Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 27 octobre 2004 à 21h30
Cohésion sociale — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale :

Vos propos manifestent une grande compétence et ne me surprennent pas de la part d'un élu de la ville de M. Besson. Je ne prétends pas que tout procède de lui, mais je veux dire que cette ville a vécu une mutation urbaine tout à fait remarquable.

Permettez-moi de signaler que vous avez néanmoins commis une erreur d'appréciation, qui est peut-être la conséquence d'un manque d'information.

Sur les financements de la rénovation urbaine ou des logements, on ne peut pas vous laisser tenir de tels propos, monsieur Repentin, lorsque l'on sait objectivement que nous nous trouvons dans une situation où 100 % de ce qui est prélevé au titre du logement social dans ce pays est aujourd'hui réaffecté au logement social.

Et je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler que l'une des raisons pour lesquelles nous avons connu quelques années noires en matière de construction de logement social - avec le fameux record historique des 38 343, en 2000 -, est qu'une partie très significative du financement du logement social était repartie dans le budget général pour un montant supérieur à l'intégralité de l'aide à la pierre. Vous le savez pertinemment.

Vous savez également que ces pratiques sont aujourd'hui révolues et que 100 % de l'affectation sont liés. Lorsque vous citez des chiffres concernant les lignes de crédit logement, je vous demande simplement d'accepter d'intégrer le découplage entre les lignes ANRU et les lignes logement, ce qui vous permettra d'appréhender différemment les choses. Mais si vous additionnez l'ensemble de ce qui était affecté aux GPV-ORU aux lignes logement et que vous retranchez ce que le budget de l'Etat avait récupéré du 1 %, vous obtenez un résultat négatif.

Si nous prenons aujourd'hui en compte la rénovation urbaine, le 1 % réellement affecté au logement social et les lignes de crédit de l'Etat, nous sommes, vous le savez, sur des multiplicateurs de dix, quinze ou vingt. Les ordres de grandeur sont donc sans aucun rapport avec les précédents.

M. Bel a prononcé un discours à charge d'ordre général - il était dans son rôle - en évoquant des incertitudes de financement. Devrais-je lui rappeler- je l'ai déjà dit à cette tribune il y a dix-huit mois - qu'un milliard d'euros étaient prévus pour nos quartiers en 1998 et que seulement 68 millions d'euros sont arrivés ?

De grâce... Nous n'avons pas raison sur tout, mais, comme l'a excellemment dit M. Virapoullé au cours de ce débat républicain, aucun sénateur ne peut prétendre ne pas souffrir de ces situations désespérées liées au logement, à la non-sortie du RMI, aux problèmes majeurs de santé publique, dont il est le témoin dans sa permanence.

Je reconnais qu'il manque un volet « santé publique » dans ce plan de cohésion sociale, car nous n'avons pas eu les moyens d'effectuer un vrai travail en profondeur avec le ministère de la santé - qui était par ailleurs débordé - lors du débat sur l'assurance maladie.

Il faudra également prévoir, avec l'ensemble de nos partenaires, des maisons de la santé, comme au Canada. Nous y sommes, pour notre part, tout à fait déterminés.

Monsieur Repentin, j'en viens aux clés de répartition. Vous êtes bien trop expert pour ne pas savoir que les clés de répartition d'autorisations de programme sur crédits de paiement étaient très longues, c'est-à-dire 12 %, 22 %, 28 %. Or nous en sommes arrivés à des clés de répartition qui sont, pour les nouveaux programmes, quasiment de un pour un, afin de rattraper ce crédit fournisseur insupportable pour les offices et les sociétés anonymes d'HLM.

Nous partageons votre sentiment sur l'évolution de l'aide fiscale pour l'immobilier, qui est en partie inscrite dans la partie « déductions » de ce texte, sous réserve d'un certain nombre d'engagements sociaux. Mais il faudra aller plus loin et nous sommes prêts à examiner avec vous cette question lors de l'examen du projet de loi « habitat pour tous ».

S'il était nécessaire, à un moment donné, de donner un coup de fouet général à la construction, il faut aujourd'hui réserver les ressources financières et les moindres recettes de l'Etat à ce type de construction et d'accession.

M. Dassault parle de cohésion sociale dans l'entreprise. Il est vrai que les dysfonctionnements de la société sont entrés, après l'école, dans l'entreprise. A cet égard, je me félicite que le concept de diversité, permettant de mettre en place les moyens pour lutter contre la ségrégation à l'embauche, ait été retenu par 37 entreprises. Nous avons indiqué que nous saisirions le Parlement si ce grand mouvement de non-discrimination à l'embauche n'était pas réglé rapidement.

Monsieur Dassault, je suis d'accord avec vous, la participation est une grande idée et nous la reprenons à notre compte. Elle n'est pas inscrite dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, mais nous avons saisi de cette question la Commission nationale de la participation.

Monsieur Virapoullé, j'ai effectivement rencontré Mme Nassimah Dindar, présidente du conseil général de la Réunion. Celui-ci a décliné sur le terrain de manière exemplaire, comme d'autres régions et départements, le plan de cohésion sociale, qui est un plan territorial.

Il est évident que je viendrai sur place pour le signer. Je précise que des adaptations techniques particulières à ce plan s'imposent à la Réunion, en Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe, notamment en ce qui concerne la ligne budgétaire unique, la LBU.

Les financements sont globalement prévus, mais il faut les faire passer de ligne à ligne pour que nos amis réunionnais, guyanais, guadeloupéens et martiniquais soient complètement intégrés à ce grand mouvement, d'autant qu'ils connaissent des problèmes démographiques. Je citerai un exemple : à la Réunion, qui est une île volcanique où il y a peu d'espaces disponibles, les besoins en logements sont importants.

Madame Voynet, vous avez parlé du traitement social du chômage en nous expliquant un certain nombre de points. Je ne sais pas si nous avons tort sur tout, mais, franchement, comment pouvez-vous ne pas soutenir les contrats d'avenir plutôt que le RMI ?

Cela m'échappe. Je ne comprends pas comment vous ne pouvez pas soutenir l'accession sociale à la propriété ! Je ne comprends pas comment vous ne pouvez pas soutenir l'extension du programme de rénovation urbaine, les charmes de la diversité, la Haute autorité de lutte contre les discriminations, les équipes de réussite éducative. Je veux bien que nous ayons tort sur tout le reste, mais je ne vois pas comment vous pouvez continuer à rejeter, d'un revers de main, tous ces thèmes que les élus locaux connaissent particulièrement bien !

Monsieur Mélenchon, je partage votre avis sur l'excellence, et je ne sais pourquoi vous vous êtes emporté. Il est tout à fait clair qu'il n'existe pas de voie unique. J'en suis le premier convaincu ! Il faut soutenir les différentes formes d'enseignement, y compris par conséquent les lycées professionnels et techniques, bien évidemment... Mais permettez-moi de manifester mon désaccord, ou peut-être mon incompréhension, sur certains points.

Lorsque vous dites que Renault recrute 40 000 personnes et que le nombre d'apprentis s'élèvera à 2 000, je vous réponds que, compte tenu du taux de 2 %, le nombre des apprentis ne sera que de 800. Cette entreprise est parfaitement capable d'appliquer un tel taux ; PSA Peugeot-Citroën vient de le faire dans les mêmes proportions au cours des deux dernières années.

D'où vient ce taux de 2 %, monsieur Mélenchon ? Tout simplement de la constatation suivante, sur laquelle nous devrions être d'accord : ce sont les petites structures, les artisans, qui fournissent le grand flot des apprentis de ce pays. L'ironie du sort réside dans le fait que, parfois, les jeunes apprentis, formés, portés par des maîtres d'apprenti de petites structures, sont recrutés ensuite par les grandes entreprises. Il s'agit quand même là d'une situation paradoxale !

La grande masse des apprentis français provient du commerce, de l'artisanat et des petites structures. Les entreprises de plus de cent personnes font en effet une place aux apprentis inférieure à 0, 6 % de leur effectif !

L'objectif de 2 % que nous avons annoncé, obligatoire dans trois ans si le dispositif conventionnel ne se mettait pas en place, nous permettrait d'atteindre les 500 000 apprentis, nombre qui n'est ni magique ni miraculeux : il correspond tout simplement à la stricte application d'un dispositif mis en oeuvre lors de la seule période de l'histoire où notre pays a connu un bond manifeste du nombre d'apprentis. Je fais référence à la loi Giraud, grâce à laquelle le nombre d'apprentis est passé de 247 000 à 354 000 environ.

Vous vous êtes interrogé sur la rémunération de l'apprenti, la revalorisation de l'image de la profession, cette capacité à aller de l'avant ; vous allez vous réjouir ! Ce projet de loi prévoit un dispositif plus ambitieux, plus lourd, avec, je vous le confirme, une augmentation de la rémunération des apprentis, laquelle sera fixée dans le cadre des accords salariaux qui vont être passés par les partenaires sociaux et intégralement compensés par le plan de cohésion sociale.

Par ailleurs, la question des tuteurs, des référents, des périodes interstitielles, c'est-à-dire celles pendant lesquelles les apprentis n'étaient plus rémunérés, autant de sujets que vous connaissez très bien, monsieur le sénateur, est réglée dans le détail du texte.

Enfin, le statut dont vous parlez, vous l'avez ! Il s'agit de la carte d'étudiant, de la carte logement, de l'université des métiers. Tout ce que vous évoquez à juste titre est aujourd'hui présent dans ce texte !

Il n'y a finalement que quelques points de désaccord entre nous, monsieur Mélenchon : je crois que les formations de l'alternance et de l'apprentissage, qui sont des formations d'excellence, permettront la reprise d'une partie des entreprises françaises. L'apprentissage a changé : plus de la moitié des apprentis sont titulaires d'un bac + 2.

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