Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 11 juin 2013 à 14h30
Débat sur les déserts médicaux

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer à mon tour la qualité et l’importance du travail accompli par la mission d’information sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire.

Il s’agit de garantir l’accès de tous aux soins médicaux, qui est un droit fondamental et un enjeu majeur d’aménagement du territoire. Le rapport d’information met au jour un paradoxe français : notre pays consacre des sommes très importantes aux dépenses de santé, le nombre de médecins y est élevé et, pourtant, nous avons vu apparaître des fractures territoriales, des « déserts médicaux », remettant en cause l’accès de tous aux soins, y compris dans des départements dont le nombre d’habitants croît, comme la Loire-Atlantique, où le phénomène se manifeste déjà à cinquante kilomètres de Nantes.

Après avoir dressé un constat et établi des prévisions qui ont de quoi inquiéter, les auteurs du rapport d’information formulent des propositions fortes pour alimenter le débat. Si elles ne sont pas en contradiction avec le pacte territoire-santé que vous avez présenté à la fin de l’année 2012, madame la ministre, elles posent sans tabou la question de la liberté d’installation des médecins, ce qui n’était pas si évident.

Nous avons noté les paroles fortes du président Jean-Luc Fichet, qui n’écarte pas l’option de mesures coercitives, ou encore celles du rapporteur Hervé Maurey sur la régulation.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une répartition inégale des professionnels de santé sur le territoire. Or le rapport d’information rappelle à juste titre que les dispositifs actuels, fondés sur l’incitation, ne fonctionnent pas.

Hervé Maurey a également insisté sur la faiblesse de l'évaluation des mesures prises – une faiblesse évidente dans la conduite de l'action publique. Elle ne se résume pas à ce sujet, mais ne perdons pas une occasion de le souligner.

Cela étant, nous nous retrouvons dans les propositions du rapport, dont la diversité permet de répondre à différents aspects du problème. Il y aurait évidemment beaucoup à dire, mais je centrerai mon propos sur quelques points.

Pour assurer la couverture du territoire, nous, écologistes, proposons de définir une véritable mission de service public de la médecine générale et soutenons la logique du conventionnement sélectif. Nous saluons donc le ton volontariste du rapport, qui énonce des propositions en vue « du seul intérêt général », alors que « le souci de ne pas heurter les médecins et les futurs médecins a jusqu'à présent paralysé nos gouvernants ».

Le rapport nous apprend que 60 % des jeunes médecins n’envisagent pas de s’installer en zone rurale. Le choix pour un médecin de s’installer dans un certain lieu implique non seulement la proximité d’un plateau technique, mais aussi, potentiellement, un emploi pour son conjoint, une école pour ses enfants et, plus globalement, la présence de services publics.

C’est là que le problème des déserts médicaux rejoint la problématique plus transversale de l’aménagement du territoire. Pour les écologistes, cette question englobe aussi le problème de l’accessibilité territoriale et celui de l’accessibilité financière. En réalité, les déserts médicaux ne se trouvent pas que dans des zones rurales délaissées, mais également dans certains quartiers populaires ou certaines banlieues. Je tiens à signaler que, à l’intérieur même de Paris, l'agence régionale de santé identifie trois zones fragiles ou déficitaires en termes d’accès aux soins.

Les déserts médicaux ne souffrent pas que du manque de médecins. Un désert médical peut aussi, évidemment, être le signe d'une souffrance économique.

Nous avons eu la semaine dernière un intense débat autour de la question métropolitaine. Nous considérons que si l’opposition entre urbain et rural n’a plus cours dans notre pays – c’est une profonde mutation dont il nous reste encore à cerner toutes les implications –, des solidarités nouvelles doivent se faire jour via une organisation des territoires en réseau. Cela recoupe la question qui est posée aujourd'hui.

À cet égard, les écologistes continueront de se battre pour le maintien, dans les villes petites et moyennes, de services publics de qualité, aux premiers rangs desquels se trouvent des hôpitaux, qui permettent justement de renforcer l'attractivité de certains territoires. Ainsi, dans le débat sur le maintien des petits hôpitaux – le Finistérien Fichet connaît bien la mobilisation à Carhaix, qui a même inspiré un film de fiction –, il ne faut plus se limiter à une approche comptable ou technique : il convient d’intégrer le rôle de l'hôpital local dans le maintien alentour d'un tissu de médecins généralistes ou spécialistes.

Plus largement, le rapport est en phase avec la vision des écologistes selon laquelle il conviendrait d’établir avec la profession de nouvelles missions pour la médecine générale : suivi du dossier médical ainsi que des avis spécialisés, coordination avec les intervenants sanitaires et sociaux, participation à des actions de prévention et d’éducation. En clair, une culture générale plus large sur ces questions s’impose. En amont, comme le dit très justement le rapport, cela implique une évolution de la formation des médecins. Hervé Maurey a parfaitement défini l’enjeu d'une formation plus large, qui ne peut se résumer à une formation technique, aussi pointue soit-elle.

Nous souscrivons également aux propositions du rapport visant à favoriser le regroupement des activités, mesure qui est demandée par les professionnels.

La création de maisons de santé et de l’autonomie prioritairement dans les zones déficitaires doit, selon nous, être soutenue par les pouvoirs publics, mais à certaines conditions : les médecins doivent être conventionnés en secteur 1, le projet de santé proposé doit être solide et ces maisons de santé doivent comprendre d’autres professionnels de santé – car les déserts paramédicaux existent aussi ! – ainsi qu’un poste spécialisé en éducation pour la santé et la santé environnementale. Sur ce dernier point, vous connaissez notre sensibilité, et il est essentiel – dans un débat qui, justement, cherche une approche sanitaire plus globale – que nous intégrions tout de suite, en amont, ces questions cruciales de la prévention qui sont le parent pauvre du système de santé français.

Pour améliorer l'accessibilité financière, nous appelons à mener un bilan approfondi de la tarification à l’acte et à faire cesser les dépassements d’honoraires des spécialistes, qui entraînent un report de consultations non urgentes vers les urgences des hôpitaux, aboutissant à un engorgement des hôpitaux publics extrêmement coûteux et préjudiciable à leur bon fonctionnement.

Bref, les problèmes sont nombreux, et je voulais insister, au cours de ces quelques minutes, sur le fait que nous ne pouvons pas dissocier cette accessibilité géographique de l'accessibilité financière.

Je souhaiterais conclure en soulignant que nos déserts médicaux peuvent aussi s’exporter. Ainsi, nous savons tous que beaucoup de médecins étrangers, notamment roumains, s’installent en France. Ces derniers sont des milliers, dont l'arrivée est souvent ardemment souhaitée dans des territoires confrontés au départ à la retraite de leurs médecins généralistes. Il se trouve même aujourd'hui, en France, des « chasseurs de têtes spécialisés » qui prospectent pour des communes qui ne trouvent pas de solution.

Se pose-t-on vraiment la question de l'impact de cette situation sur la santé en Roumanie ? On parle aujourd'hui d'un déficit de 40 000 médecins dans un pays où le système de santé est très dégradé. Certes, la France n’est pas la seule responsable de cette situation, l'Allemagne l’est aussi. En Roumanie, une partie de la réponse passe d'ailleurs par le renforcement des services d'urgence, et je crois que cela fait écho à notre propre débat.

Au total, nous avons à répondre à l’enjeu de la désertification médicale, non seulement pour nos territoires, mais aussi pour ne pas exporter nos propres problèmes vers des territoires plus lointains et plus fragiles. Nous avons donc une responsabilité très importante. Il appartient au Gouvernement, au Parlement, aux professionnels de santé de l’affronter ensemble, sans demi-mesure.

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