Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Pierre Mauroy avait choisi le Sénat pour y exercer l’ultime mandat confié à lui par le peuple français.
J’ai toujours eu le sentiment que, à travers sa manière d’être sénateur, il s’inscrivait, au crépuscule de sa vie, dans la très longue histoire des institutions occidentales, celle qui prend naissance avec le Sénat de la République romaine. De fait, il y avait dans ce grand homme du Nord une manière toute romaine d’exercer son mandat de sénateur.
Il était une vigie, il était une mémoire vivante, et il exerçait une force de garant.
Il était un protecteur : protecteur des principes et des valeurs de la République, protecteur des gens, particulièrement des plus modestes, des travailleurs – qui mieux que lui savait trouver les mots pour parler de la pénibilité au travail ? –protecteur de la France, à travers sa volonté de susciter et d’accompagner les changements de notre pays.
Il était un sage, en lui vibrait la liberté de penser et d’imaginer que donnent parfois la vieillesse et l’âge aux hommes d’exception.
Parmi les nombreux hommages qui lui sont rendus depuis vendredi, peut-être en manque-t-il un : Pierre Mauroy était un homme libre, qualité première requise d’un homme d’État dans une démocratie pour décider et agir. Car la liberté est nécessaire pour imaginer les chemins de l’avenir ; difficile liberté, indispensable à l’homme qui projette son action dans le temps.
Pour n’évoquer qu’un seul des chemins de liberté imaginés par Pierre Mauroy, il me semble naturel de dire devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, un mot des lois de décentralisation.
Ces lois, il les a voulues, en très grand maire qu’il était, parce qu’il savait que l’avenir de la France se jouerait aussi dans l’alliance entre l’État et les collectivités territoriales. Trente ans plus tard, nous mesurons combien il a eu raison.
Il en a fallu, de la liberté, pour imaginer, dans un vieux pays centralisateur comme la France, pouvoir reconfigurer de fond en comble la place des collectivités locales dans l’État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, s’exprimant au sujet de la mort, Pierre Mauroy l’avait comparée à la mer : « la fin de vie, je la vois un peu comme la mer, comme quelque chose qui s’impose à vous majestueusement, avec solennité, beaucoup de force et une très grande beauté ».
« Qui s’impose à vous majestueusement, avec solennité, beaucoup de force et une très grande beauté » : c’est de lui, en tant qu’homme, qu’il s’agit là !
C’est sur la beauté singulière de son verbe, devant vous qui l’avez connu particulièrement, dans l’instance de la République qui la respecte le plus, le Sénat, que je veux conclure l’hommage que je lui rends, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel.