… se joue le destin de nos élèves. Il se joue dans les collèges, où les jeunes, en fonction des trois vœux émis, s’orientent vers les lycées, éventuellement vers leurs impasses. Il se joue ensuite, à travers le baccalauréat, en direction de l’université.
Madame la ministre, n’oubliez jamais ce chiffre. C’est Richard Descoings qui, le premier, le seul, l’a souligné. De mon temps, quand le lycée était l’exception et quand s’appliquait dans toute sa rigueur la méritocratie républicaine, il y avait 143 000 bacheliers en France. Aujourd’hui, c’est le nombre des bacheliers S. Cela veut dire que le lycée de toujours, le lycée magistral a été préservé, volontairement ou non, par les classes moyennes et les classes moyennes supérieures, par la bourgeoisie.
Par ailleurs, quand on sait que, dans ma région, 50 % des élèves entrent en lycée professionnel et que 90 % des élèves des lycées professionnels échouent dans le premier cycle, nous découvrons avec stupeur que le système français, cet extraordinaire système de formation, parmi les meilleurs du monde en qualité, ne parvient plus à endiguer les inégalités territoriales.
Par conséquent, la loi n’a pas tranché ce problème crucial de l’orientation. Demain, après le bac, ces jeunes vont être sur des quais, et les trains qu’ils prendront ne mènent nulle part. Dans ma région, le chômage des jeunes est à 32 % et le décrochage concerne 20 000 jeunes chaque année. Bref, parler, même quatre minutes, même six minutes de cette loi, c’est d'abord faire attention à ne pas jouer avec les mots.
J’en viens au troisième thème que je voulais aborder.
Les grandes douleurs sont muettes, madame la ministre. Tout à l'heure, le Sénat a salué un juste, Pierre Mauroy. Or, sur cette question, nous avons connu à la fois l’injustice et la Bérézina. En 1812, le fleuve n’était pas gelé, mais ceux qui l’ont traversé sont morts, notamment les pontonniers ; de même, sur le socle de la LRU, le campus international et les investissements d’avenir, les milliards d’euros ont fait notre malheur. Nous avons été sacrifiés, madame la ministre !
Pourtant, l’ARS – quelle idée de la supprimer ! – nous avait placés huitièmes ou septièmes sur l’échelle de la compétition, et nous pensions pouvoir figurer parmi les gens retenus. La méthode, diabolique, a été confidentielle ; elle n’a pas fait la une des journaux, n’a donné lieu à aucune statistique et n’a jamais été illustrée par les cartes.
Vous le savez, dans ma région, un étudiant, à travers ces deux concours d’excellence, ces deux agrégations finalement tranchées par le Premier ministre, a reçu quinze fois moins qu’un étudiant de l’Île-de-France, quatorze fois moins qu’un étudiant d’Aquitaine, treize fois moins qu’un étudiant de Rhône-Alpes…