Permettez-moi, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de faire un bref rappel historique.
À la fin du mois d’octobre 1938, à Marseille, un incendie terrible se déroule sur la Canebière et fait 73 victimes. Pour la malchance du premier maire SFIO de Marseille, tout le gouvernement est alors réuni en congrès dans la ville. Ainsi, toutes les forces de police protègent les « excellences » – cela n’a pas beaucoup changé ! – au moment où les pompiers déploient leurs tuyaux pour essayer d’arrêter l’incendie. Mais les voitures, qui continuent de circuler, les ont crevés et les responsables de la société des eaux, observant une fuite sur les cadrans de contrôle, décident de couper l’eau. Le résultat, nous le connaissons : 73 personnes périssent ce jour-là.
Immédiatement, les membres du gouvernement de l’époque – Daladier, Herriot, Camille Chautemps, Joseph Paul-Boncourt, tous présents à Marseille – décident de faire sauter le premier fusible : on suspend le maire et on met la ville de Marseille sous tutelle. Elle le restera d’octobre 1938 au 10 novembre 1946.
Cependant, l’année suivante, en 1939, le gouvernement de l’époque créé le bataillon des marins-pompiers pour la ville de Marseille. Aujourd’hui, celui-ci regroupe 2 400 hommes et femmes. Toutefois, contrairement à Paris, où le Conseil de Paris est en même temps conseil général et récupère à ce titre un certain nombre d’avantages financiers, Marseille ne bénéficie pas d’une telle situation.
Car les Marseillais payent deux fois. En effet, le Gouvernement prélève une certaine somme sur les assurances de voiture. Elle est versée aux conseils généraux de France pour les SDIS, les services départementaux d’incendie et de secours. Dans le cas de Marseille, qui possède 24 000 hectares et 860 000 habitants, c’est donc le conseil général des Bouches-du-Rhône qui en bénéficie.
Certes, le SDIS, que gère le conseil général des Bouches-du-Rhône, intervient sur l'ensemble des communes du département, mais le bataillon de marins-pompiers de Marseille protège, lui, les 24 000 hectares de la ville, soit – je l’ai déjà indiqué au cours de la discussion générale – un espace équivalent à celui qui est compris entre Roissy et Orly, d’une part, entre le bois de Boulogne et le bois de Vincennes, d’autre part. En outre, le bataillon assure la sécurité et la protection du port est et du port ouest, c'est-à-dire de l'ensemble portuaire s’étendant jusqu'à l'étang de Berre, ainsi que de l'aéroport international de Marseille-Provence.
Première injustice : je n'ai jamais pu obtenir qu’une fraction du produit de la taxe sur les conventions d’assurance revienne à la commune de Marseille. Un moment, je croyais avoir convaincu Mme Bricq, du temps où elle était rapporteur général de la commission des finances du Sénat, mais tel n’a pas été le cas. À mes collègues députés marseillais qui, à l’Assemblée nationale, ont défendu la même mesure, il a toujours été répondu que ce n'était pas possible.
Deuxième injustice : le coût du bataillon de marins-pompiers. Celui-ci est à la disposition de l'État, madame la ministre, et vous savez bien qu'il arrive souvent que le gouvernement de la République, celui d'hier et peut-être, un jour, celui d'aujourd'hui, décide, un beau matin, de mobiliser une partie de ses techniciens, de ses médecins, pour les envoyer dans un pays ami de la France venant de connaître une catastrophe naturelle. Le cas échéant, ils partent instantanément.
Coût annuel du bataillon de marins-pompiers : 100 millions d'euros, dont 70 millions d'euros à la seule charge de la ville de Marseille, le reste, 30 millions d'euros, étant financé par l’État, à hauteur de 10 millions d’euros – un cofinancement que j’ai réussi à obtenir récemment –, par la communauté urbaine, à hauteur de 7 millions d'euros, et par le port, l'aéroport et les hôpitaux de Marseille.
Au travers de cet amendement, je propose que les dépenses engagées au titre du financement du bataillon de marins-pompiers soient plus largement prises en charge par la future métropole.
Cependant, j’ai écouté attentivement notre éminent collègue François Marc, rapporteur général de la commission des finances, et je veux lui préciser que, bien entendu, il n’est pas dans mon intention de faire supporter par cette collectivité des dépenses d’un tel montant. En réalité, madame la ministre, il s’agit là d’un amendement d'appel ; c’est le rappel de l'histoire, celui d'une injustice qui n'a jamais été réparée.
Monsieur le rapporteur général, cela fait longtemps que nous payons, nous en avons pris l’habitude, et si le transfert auquel nous proposons de procéder ne se fait pas dans sa totalité du jour au lendemain, nous l'accepterons quand même.
Madame la ministre, j’aimerais qu'à un moment ou à un autre – et s’il faut attendre le prochain projet de loi de finances, nous attendrons –, vous m’annonciez que l’État prendra à sa charge une partie au moins de ces 70 millions d'euros dont s’acquitte chaque année la ville de Marseille pour payer ces 2 400 militaires, remarquables hommes et femmes, qui doivent intervenir en moins de dix minutes sur le lieu d'un incendie, d'un accident, d'un drame – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons construit des casernements partout dans la ville.
Cela fait dix-huit ans que je suis maire de Marseille, et pendant dix-sept ans, cher collègue Povinelli, le conseil général des Bouches-du-Rhône, chaque fois que je l’ai sollicité, m’a répondu d’aller me brosser avec un oursin.