Intervention de Guy Fischer

Réunion du 26 janvier 2006 à 9h45
Retour à l'emploi — Article 10

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Je partage tout à fait le point de vue que vient d'exposer notre collègue.

Nous abordons, avec cet article 10, la partie la plus inqualifiable de ce projet de loi, monsieur Mercier, celle qui est relative au contrôle des bénéficiaires de minima sociaux.

J'ai rappelé hier que M. Nicolas Sarkozy a fait contrôler 25 000 des 28 000 allocataires dans son département. Parmi eux, 4 500 ont été suspendus.

Nous aurons l'occasion de revenir sur cette politique de suspicion à l'égard non seulement des bénéficiaires de minima sociaux, mais aussi des chômeurs ou bien encore des étrangers. Notre collègue Jean Desessard a rappelé la suppression des allocations familiales pour les enfants en situation irrégulière. Certains départements font même des difficultés pour attribuer le RMI à des ressortissants de l'Union européenne ! Voilà l'un des points qu'il s'agira d'élucider.

Le paragraphe I bis, ajouté par l'Assemblée nationale, franchit une étape supplémentaire dans cette véritable « chasse aux pauvres ». Il introduit l'idée que le « salarié a, de manière intentionnelle, accepté de travailler sans que les formalités prévues [...] aient été accomplies... », c'est-à-dire sans déclaration préalable à l'URSSAF.

Il s'agit là d'un retournement sémantique, déjà engagé avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 et lourd de conséquences.

Vous faites peser sur les travailleurs, et non sur les employeurs, la responsabilité du travail dissimulé. C'est oublier très vite à qui il profite !

Les personnes travaillant sans être déclarées le font dans des conditions difficiles et sont contraintes par la nécessité d'accepter n'importe quel emploi, parfois même en mettant en danger leur propre sécurité.

En revanche, certains employeurs abusent largement de ces situations de précarité extrême pour contraindre leurs salariés à travailler clandestinement, de façon à ne pas payer les cotisations sociales. Personne ne sera dupe ici des véritables intentions qui poussent au travail dissimulé.

L'intentionnalité doit porter sur les entrepreneurs qui contournent la loi pour réaliser quelques économies et abusent de leur pouvoir, et non l'inverse.

Par ailleurs, laissez-moi faire une remarque complémentaire. L'inspection du travail, telle que nous la connaissons aujourd'hui, née de la loi du 2 novembre 1992, est sinistrée. Les chiffres sont éloquents : alors qu'en 1910 il y avait 110 inspecteurs pour trois millions de salariés, en 2004, ils étaient 427 pour 15, 5 millions de salariés.

Comment peut-on croire que 427 inspecteurs du travail, assistés de 813 contrôleurs, soit 1 240 agents pour 1, 2 million d'entreprises, peuvent de manière satisfaisante remplir leurs missions, notamment renforcer l'efficacité de la lutte contre le travail au noir ? Cette situation appelle des réponses autres que celles que l'on nous donne aujourd'hui.

Historiquement, les inspecteurs du travail avaient pour vocation la préservation des droits des salariés dans leur entreprise, alors que ces derniers sont soumis à une relation de pouvoir inégalitaire en leur défaveur.

Tout en réduisant les effectifs et les moyens des inspections du travail, vous souhaitez faire basculer leur fonction vers le contrôle des travailleurs. C'est intolérable !

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