Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les débats de ces derniers jours ont bien montré que, sur de nombreux sujets, la réflexion du Sénat méritait d’être poursuivie.
C’est la raison pour laquelle nous regrettons que notre motion tendant au renvoi à la commission n’ait pas été adoptée. Un nouveau travail de fond en commission aurait permis de renforcer les échanges avec les élus locaux et de donner du temps à la consultation des habitants eux-mêmes ; à cet égard, vous savez que nous sommes très exigeants. En outre, nous en sommes persuadés, des modifications plus substantielles encore auraient pu être apportées au projet de loi si nous avions pris en compte les mesures contenues dans les deux projets de loi à venir.
Quoi qu’il en soit, nous nous réjouissons des améliorations proposées par M. le rapporteur ; nous tenons nous aussi à le féliciter, ainsi que M. le président de la commission des lois.
Ces modifications concernent particulièrement la conférence territoriale, qui sera un lieu d’échange destiné à favoriser les coopérations possibles.
Compte tenu de cette mission pour ainsi dire resserrée, la mise en place de cette conférence ne nous apparaissait plus nécessaire, sauf à penser que le pion est ainsi avancé pour pouvoir, à l’avenir, lui octroyer de plus larges compétences.
Finalement, cette conférence remplit les missions des conférences régionales des exécutifs, déjà prévues dans notre législation. Pourquoi, dès lors, mettre en place une nouvelle instance ?
En revanche, nous regrettons que notre proposition visant à instaurer des conférences des exécutifs au niveau départemental n’ait pas été retenue. Ces conférences auraient pourtant permis de renforcer la place du département, auquel nous sommes attachés, dans la mise en œuvre des politiques publiques de proximité et de renforcer les solidarités au sein du territoire départemental.
Nous nous félicitons de la suppression, par le Sénat, du pacte de gouvernance territoriale qui, à nos yeux, était un outil centralisé de régulation et d’encadrement de l’action des départements et des communes. Ce pacte compromettait la libre administration de ces collectivités en les plaçant, de fait, sous la tutelle de la région, plus précisément de son président.
Toujours est-il que, malgré les modifications que je viens de saluer, le projet de loi va dans le sens de la concentration des pouvoirs locaux ; c’est du reste son objectif essentiel. Nous le regrettons – vous pouvez le constater, mes regrets sont nombreux !
S’appuyant sur la réforme de 2010 et visant à en compléter, qu’on le veuille ou non, la mise en œuvre, le projet de loi renforce l’intégration communale au sein d’un grand nombre de métropoles, mais aussi – fait nouveau introduit au Sénat – de communautés urbaines aux pouvoirs étendus et dont la multiplication est favorisée.
De ce fait, il réduit l’intervention de plusieurs milliers de communes, mettant à mal le principe de libre administration des collectivités, éloignant toujours plus les citoyens des lieux de décision et des élus qui disposent de réels pouvoirs, et affaiblissant leur pouvoir d’intervention.
Actuellement, la France compte une métropole, celle de Nice, et quinze communautés urbaines, soit seize aires urbaines très intégrées. Avec ce projet de loi, il pourra y avoir demain douze métropoles, hors Paris, et toujours seize communautés urbaines.
Cette réorganisation, qui concernera tout de même 20 millions d’habitants, touchera plus de 5 000 communes dont les prérogatives seront encore un peu plus réduites. Il s’agit donc d’une évolution considérable, d’autant que, par effet de ricochet, l’ensemble de la population sera touchée par le développement de ces grosses intercommunalités.
La nouvelle physionomie de la carte de nos institutions locales renforce la place des grandes aires urbaines au détriment des autres territoires, cassant toute possibilité d’avenir pour un aménagement équilibré de notre territoire et rompant les solidarités nationales.
En ce qui concerne Aix-Marseille-Provence, ma collègue Isabelle Pasquet, qui a dû quitter l’hémicycle et m’a chargée de la remplacer, regrette que la parole de 109 maires sur les 119 que compte le département des Bouches-du-Rhône n’ait pas été prise en compte. De fait, contrairement à ce que certains ont prétendu, je ne suis pas sûre que ce projet de loi satisfasse les maires, mais aussi les sénatrices et les sénateurs de ce département.
Je souligne que les amendements relatifs aux Bouches-du-Rhône ont été rédigés collectivement, dans un esprit consensuel et en mettant de côté les différences qui nous opposent souvent.
l s’agit tout de même d’une situation inédite ! Dans cette affaire, madame Gourault, les élus se sont pris en main, mais on leur nie cette capacité. Ne pas prendre en compte l’avis de 109 maires sur 119, je n’appelle pas cela une démarche démocratique !