Intervention de Delphine Bataille

Réunion du 11 juin 2013 à 14h30
Débat sur les déserts médicaux

Photo de Delphine BatailleDelphine Bataille :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’accès à la médecine de proximité est inégal en France, tout le monde l’a dit. Les territoires ruraux sont, plus que les autres, confrontés à cette inégalité en matière d’offre de soins.

En matière de désertification médicale, se référer à la densité de praticiens par territoire permet de cibler les zones les plus fragiles. Toutefois, on ne peut restreindre l’accès aux soins de la population à ce seul facteur de densité de l’offre médicale : il faut également tenir compte de facteurs économiques, sociaux et culturels.

Si le nombre de praticiens a globalement augmenté depuis trente ans, les zones dans lesquelles on ne trouve quasiment pas de médecins se sont paradoxalement étendues, notamment dans les territoires ruraux. Les écarts de couverture de la population sont ainsi de un à deux pour les généralistes et de un à huit pour les spécialistes.

Dans le département du Nord, le secteur rural du Cambrésis et de l’Avesnois - où a grandi Pierre Mauroy -, à l’amplitude géographique importante, souffre de ce phénomène alors que les secteurs urbains et particulièrement le centre de la métropole lilloise sont couverts de façon satisfaisante.

Cette situation était prévisible du fait de l’iniquité de la politique de santé publique menée ces dernières années, laquelle a participé à l’accroissement des inégalités infrarégionales, pourtant contenues grâce à l’engagement volontariste des collectivités locales dans le domaine de l’accès aux soins.

Cette situation, déjà inquiétante du fait que les étudiants en médecine, tout du moins deux tiers d’entre eux, n’envisagent pas d’exercer en milieu rural, devient franchement alarmante pour ces secteurs dans lesquels l’allongement de la durée de vie et le vieillissement de la population nécessitent des traitements adaptés.

Si de nombreux usagers sont concernés par des soins de premier recours, une approche plus globale d’aménagement médical du territoire doit être envisagée sur le long terme, permettant d’éviter les ruptures de prise en charge des patients, par exemple pour les personnes âgées ou celles en situation de handicap, et ainsi freiner le développement des déserts.

De plus, la désertification médicale étant aggravée par l’éloignement ou la disparition des petits établissements hospitaliers, la création de maisons de santé compte parmi les réponses adaptées pour équilibrer la densité médicale.

Je veux souligner votre volonté, madame la ministre, de vous attaquer aux déserts médicaux, à travers les douze engagements que vous avez présentés dans votre pacte territoire-santé et saluer le travail de nos collègues dont témoignent les propositions contenues dans le rapport d’information.

Dans tous les cas, le pragmatisme doit être privilégié. Cela permettra d’appréhender les difficultés en matière d’accès aux soins en fonction des contextes locaux et d’organiser ainsi une meilleure répartition des moyens dans les bassins de vie.

Cependant, il persiste une contradiction entre la nécessité de mettre en œuvre, après concertation, une carte médicale organisant la présence des médecins dans les zones désertifiées et l’attachement de la profession médicale à son caractère libéral et à sa liberté d’installation, qui conduisent à la surpopulation médicale à Paris ou sur la Côte d’Azur et à la disparition progressive des médecins de campagne, par exemple dans le sud du département du Nord. Dans cette zone, en effet, les perspectives en matière de démographie médicale sont tellement préoccupantes que des maires ont constitué un collectif sur le sujet. Ils m’ont même adressé un appel au secours, après l’annonce du départ des deux seuls médecins qui exerçaient conjointement sur huit communes, au cœur d’un même bassin de vie.

Plus de deux mille foyers sont concernés. Les habitants refusent d’avoir recours de manière systématique aux services des urgences de l’hôpital, aux services mobiles d’urgence et de réanimation, les SMUR, ou aux pompiers, dont le coût reste plus élevé que celui des solutions de proximité adaptées.

Les élus soulignent que des mesures financières d’incitation à l’installation de jeunes médecins généralistes ont déjà été prises, sans qu’elles aient d’incidence dans leur secteur, car le nombre de patients potentiels y est suffisant pour assurer des revenus réguliers et plus élevés que les 4 600 euros mensuels garantis par l’État. De surcroît, les médecins de communes voisines mais plus éloignées, déjà débordés, refusent d’accepter de nouveaux patients.

Des discriminations importantes existent donc selon le lieu de résidence. J’y suis moi-même confrontée avec Médi’ligne. Après un diagnostic réalisé en ligne, ce service téléphonique de régulation, situé à Lille, à plus de quatre-vingts kilomètres de mon domicile, peut donner un simple conseil au malade, lui proposer d’aller chez le médecin de permanence ou à la maison médicale, quand ils existent à proximité, de se rendre aux urgences de l’hôpital ou bien d’appeler le 15. Cela contribue, hélas ! à la surcharge de l’hôpital public le week-end ou la nuit, alors qu’il peut s’agir de pathologies simples, qui, si elles ne requièrent pas d’hospitalisation, viennent encombrer les services d’urgence.

Dans la plupart des cas, il appartient au patient de se déplacer, quel que soit son état de santé, sur des distances qui demandent bien souvent plus de trente minutes – la durée de trajet maximale que vous avez évoquée, madame la ministre – pour être parcourues.

Les territoires ruraux et déserts doivent donc faire l’objet d’une attention bienveillante de la part des pouvoirs publics, dans la perspective d’un rééquilibrage de l’offre médicale.

Pour résumer la situation, j’ai constaté qu’il était désormais plus facile de trouver un vétérinaire d’astreinte qu’un médecin de permanence.

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