Intervention de Pierre Camani

Réunion du 11 juin 2013 à 14h30
Débat sur les déserts médicaux

Photo de Pierre CamaniPierre Camani :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la désertification médicale qui affecte notre pays depuis plusieurs années prend aujourd’hui des proportions inquiétantes dans certains territoires, souvent ruraux, parfois urbains.

Ce phénomène, nous le connaissons tous : nous l’avons identifié, nous en avons analysé les causes et les conséquences, notamment lors des échanges menés dans le cadre du groupe de travail mis en place sur l’initiative de MM. Jean-Luc Fichet et Hervé Maurey, dont je salue l’action.

Nous le savons, la difficulté ne réside pas dans une insuffisance du nombre des médecins, mais dans leur inégale répartition sur le territoire, qui reproduit les déséquilibres territoriaux et les accentue. Ainsi, la diagonale de la ruralité qui traverse la France des Pyrénées aux Ardennes est également celle de la pauvreté et de la désertification médicale.

Les littoraux et les centres-villes regorgent de médecins, alors que les zones rurales, les zones de montagne et certains quartiers urbains sensibles doivent faire face à une pénurie de professionnels de santé. Ces disparités se traduisent par des inégalités de santé, et l’on constate que la situation sanitaire est meilleure en ville qu’à la campagne, dans les grandes agglomérations que dans les petites.

Les raisons de cette évolution sont nombreuses : crise des vocations pour la médecine de premier recours ; aspiration des jeunes médecins à exercer en ville, à travailler en groupe ; héliotropisme ; féminisation, qui va de pair avec un attrait plus fort du salariat.

Toutefois, à ces multiples facteurs s’ajoutent les réponses insuffisantes des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans.

Madame la ministre, vos prédécesseurs n’ont pas pris la mesure de l’enjeu. Aujourd’hui, il y a urgence, car le phénomène de désertification est cumulatif. Dans les territoires concernés, il va s’amplifier de manière considérable si rien n’est fait rapidement.

En Lot-et-Garonne, département rural de 330 000 habitants, 110 des 277 médecins généralistes ont plus de 60 ans. Un quart d’entre eux devraient prendre leur retraite dans les trois ans à venir.

Il y a urgence à agir, et le pacte territoire-santé que vous avez mis en place afin d’enrayer la désertification médicale va dans le bon sens, même si, comme nos collègues Jean-Luc Fichet et Hervé Maurey, je crois nécessaire d’aller un peu plus loin dans la régulation.

Au travers du pacte territoire-santé, vous prônez la voie de l’incitation plutôt que celle de la contrainte, via des mesures ciblées qui modifient la formation et facilitent l’installation des jeunes médecins, accompagnent la transformation des conditions d’exercice des professionnels de santé et mettent en place des investissements dans les territoires isolés.

Ces dispositifs viennent compléter et conforter les nombreuses mesures déjà mises en œuvre par les collectivités territoriales. De fait, garantir une couverture médicale suffisante est non seulement un objectif de santé, mais aussi un enjeu stratégique d’aménagement du territoire. La présence médicale est un élément essentiel de l’attractivité de nos régions. Elle constitue un facteur déterminant pour le maintien des populations.

Dans cette perspective, les collectivités locales ont lancé de multiples initiatives pour lutter contre la désertification médicale. Les conseils généraux sont particulièrement concernés, et ils se sont impliqués, avec les collectivités infradépartementales, dans de nombreuses actions visant à maintenir la couverture médicale des territoires.

Le développement des maisons et des pôles de santé est le fruit du foisonnement des initiatives locales, mais ces infrastructures apportent parfois des réponses partielles, concurrentes, voire inadaptées. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’encadrer ces initiatives afin de les rendre plus efficientes. C’est le sens de la proposition n° 6 du rapport d’Hervé Maurey. Je m’attarderai quelques instants sur cette piste, car elle s’inspire directement de l’initiative que j’ai prise dans mon département, le Lot-et-Garonne.

Notre collègue Hervé Maurey propose de créer, à l’échelle départementale, une commission de la démographie médicale qui délimitera des aires de santé, tout en définissant et en organisant les moyens d’accéder aux soins dans ces territoires.

En 2009, le conseil général de Lot-et-Garonne a mis en place une commission départementale de la démographie médicale regroupant l’ensemble des acteurs concernés par le sujet dans le département : services du conseil général, préfecture, agence régionale de santé, représentants de l’ordre des médecins et des autres ordres professionnels, ainsi que des professionnels de santé, responsables de l’assurance maladie.

Cette commission, qui a vocation à fédérer l’ensemble des acteurs concernés, constitue l’instance de validation des projets de pôle de santé. Elle a défini un cadre précis en découpant le territoire départemental en quinze aires de santé dans lesquelles les projets animés par les collectivités et les acteurs de santé devront être coordonnés, ce qui évitera toute concurrence entre projets et entre collectivités.

Par ailleurs, la commission départementale de démographie médicale a constitué en son sein un comité technique qui apporte son soutien opérationnel à l’élaboration des projets dans les aires de santé.

Un projet de santé de territoire, mené par les professionnels de santé avec le soutien des élus, doit être élaboré puis validé par ladite commission pour obtenir les financements de l’État, de la région et du conseil général.

Ce cadre départemental a ainsi permis d’organiser les réseaux de professionnels médicaux dans chaque aire de santé, de coordonner les actions, de rationaliser les financements des maisons de santé. Il répond au souhait des nouvelles générations de médecins de passer d’un exercice individuel isolé à un travail en équipe pluriprofessionnelle. Il a permis de créer une dynamique entre les professionnels de santé, qui, dans plusieurs zones du département, ont relevé le défi et décidé de moderniser leur manière d’exercer afin de la rendre plus attractive, en alliant prévention et coordination des soins, et de répondre aux besoins de la population grâce à un projet territorial concerté et adapté.

Comme dans de nombreux autres territoires de notre pays, des mesures incitatives spécifiques et moins originales complètent ce dispositif. Elles visent notamment à augmenter le nombre de médecins généralistes maîtres de stage et à améliorer les conditions matérielles d’accueil des stagiaires.

À ce jour, neuf aires de santé sur quinze ont vu leur projet de santé validé, et les collectivités maîtres d’ouvrage lancent leurs investissements. À ce propos, les crédits du programme national visant à financer les 250 maisons de santé pluridisciplinaires sur la période 2010-2013 sont aujourd’hui consommés, ce qui donne un coup de frein à de nombreux projets en cours.

Aussi apparaît-il nécessaire, madame la ministre, de prolonger ou de renouveler ce dispositif d’aide à la création de maisons de santé pluridisciplinaires et de pôles de santé, pour assurer une présence médicale de premier recours équilibrée sur l’ensemble de notre territoire. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion