Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme Jean-Luc Fichet, dont je salue le travail, ainsi que celui de M. le rapporteur, j’interviens en tant qu’élue d’un département plus marqué par de fortes disparités territoriales entre le littoral et l’intérieur des terres que par son appartenance, ou pas, à la ruralité. Et c’est sans parler des territoires insulaires qui subissent d’importantes variations saisonnières et souffrent de handicaps bien plus importants !
Avant d’aborder la situation spécifique de deux îles qui me sont chères, parce que proches et jumelées – Belle-Île-en-Mer et Marie-Galante –, j’interviendrai sur deux points déjà abordés au cours de ce débat, mais qui s’avèrent structurants pour nos élus et nos concitoyens : le renouvellement et l’installation des professionnels de santé.
Nous constatons les difficultés récurrentes à garantir la présence en nombre suffisant de médecins et de professionnels de santé dans certains territoires, même lorsque ces derniers sont dynamiques, bien dotés en infrastructures et situés à des distances raisonnables de villes moyennes. Malgré la mobilisation quotidienne des élus locaux, la recherche de nouveaux praticiens s’apparente à un véritable chemin de croix.
D’autres l’ont dit avant moi, plusieurs facteurs peuvent nous aider à comprendre ce phénomène : peur de l’installation et de la surcharge de travail pour des générations attachées à l’équilibre des temps de la vie – tout du moins à une certaine idée de la qualité de la vie – et prise en compte de la situation des conjoints. Autant de critères qui compromettent la durabilité des implantations et favorisent au contraire les remplacements et les temps partiels. Ces perspectives sont aggravées par le vieillissement des professionnels de santé, que l’augmentation récente du numerus clausus ne permettra pas de compenser.
Conformément à la démarche initiée par le Gouvernement, l’ARS de Bretagne a élaboré un pacte territoire-santé autour de douze engagements afin de lutter contre les déserts médicaux, trois mois après le lancement de cette réflexion collective le 25 février dernier, à Brest, en votre présence, madame la ministre.
Ces douze engagements font en partie écho aux propositions de l’excellent rapport de nos collègues dont je retiendrai deux mesures phares susceptibles d’apporter des réponses concrètes aux besoins de nos territoires, trop souvent confrontés à des candidatures exclusivement issues de pays étrangers ou obligés de faire appel, à un prix souvent prohibitif, à des cabinets de recrutement débordés.
La première mesure est que, face aux déficits constatés en matière de démographie médicale, le stage en médecine générale doit effectivement être généralisé à l’ensemble des étudiants en médecine. Vous l’avez dit, madame la ministre, si à peine 37 % des étudiants en deuxième cycle ont pu bénéficier d’un stage d’initiation à la médecine générale sur le plan national, certains CHU, tel celui de Brest par exemple, connaissent des taux allant jusqu’à 100 %. Il est donc temps de mettre un terme à ces disparités.
Ce stage doit permettre de déconstruire les représentations sur l’exercice libéral en zone rurale et faciliter la recherche de successeurs ou de renforts pour les médecins déjà installés. Dans cette perspective, il conviendra de poursuivre la mobilisation des médecins généralistes pour les inviter à accueillir les stagiaires et accroître les aides au logement et au transport pour inciter les étudiants à sortir des grandes villes ou des zones côtières.
S’il s’agit bien d’un enjeu national, n’oublions pas les responsabilités de chacun, en particulier celles des médecins en place qui doivent développer cette culture de l’anticipation et de l’accueil qui leur permettrait aussi d’actualiser leurs connaissances et leurs pratiques.
La seconde mesure prioritaire concerne le développement de stratégies collaboratives et le travail en équipe en garantissant notamment les moyens en faveur de l’accompagnement méthodologique et financier des pôles et des maisons de santé pluriprofessionnelles.
Les collectivités, vous le savez, madame la ministre, s’engagent massivement dans cette dynamique. Je pense tout particulièrement à une commune proche de la mienne, celle de Josselin, qui a fait construire une maison pluridisciplinaire de santé aux normes HQE et BBC, ouverte depuis l’été 2012, pour un coût de 1, 5 million d’euros et qui accueille cinq cabinets médicaux et paramédicaux. Je pense encore à la commune de Le Palais, à Belle-Île-en-Mer, qui met à disposition un logement pour stagiaires et remplaçants, déboursant ainsi 7 000 euros par an en soutien des deux médecins agréés pour accueillir ces stagiaires.
Tout comme celui de son île jumelée, Marie-Galante, le cas de Belle-Île-en-Mer, dont la population explose pendant les périodes de congés, est particulièrement éclairant.
Après deux ans de travaux – je sais que vous ne l’ignorez pas – et de réflexions partagées entre l’ARS, le conseil général, le centre hospitalier Bretagne-Atlantique et tous les professionnels concernés – pompiers, sécurité civile, médecins, paramédicaux, sans oublier, s’agissant d’une île, la SNSM –, la signature du contrat local de santé, en janvier 2013, a permis de mettre un terme à la dégradation de la situation insulaire en ciblant trois besoins prioritaires : la permanence des soins, la prévention des addictions et le maintien à domicile.
L’implication de l’hôpital s’est révélée décisive pour organiser la venue de praticiens hospitaliers, et ce, je le rappelle, en remplacement des médecins « volants », ou remplaçants, rémunérés à l’époque 1 000 euros pour vingt-quatre heures de garde. Grâce à ce projet local de santé, un nouveau médecin est venu s’installer sur l’île en avril et un autre devrait suivre.
Si nous enregistrons donc de notables progrès pour Belle-Île-en-Mer, mon collègue Jacques Cornano, sénateur de Marie-Galante, déplore quant à lui la situation toujours très difficile de son île. L’avenir de l’hôpital pose problème et les pannes très fréquentes de l’hélicoptère assurant les rotations risquent de mettre à mal nos concitoyens ultramarins parfois en danger.
Quoi qu’il en soit, ces démarches volontaristes démontrent la nécessité et l’urgence d’une véritable territorialisation de la lutte contre les déserts médicaux, dans laquelle chacun devra assumer pleinement ses responsabilités - surtout l’État -, tant en matière de pilotage que de financement dans la durée afin de garantir la visibilité attendue par les professionnels, les élus et la population.