment répertoriés, comme si une soudaine poussée de ségrégation territoriale y avait rencontré l'exclusion, la misère et la déshérence à l'intérieur d'un paysage relativement homogène et continu.
Monsieur le ministre, vous avez rejeté cette lecture simpliste de la société en tournant votre politique vers les individus, car c'est en les prenant en considération que l'on transformera le territoire, et non l'inverse, et que l'on atténuera l'extraordinaire anxiété qui traverse la société française depuis plus d'une vingtaine d'années.
Alors que beaucoup considèrent encore que les déchirements de la ville affectent essentiellement une minorité d'exclus, s'impose l'idée selon laquelle les mécanismes de la ségrégation concernent toute la société, et non seulement ses franges, tous les territoires, et non seulement les quartiers sensibles, qui ne sont que le résultat le plus visible de la ségrégation urbaine.
Cette démonstration me permet d'affirmer, sans transition, que « Paris ville » doit prendre toute sa place dans cet engagement collectif pour qu'y soit brisé le cercle vicieux de l'exclusion, du chômage et des discriminations, car derrière les manifestations « Nuit Blanche » ou « Paris Plage », se profile un « Paris ghetto » où les journées sont noires et où, sous le sable, on cherche à cacher la misère...