Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, plutôt que de désert médical, je préfère parler de « fracture médicale » entre zone urbaine et zone rurale : déficit de généralistes, chacun s’est employé à le dire, mais aussi déficit grave de spécialistes - radiologues, ophtalmologistes, gynécologues, ...
Permettez-moi d’évoquer ma propre expérience – ce que l’on connaît le mieux, c’est encore ce que l’on fait ! – dans le département des Hautes-Pyrénées, territoire rural et de montagne, qui compte seulement 230 000 habitants. Pour cette population vieillissante, nous manquons d’ophtalmologistes. Nous sommes également un département très touristique : notre population est multipliée par quatre en hiver et en été. Nous accueillons alors un million de vacanciers dans quatorze stations de ski et dix stations thermales. Or les touristes sont exigeants : disposer de médecins et d’un hôpital n’est plus un atout mais une condition à leur venue, et nous manquons aussi de radiologues et de chirurgiens traumatologistes.
Pour entrer un peu plus dans le détail, je voudrais dire un mot de l’hôpital psychiatrique de Lannemezan - qui est aussi un hôpital général -, dont j’ai la chance de présider le conseil de surveillance depuis longtemps. J’allais dire qu’il s’agit d’un petit hôpital, mais 1 500 lits, ce n’est tout de même pas tout petit !
Le bassin de vie de Lannemezan compte seulement 50 000 habitants, mais, avec cinq stations de ski et deux stations thermales, ce chiffre peut être multiplié par quatre : chaque année, 200 000 personnes passent dans ce bassin de vie.
Dans ces conditions, madame la ministre, et je confirme en cela les propos de M. Savary, nous avons essayé de faire face en créant, il y a maintenant quatre ans, un groupement de coopération sanitaire : dix-sept spécialistes et chirurgiens viennent de Toulouse – cela montre que rien n’est impossible et qu’il n’y a pas de fatalité absolue – et pratiquent, sans dépassement d’honoraires, une chirurgie ambulatoire essentiellement dans le domaine de la traumatologie. Nous avions fait un pari : c’est un pari gagné ! Il s’agit d’un succès étonnant : on peut venir à Lannemezan, même de Toulouse !
Je voudrais rappeler, même si cela fait mal, que, dans le même temps où était créé ce groupement - en 2008 -, la maternité fermait pour des raisons comptables, comme vous l’avez dit tout à l'heure. Or le fond des vallées n’a pas bougé : il est toujours à une heure de route, pas à trente minutes, et quinze accouchements en urgence ont eu lieu.
Je vous remercie, madame la ministre, pour le pacte territoire-santé et les douze engagements. Beaucoup de choses ont été dites, mais quelques questions demeurent sur le déficit des spécialistes, notamment sur le numerus clausus et les incitations. Peut-on renforcer encore les missions de l’hôpital public de proximité ? La consultation délocalisée permettra seulement de déployer les moyens dont nous disposons déjà. Les cabinets libéraux, avec conventions bien sûr, seront-ils concernés par ce dispositif ? Cette solution rassurerait certains.
Je voudrais également insister sur l’utilisation des nouvelles technologies. Je suis étonnée, cher collègue Hervé Maurey, vous qui êtes ici le spécialiste du numérique, que vous ne voyiez en elles que des réponses partielles. Il ne s’agit pas d’une évolution mais d’une révolution ! Nous avons beaucoup parlé de télémédecine, mais pourquoi ne pas aller plus loin et parler de télé-radiologie et de télé-échographie ? Je pense de manière incontestable que nous allons puiser là des réponses.
Je voudrais encore faire part de mon engagement personnel et évoquer ce « petit » hôpital depuis longtemps à la pointe en matière de télémédecine, avec Louis Lareng, puisqu’il se positionne juste derrière le CHU de Purpan à Toulouse.
Nous sommes porteurs d’un projet e-santé, sur le point d’être finalisé, qui s’appuie à la fois sur les usages du numérique et sur les technologies spatiales. La région Midi-Pyrénées vient de lancer un programme ambitieux et veut être au cœur de l’utilisation des technologies spatiales. Elle a choisi notre zone du piémont des Pyrénées, autour de l’hôpital de Lannemezan, comme zone pilote et de référence. Nous avons accepté cette proposition et élargi la zone à la chaîne des Pyrénées. Ce projet est engagé ; il sera finalisé d’ici à quelques semaines, en tout cas avant la fin de 2013. J’espère, madame la ministre, avoir suscité votre intérêt.
Pour finir, je voudrais vous interroger sur une autre expérience pilote en matière de télémédecine et de télé-radiologie pénitentiaires – car nous disposons aussi d’une centrale pénitentiaire ! –, qui vise bien évidemment à éviter les extractions de détenus, souvent compliquées à mettre en œuvre. Où en est-on de l’évaluation ? Une plus-value est-elle ressortie de cette expérimentation ? Quels seraient les crédits spécifiques – car tout passe par là - permettant d’intégrer cette technologie ?
Je conclurai en disant que nous disposons d’outils nouveaux qui resteront inertes si manquent la volonté et les crédits. « Faisons le pari de la confiance », avez-vous dit, madame la ministre. Nous vous faisons confiance !