Il correspond à un type particulier de parcours qu'un jeune peut emprunter, à un modèle pédagogique précis, dont d'ailleurs les pédagogues discutent l'efficacité. Certes, force est de reconnaître que des résultats ont été obtenus, mais, monsieur le ministre, sachez que, depuis un quart de siècle, la tendance a été à la scolarisation. C'est si vrai que l'apprentissage lui-même, les CFA, sont de plus en plus tournés vers l'aspect scolaire, plus que vers ce que l'on appelle l'enseignement pratique.
Compte tenu des technologies de notre époque, le tour de main, l'apprentissage par le repérage du geste professionnel concernent un nombre de plus en plus faible de métiers, y compris dans l'artisanat. Le niveau technologique, qui s'élève sans cesse, requiert que les jeunes soient préparés par l'acquisition d'un nombre croissant de connaissances générales.
Il n'existe pas, contrairement à ce que j'ai lu dans certains rapports, de métiers qui ne requièrent que des aptitudes relationnelles personnelles. Cela n'existe pas ! L'exemple cité était celui de la vente. Mes chers collègues, allez dans n'importe quel établissement où l'on vend des ordinateurs et demandez-vous si vous vous contentez de vendeurs qui n'ont que des aptitudes relationnelles ! Non ! Ils ont aussi des connaissances abstraites. Celles-ci s'acquièrent, elles ne tombent pas du ciel, elles ne suintent pas des murs de l'entreprise. Tout jeune, toute personne est éducable. Et si l'on renonce à cette idée, on renonce alors tout simplement à croire en l'humanité elle-même.
Mesdames, messieurs les ministres, il n'y a pas de lien direct, observable entre l'apprentissage et l'acquisition d'un emploi. Il y a en revanche un lien direct entre la possession d'une qualification reconnue par un diplôme et le travail. Cela, c'est sûr. Et cela se vérifie dans les deux sens : si vous avez un diplôme, vous avez du travail ; si vous n'avez pas de diplôme, vous n'avez pas de travail.
J'ajoute que le système d'apprentissage de nos amis allemands, que tout le monde a admiré - tout ce que font les autres est toujours plus admirable que ce que nous faisons nous-mêmes - est en train de s'effondrer, car ils ont eu eux aussi à faire face à l'évolution des métiers, à la flexibilité de l'emploi. Ils se mettent aujourd'hui à payer les maîtres d'apprentissage.
Chez eux, la première insertion professionnelle est réussie parce qu'elle correspond à la reproduction de gestes professionnels observables, mais la seconde est toujours un échec. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont ceux des nôtres qui procèdent à des analyses afin de rendre notre système le meilleur possible.
C'est une dépense inutile, monsieur le ministre. Vous allez augmenter de 40 % la taxe d'apprentissage, tant mieux ! Au passage, vous créez un organisme de collecte unique. Demandez aux fédérations artisanales si elles pensent que c'est une bonne idée ! Cela sent la centralisation, qui est toujours avantageuse pour les plus gros, mais se fait au détriment des plus petits. Or ce sont précisément les plus petits qui ont le plus besoin d'apprentis. Je vous le signale, monsieur le ministre, car vous serez à mon avis accueilli assez froidement sur ce sujet par ces fédérations patronales.
Vous êtes en train d'inventer l'eau chaude, monsieur le ministre. Le système public nous permet d'éduquer la masse de nos jeunes au plus haut niveau de performance technique. Aujourd'hui, on le constate, les transferts de technologie se font à partir des établissements publics. Le coût d'un apprenti du secteur public est inférieur de moitié à celui d'un apprenti d'un CFA, car le système public permet une mutualisation des moyens, contrairement aux CFA privés. Je ne les en rends pas responsables, je dis simplement que nous ne devons pas amplifier cette réalité !
Alors, que faudrait-il faire ? Peut-être me permettrez-vous quelques suggestions ? Après tout, je ne suis peut-être pas le plus mal placé pour en faire !
Il faudrait d'abord faire évoluer de façon significative le nombre de nos jeunes qui obtiennent le baccalauréat professionnel. Il ne faut donc pas renoncer à l'objectif des 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat.