En effet ! Au ministère des affaires étrangères, on ne peut faire qu'avec ce que l'on obtient. Les cessions immobilières représentent un jeu à somme nulle. C'est pourquoi nous avons besoin de récupérer l'intégralité des produits des ventes. Nous sommes dans un lit de Procuste : plus l'on vend, plus les réserves patrimoniales diminuent, ce qui restreint d'autant nos marges d'action.
Il est exact que le ministère ne dispose pas de SPSI global. Toutefois nous avons réalisé des schémas pour certains pays importants : les États-Unis la Chine, l'Inde, les pays du Maghreb, ou encore pour la France, où le nombre de nos installations parisiennes a été ramené de onze à quatre. Nous avons vendu 152 biens en sept ans, dont six de plus de dix millions d'euros. Nous réfléchissons à de futures cessions dans des pays où l'immobilier est valorisé. Mais la politique de cessions devient de plus en plus difficile car nous avons cédé les bâtiments les plus simples à vendre, notamment les plus petits : nous avons déjà vendu 80 bâtiments de moins de 500 000 euros. De plus les contraintes augmentent, en particulier en termes de sécurité, comme l'illustre l'attaque contre l'ambassade américaine à Benghazi, notre intervention au Mali, ou la destruction de notre ambassade à Tripoli alors que nous y avions réalisé pour 3 millions d'euros de travaux. Nous devons faire évoluer notre doctrine. Je suis aussi fonctionnaire de défense au ministère des affaires étrangères et la sécurité est partie prenante de ma réflexion. Le ministre a annoncé un plan de 20 millions d'euros pour la sécurité, dont 10 consacrés au compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
La politique immobilière est soumise à de nombreux aléas : la situation des marchés immobiliers locaux, les difficultés économiques des différents pays : ainsi en Argentine, il faut pouvoir rapatrier les fonds... Certaines ventes programmées n'ont pas lieu, prennent du temps, entraînent des contentieux, ou posent des difficultés juridiques.
Dans ce contexte, nous avons essayé de faire de nécessité vertu. Ainsi, une grande partie des recettes a été consacrée à des regroupements ou des mutualisations. Nous n'avons donc pas seulement vendu à l'encan des « bijoux de famille » mais avons aussi cherché des solutions plus rationnelles. L'aide de la CIM et de France Domaine est précieuse à cet égard. Nous devons poursuivre nos efforts de rigueur.
Ces dernières années, la vente de la villa Trotti à Monte-Carlo a rapporté 50 millions d'euros, la vente de Bangkok 30 millions, celle de Hong-Kong 52 millions. Ces trois ventes représentent donc à elles seules presque la moitié des 307 millions d'euros récoltés lors des cessions réalisées des 2006 à 2012. Nous avons réalisé de bonnes opérations : certes, à Hong-Kong, nous devons désormais louer, mais les frais de maintenance de l'ancien bâtiment étaient élevés. Le rachat d'un immeuble de 18 millions d'euros à Shanghaï, où nous payions un loyer supérieur à celui que nous acquittons à présent à Hong-Kong, a permis de dégager un bénéfice de 34 millions si l'on consolide ces deux opérations.
Il est vrai, monsieur le Président, que, comme vous l'avez souligné, toutes les opportunités n'ont pas abouti. A Dublin, par exemple, il est dommage que nous n'ayons pas profité de l'embellie du marché immobilier irlandais avant 2008 pour vendre. Nous avons cédé également des résidences consulaires à Chicago, Vancouver, Sydney, même si les ventes n'ont pas abouti à Athènes, Madrid, ou Barcelone. Globalement, les ventes sont de bonne qualité.
Existe-t-il une réserve de valeur ? France Domaine estime notre patrimoine immobilier à 5 milliards d'euros, dont un milliard au Liban, et plusieurs centaines de millions aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou au Japon. Mais ce patrimoine n'est pas facile à vendre. En outre, ne convient-il pas de conserver, par exemple, notre immeuble de Tokyo, d'autant que nous l'avons modernisé ? Ces 5 milliards constituent donc en grande partie une réserve de valeur non cessible. En revanche il est possible de vendre encore certains biens, comme notre résidence à Buenos-Aires, éloignée du centre, la résidence du consul général à Alger, ou le campus en Corée du Sud, pays dans lequel nous avons un projet d'installation conjointe avec les Allemands. De plus, nous soutenons des politiques de représentation mutualisées dans des villes où plusieurs ambassades sont implantées : ainsi nous allons vendre la résidence du représentant permanent français à l'Organisation des Nations Unies (ONU). Des pistes sont aussi à l'étude en Finlande, au Luxembourg ou à Amsterdam avec l'Institut wallon. Nous avons aussi des projets de construction. L'absence de stratégie ne signifie pas l'absence d'orientation, en lien avec la prise en compte dans notre réseau des nouveaux équilibres du monde : ainsi, nous avons vocation à augmenter notre présence dans des villes comme Abuja, Bangkok, Djakarta ou encore Dacca ; en parallèle, nous cherchons à rationaliser notre présence à Sofia ou à Tunis ; à côté de cela, des rénovations lourdes sont en cours à Washington, Moscou ou New Delhi. Il faut aussi mentionner les aléas, comme à Tripoli, où notre ambassade a été détruite.
Notre système exige vertu et rigueur, mais il ne peut être pérenne car le patrimoine cessible diminue. Il est indispensable que le retour intégral des recettes, prévu jusqu'à fin 2014, perdure. Nous avons besoin de votre aide, de celle de la CIM et de France Domaine pour continuer à améliorer la saine gestion de notre patrimoine.