Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission sénatoriale, mes chers collègues, la mise en œuvre de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a déclenché un véritable choc culturel au sein du monde universitaire. Ses effets, qui ont varié selon le contexte particulier de chaque établissement, continuent d’animer la communauté universitaire.
Il convient aujourd'hui d’évaluer la mise en œuvre de la loi du 10 août 2007 en référence à ses principaux objectifs : replacer l’université au cœur du système français d’enseignement supérieur et de recherche, optimiser l’utilisation des fonds publics et consacrer une véritable autonomie des équipes dirigeantes, enfin, favoriser la réussite de nos étudiants.
Sur le plan de l’autonomie, malheureusement, selon des récentes études d’évaluation des performances de vingt-neuf systèmes d’enseignement supérieur en Europe, la France demeure, cinq ans après l’adoption de la LRU, dans le dernier tiers du classement : elle se trouve aux vingt-troisième et vingt-huitième rangs respectivement pour l’autonomie financière et pour l’autonomie de gestion des ressources humaines, au dix-septième rang pour ce qui est de l’autonomie organisationnelle et à la dernière place pour l’autonomie académique.
Les dotations allouées aux universités depuis plusieurs années auraient dû leur permettre de mettre en œuvre l’autonomie de gestion. Toutefois, ces moyens n’ont pas été à la hauteur des charges transférées : masse salariale, recrutement, organisation, immobilier. Et, malheureusement, la complexité de l’architecture universitaire, telle qu’elle a été conçue, n’a pas permis d’améliorer la lisibilité du système d’enseignement supérieur et de recherche.
Par exemple, moins d’une dizaine d’universités françaises ont mis en place une comptabilité analytique. Ainsi, le coût réel des transferts de charges et d’outils de gestion prospective efficients n’a pas été évalué, empêchant les universités de déterminer leurs marges de manœuvre budgétaires.
Les services centraux du ministère ne se sont pas impliqués dans le suivi et le support des établissements pour la gestion de leur masse salariale, alors que cette dernière représente parfois jusqu’à 80 % du total des moyens récurrents attribués.
Il est à regretter que, dans l’enseignement supérieur, le nombre de contractuels, y compris chez les enseignants, atteigne désormais 30 % des postes. Dans le domaine de la recherche, c’est très préoccupant, et l’on peut craindre une précarisation croissante de ces emplois pourtant qualifiés.
La diversification des fonds, l’un des objectifs majeurs de la loi LRU, a été extrêmement limitée. Ainsi, les fondations – une cinquantaine environ – n’ont levé que trop peu de fonds. De même, les recettes espérées issues de la formation continue ont été décevantes. D’importants progrès sont encore à accomplir, en lien avec l’État et les régions.
Quant à la ressource patrimoniale, elle est presque totalement inconnue dans le bilan des universités. Là aussi, d’importants progrès restent encore à faire, d’autant que, pour l’instant et compte tenu du manque de moyens, le processus a dû être suspendu.
Bien évidemment, ce résultat est très éloigné des objectifs qui avaient été fixés à l’époque, puisque la réforme mise en place devait, paraît-il, profondément bouleverser les modes de gouvernance et de pilotage budgétaires et financiers, ouvrir l’université sur le monde professionnel et économique, apprécier et évaluer les enseignants-chercheurs, enfin, au travers du plan Campus, moderniser les infrastructures universitaires.
Six ans après, le bilan n’est pas bon. Certains le trouveront mitigé, d’autres, comme moi-même, calamiteux. Que constatons-nous ?
Tout d’abord, la gouvernance des universités est trop centralisée et les regroupements universitaires insuffisamment structurants et peu stratégiques.
Ensuite, on observe le creusement des inégalités entre les filières et l’ouverture insuffisante des universités sur le monde professionnel, ainsi que l’absence d’interconnexion entre les outils de gestion des universités et des organismes de recherche.
Le conseil d’administration est devenu le seul organe délibératif, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire n’ayant plus qu’un rôle consultatif. Ainsi, ce dernier n’a en rien amélioré la vie étudiante.
Par ailleurs, le plan Campus a donné peu de résultats. Six ans après, où sont les campus qui devaient être visibles à l’international ? En l’absence de financement programmé, pas grand-chose n’est sorti de terre. Hélas, c’est la triste réalité.
De nombreux étudiants ne finissent même pas leur première année de licence. La réussite et, plus largement, la condition étudiante ne se sont pas améliorées ; au contraire, elles se sont dégradées.
Par ailleurs, et on ne peut que le regretter, sur les bases de la loi LRU, ces dernières années ont été marquées par une orientation qui donne la priorité à la compétition, qui tend à ne faire émerger qu’un petit nombre d’universités, les plus privilégiées, au détriment du développement d’un enseignement supérieur harmonieusement réparti et ouvert au plus grand nombre.
Pour toutes ces raisons, il était nécessaire de rectifier cette loi, et c’est bien l’objet du projet que vous présenterez la semaine prochaine au Sénat, madame la ministre. Votre texte a pour ambition la réussite de tous les étudiants. Il apporte une clarification importante de la gouvernance dans les universités. Il comporte des dispositifs nouveaux originaux, pour éviter la sélection par l’échec des étudiants et permettre une véritable orientation, ainsi qu’une meilleure professionnalisation. Il montre une volonté forte en faveur de l’accueil des étudiants étrangers ainsi que pour la recherche et le transfert vers l’économie. Gageons que ce projet de loi corrigera les errements constatés dans la mise en œuvre de la loi LRU.