Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 27 octobre 2004 à 21h30
Cohésion sociale — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, compte du délai dont je dispose, je concentrerai mon intervention sur l'apprentissage, qui occupe une part importante de ce texte, ce qui n'a peut-être pas toujours été apprécié à sa juste valeur.

Vous avez vous-même souligné l'importance de ce volet du projet de loi, monsieur le ministre. Vous avez déclaré qu'il consacrerait une voie d'excellence qui existerait « enfin » ! Le mot « enfin » était de trop ! Je vous informe que cette voie existe déjà, mais je suis sûr que vous en êtes persuadé.

Cette voie regroupe la moitié de la jeunesse de France en âge d'être scolarisée dans l'enseignement secondaire, dans les filières professionnelles, technologiques et dans celles de l'apprentissage. Elle a permis à notre patrie d'être le deuxième pays du monde en termes de gains de productivité ; je le dis pour tous ceux de nos collègues qui éprouvent parfois une jouissance étrange à aligner les performances des autres en oubliant les nôtres. Elle a permis à notre patrie d'être la quatrième économie du monde, ce qui ne se conçoit, compte tenu de notre faible nombre, que par le talent et la qualification de la main-d'oeuvre française.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale contient donc un volet « apprentissage ». Soit. Beaucoup s'en réjouissent. Mais je m'interroge : que fait-il là ? Pourquoi une voie particulière de formation prend-elle place dans un projet de loi relatif à la cohésion sociale ?

Je le dis très solennellement, en espérant que d'autres sur ces travées le diront comme moi : il n'y a pas dans ce pays de voie de remédiation sociale. L'éducation est nationale. Elle vaut pour tous. Il n'existe pas de voie pédagogique pour les pauvres. Il n'y a pas de diplôme social ; il n'y a que des diplômes sanctionnant une qualification applicable partout.

Ce volet du texte, monsieur le ministre, présente des aspects tout à fait étranges.

J'ai d'abord noté un effet d'évaporation entre l'exposé des motifs et les articles du projet de loi. Vous annoncez en effet des dispositions qui ne figurent pas dans les articles. Il en est ainsi de l'amélioration de la rémunération des apprentis.

J'ai ensuite relevé une disposition quant à elle tout à fait volontaire. Mais chacun d'entre vous y a-t-il réellement réfléchi ? Avez-vous sérieusement l'intention, monsieur le ministre, d'obliger les entreprises de ce pays à embaucher 2 % de leur main-d'oeuvre sous forme d'apprentis ? Avez-vous sérieusement l'intention de demander à la régie Renault, par exemple, qui a embauché 40 000 personnes entre 1999 et 2004, d'engager 2 000 apprentis et de disposer de 2 000 maîtres d'apprentissage ? Vous vous trompez totalement ! Une entreprise n'est pas une école !

L'apprentissage fonctionne dans certains métiers, pour certains gestes professionnels. C'est pourquoi il est souvent si bien adapté à l'artisanat, mais si peu à la grande industrie, notamment dans les secteurs techniquement les plus avancés.

Vos dispositifs sont également répétitifs, monsieur le ministre. Ainsi, le dispositif que vous prévoyez concernant le doublement du nombre d'apprentis est semblable à celui qui figurait déjà - je le dis, car j'ai eu l'honneur de participer à ce débat -, dans la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de 1993, dite « loi Giraud », comme l'est d'ailleurs l'exonération d'impôts pour les entreprises employant des apprentis. Ces mesures ont été abandonnées, sans que personne trouve à y redire, simplement parce qu'elles ne fonctionnaient pas.

Une telle vision idéologique conduit à survaloriser l'apprentissage plus qu'une approche pragmatique de la place qu'il peut occuper dans notre système d'éducation professionnelle.

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