Lors de leur réunion du 28 novembre 2011, les présidents Obama, Barroso et Van Rompuy ont lancé le projet d'un accord commercial bilatéral entre l'Union européenne et les États-Unis.
Le groupe de travail de haut niveau mis en place pour réfléchir à la faisabilité de ce projet a rendu son rapport en février 2013. Il envisage un accord commercial global, comportant une réduction des barrières tarifaires mais aussi la suppression d'un certain nombre de barrières non tarifaires. Pour l'Europe, j'y reviendrai, c'est là que se situe aujourd'hui l'essentiel des enjeux dans le commerce transatlantique. L'accord pourrait aussi viser une convergence plus générale de certaines règles qui ont un impact indirect sur la compétitivité, telles que les règles environnementales ou sociales. Enfin, l'accord serait global parce qu'il concernerait un très grand nombre de secteurs d'activités stratégiques pour l'Europe et la France, aussi bien dans les secteurs agricoles et industriels que dans les services. Un des enjeux des négociations européennes est d'ailleurs, à ce stade - j'y reviendrai plus loin - de déterminer les secteurs qui doivent être a priori exclu du champ de la négociation. Au total, le rapport du groupe de travail de haut niveau met en exergue les retombées économiques positives que pourrait avoir, pour les deux parties, la signature d'un tel accord.
Au mois de février 2013, le Conseil européen s'est déclaré favorable à la conclusion d'un accord commercial de ce type et la Commission européenne a décidé, dès le mois de mars, de passer immédiatement à l'étape suivante, à savoir la définition du mandat de négociation qui sera confié au commissaire européen, Karel de Gucht, pour mener les discussions au nom de l'Union européenne toute entière. Les États membres travaillent donc actuellement sur la définition de ce mandat, qui doit être formellement adopté lors du Conseil de l'Union européenne du 14 juin prochain.
Il est évident que la définition de ce mandat constitue une étape à la fois cruciale et complexe vers le futur accord. C'est une étape complexe en raison de la grande hétérogénéité des points de vue et des intérêts des États européens. Par exemple, sur des questions aussi importantes pour la France que la défense de l'exception culturelle ou l'ouverture des marchés publics, notre pays n'est pas certain d'être soutenu. Du côté américain, il existe également sans doute une grande hétérogénéité d'intérêts parmi les États fédérés. Cependant, la différence, de taille entre l'Union européenne et les États-Unis, c'est que, la définition de la politique commerciale commune étant une compétence de l'Union européenne, l'accord négocié par la commission européenne, après ratification par le Conseil de l'Union et le Parlement européen, s'appliquera obligatoirement aux États membres, alors que, dans le cas américain, l'Union européenne devra négocier directement avec les États fédérés pour ce qui relève de leur compétence propre.
L'étape de la définition du mandat de négociation est également cruciale, car les États européens, une fois le mandat donné, n'auront plus de prise directe sur les négociations - ils seront seulement consultés et tenus informés régulièrement via le comité de politique commerciale. Les États membres qui n'auront pas obtenu la prise en compte de leur point de vue dès le départ dans la définition des termes du mandat de négociation auront donc le plus grand mal à le faire prévaloir par la suite.
Bref, la partie qui va se jouer le 14 juin prochain sera déterminante et c'est pourquoi le Gouvernement français doit pouvoir compter sur l'appui du Parlement. C'est tout l'enjeu de la proposition de résolution relative à l'ouverture de négociation en vue d'un partenariat transatlantique que nous examinons aujourd'hui. Il s'agit pour le Sénat, à travers ce texte, de s'exprimer sur l'ensemble du mandat de négociation, de dire quelles doivent être les priorités poursuivies par le futur accord et de tracer les lignes jaunes à ne pas franchir de notre point de vue.
Ce faisant, il s'agit de renforcer le poids du Gouvernement français lors du prochain Conseil de l'Union européenne, la Commission européenne et nos partenaires devant être convaincus que, sur ces questions, la France parle d'une seule voix qui exprime un véritable consensus national.
Dès le 15 mai dernier, sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, la commission des affaires européennes du Sénat a adopté la proposition de résolution européenne dont je vous présenterai le contenu dans un instant. Conformément à la procédure prévue par le Règlement du Sénat, ce texte a été renvoyé à la commission des affaires économiques du Sénat compétente au fond.
Afin de respecter le calendrier communautaire, et donc le Conseil européen du 14 juin, il était donc nécessaire d'accélérer le calendrier d'adoption de cette résolution. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que notre commission en discute le texte dès aujourd'hui : de la sorte, le texte pourrait devenir une résolution du Sénat dans trois jours, à compter de la publication de notre rapport, à temps pour le Conseil.