Intervention de Bernard Cazeneuve

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 12 juin 2013 : 3ème réunion
Règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012 — Audition de M. Bernard Cazeneuve ministre délégué chargé du budget

Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget :

La loi de règlement permet un regard rétrospectif sur l'année 2012. Certaines questions ont déjà été abordées dans le cadre de l'audition relative au programme de stabilité qui s'est tenue au Sénat le 17 avril dernier. Cette audition avait, en effet, déjà été l'occasion d'aborder certains développements sur les principaux résultats de l'exécution 2012.

La présentation du présent projet de loi de règlement appelle deux motifs de satisfaction.

Le premier résulte de la transparence accrue que le projet de loi permet, à la faveur des procédures de certification et de contrôle. En effet, pour la septième année consécutive, les comptes de l'Etat ont été certifiés par la Cour des comptes, ce qui permet d'en garantir la sincérité et la régularité au Parlement et aux citoyens. Cette certification intervient dans le contexte de la mise en place complète du système « Chorus », qui permet de doter l'Etat d'un outil moderne de gestion budgétaire et comptable. Ce chantier, d'une ampleur exceptionnelle, a été mené à bien, en dépit de certaines difficultés, grâce à la mobilisation forte de l'administration. De même, une transparence accrue également a été permise grâce à l'insertion, dans le projet de loi de règlement, d'un nouvel article, dit « article liminaire », en application de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Cet article liminaire présente ainsi un tableau de synthèse qui retrace le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour l'année 2012. Conformément à l'article 23 de la loi organique précitée, le HCFP s'est prononcé sur le respect des objectifs fixés pour l'année 2012 par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012-2017. Cette transparence nouvelle, avec l'avis public d'un organisme indépendant, a été voulue par le Gouvernement, avec un large soutien des parlementaires ;

Le second motif de satisfaction a pour origine le respect de l'objectif de réduction du déficit budgétaire, alors même qu'il était ambitieux et que la conjoncture et l'état des finances publiques que nous avons trouvés en arrivant aux responsabilités ne nous ont pas facilité la tâche. Ainsi, ce projet de loi de règlement confirme, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, la réduction du déficit budgétaire de l'Etat, qui s'élève à 87,1 milliards d'euros - après 90,7 milliards d'euro en 2011 - malgré la stagnation de l'activité en 2012 conduisant à un moindre dynamisme que prévu des recettes. Je rappelle à cet égard que la loi de finance initiale (LFI) était construite sur une hypothèse de croissance du PIB de 1 % alors que la croissance a été nulle. Comme l'a dit le Premier président de la Cour des comptes, « les nouvelles recettes fiscales ont joué un rôle prépondérant dans l'amélioration du solde budgétaire ». Sans elles, le déficit public aurait été de l'ordre de 5 points et demi de PIB. De, même, la prise en compte de la dotation au Mécanisme européen de stabilité (MES) et de la recapitalisation de Dexia, qui n'étaient pas prévues en LFI, ont pesé sur le déficit budgétaire 2012. Il ne fait pas de doute qu'il était impossible de compenser en cours d'année ces dépenses exceptionnelles qui se sont élevées à 9,3 milliards d'euros.

La Cour a certifié les comptes de 2012 avec sept réserves, dont cinq réserves substantielles, en réduction par rapport aux sept réserves substantielles émises en 2011, résultat de meilleurs contrôles et des efforts du Gouvernement pour améliorer la transparence. Je me réjouis de progrès accomplis en 2012. Le Premier président de la Cour des comptes a lui-même souligné leur importance : après « l'essoufflement de la trajectoire d'amélioration de la qualité des comptes entamée en 2007 », il y a eu un « véritable redémarrage des chantiers » en 2012.

Par ailleurs, la Cour des comptes s'est interrogée sur le niveau des recettes de TVA, qui ont été inférieures de 3 milliards d'euros par rapport à nos prévisions faites à l'occasion de la présentation du collectif budgétaire d'automne, le 14 novembre 2012. Je tiens à expliquer cet écart, qui résulte notamment de trois éléments combinés.

D'abord, la croissance a finalement été nulle, alors que nous prévoyions une croissance de 0,3 %. Le ralentissement a été assez marqué en fin d'année, puisque la croissance du dernier trimestre a été négative. Cela a impacté à hauteur de 900 millions d'euros le rendement des recettes de TVA.

Ensuite, dans un contexte économique difficile, les Français ont privilégié les produits de première nécessité, taxés à taux réduits. Cet effet de structure a réduit de 600 millions d'euros les recettes de TVA.

Enfin, on a constaté un changement dans le comportement des entreprises. Alors que beaucoup d'entre elles demandaient de moins en moins systématiquement le remboursement de leurs crédits de TVA, elles l'ont fait de façon plus systématique en 2012 en raison d'une conjoncture plus délicate. Ce dernier facteur aurait produit une diminution de 400 millions d'euros du rendement de la TVA.

Au total, on voit que la conjoncture, particulièrement détériorée sur le dernier trimestre de 2012, explique 2 milliards d'euros de moindres recettes de TVA. Un milliard d'euros d'écart par rapport à notre prévision reste donc, à ce jour, inexpliqué.

Nous ne savons pas si cela reflète des changements de comportement, avec une évolution des pratiques de consommation, ou bien des phénomènes de fraude. Mais nous serons en mesure de préciser ce point d'ici la fin de l'année 2013.

Quoiqu'il en soit, je tiens à nuancer cet écart. Ce milliard d'euros représente en effet un montant faible par rapport au produit global de la TVA, puisqu'il en constitue moins de 1 %.

De manière plus générale, l'amélioration du solde budgétaire a été rendu possible par une stricte maîtrise de la dépense de l'Etat qui, y compris dette et pensions, a connu une baisse historique de 300 millions d'euros, alors même que des risques de dérapage avaient été identifiés par la Cour des comptes, pour 2 milliards d'euros à l'été 2012.

Pour ce faire, nous avons pris des dispositions pour que la gestion 2012 soit exemplaire : nous avons ainsi mis en place un surgel de 1,5 milliard d'euros dès le mois de juillet 2012 ; les crédits mis en réserve n'ont pas été dégelés en cours d'année, à l'exception des crédits nécessaires à la couverture des dépenses urgentes, comme les retraites et les bourses ; et nous avons donc pu anticiper les décisions de fin de gestion, avec une réserve de précaution qui s'élevait en effet à 5,9 milliards d'euros le 1er novembre 2012.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, l'effort de la maîtrise de la dépense a été « significatif ».

La Cour des comptes a aussi indiqué, dans son rapport sur les résultats de la gestion budgétaire 2012, que les normes de dépenses ont été strictement respectées : les dépenses sous norme « zéro valeur » ont baissé cette année de 2,2 milliards d'euros ; et les dépenses de masse salariale ont, quant à elles, été quasiment stables.

De même, les schémas d'emplois ont été respectés et même au-delà, avec 27 182 équivalents temps plein (ETP) en moins, contre une baisse de 26 123 ETP prévus par la LFR de fin d'année. Ce résultat s'explique notamment grâce à des suppressions de postes supérieures aux prévisions dans le secteur de la Défense.

Nous avons également maîtrisé l'évolution des dépenses d'assurance maladie, car l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) exécuté a été finalement inférieur de près de un milliard d'euros à l'objectif voté par la précédente majorité.

Au final, les dépenses publiques ont, en 2012, progressé de 0,7 % en volume, contre 0,9 % en 2011 et plus de 1,7 % ces cinq dernières années.

Dans ce contexte, j'ai un peu de mal à comprendre les accusations de laxisme, qu'elles visent la dépense de l'Etat ou celles de la sécurité sociale. Ce Gouvernement a procédé à un pilotage rigoureux des finances publiques et ne mérite pas le procès d'une dérive des comptes publics puisqu'il a fait mieux que les objectifs que s'était fixés le Gouvernement précédent. Le Gouvernement a donc réussi à s'engager sur la voie du sérieux budgétaire.

L'ajustement structurel total est globalement en ligne avec les objectifs de la loi de programmation des finances publiques, qui prévoyait un ajustement de 1,2 point de PIB potentiel. En 2011, le déficit structurel était encore supérieur à 5 % du PIB, ce qui signifie qu'en 2012, nous avons ramené le solde structurel au niveau qu'il avait atteint de 2007. La Cour des comptes a qualifié un tel ajustement de « très significatif », et pour cause, le dernier précédent d'un tel effort remonte à 1996, pour la qualification à l'euro, soit il y a plus de 15 ans.

Cet effort a également été rendu possible par des mesures en recettes.

Le Gouvernement assume parfaitement d'avoir fait porter l'ajustement principalement sur les recettes, ce choix s'expliquant par l'urgence : comme vous le savez, les mesures de prélèvements sont d'effet immédiat, tandis que les économies appellent un travail en profondeur, marqué par un dialogue entre les administrations, un échange approfondi avec les collectivités territoriales et une modernisation de l'action publique.

Je me contenterai de rappeler que sur les 22 milliards d'euros de hausse d'impôt de 2012,7 milliards d'euros ont été votées par l'actuelle majorité et 15 milliards d'euros par la précédente.

Pour ce qui concerne l'année 2013, et afin de répondre à la question de savoir s'il faut ou non déposer un collectif budgétaire, je tiens à rappeler, avant d'entrer dans le débat, deux des finalités d'un collectif budgétaire : premièrement, informer le Parlement sur l'exécution budgétaire et sur les prévisions de recettes et de dépenses de l'Etat, en actualisant le solde de déficit des administrations publiques, à travers l'article liminaire qui ouvre désormais chaque loi de finances ; ensuite, faire adopter des mesures fiscales nouvelles.

Le premier point est satisfait puisque le Parlement reste pleinement informé de la situation budgétaire. Depuis le début de l'année, il y a eu trois auditions à l'Assemblée nationale et deux au Sénat, consacrées à l'exécution 2012 ou au programme de stabilité. Elles ont permis d'aborder la situation des finances publiques à de nombreuses reprises. Et je suis à nouveau auditionné ce jour.

À l'occasion de la transmission du programme de stabilité, les prévisions de recettes et de déficit ont été actualisées par rapport à la LFI. Ainsi, le niveau du déficit a été porté de 3 % à 3,7 %, les prévisions de recettes fiscales ont été revues de plus de 8 milliards d'euros, celles des administrations de sécurité sociale de plus de 3 milliards d'euros, les droits de mutations à titre onéreux ont également été revus à la baisse de près de 2 milliards d'euros compte tenu de la réduction des transactions immobilières. Au total, les recettes publiques ont été révisées à la baisse de 14 milliards d'euros, soit 0,7 point de PIB, ce qui explique le passage d'un déficit public de 3 % en LFI à 3,7 % dans le programme de stabilité. L'objectif de dépense est, en effet, resté inchangé.

En outre, toutes les demandes d'information émanant des commissions des finances des deux assemblées sont satisfaites. Le Gouvernement est donc totalement transparent et ne cache pas la réalité de la situation budgétaire au Parlement. De plus, nous allons nous revoir souvent, et le débat sur les orientations de finances publiques (DOFP) permettra de préciser nos prévisions. Nous nous reverrons encore en octobre prochain à l'occasion de la présentation du budget 2014.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait le choix de ne pas ajouter l'austérité à la récession et donc de laisser jouer les stabilisateurs automatiques en recettes. Autrement dit, les moins-values constatées au premier semestre ne seront pas compensées par un tour de vis fiscal. Il convient de ne pas accroître le risque récessif.

Je peux d'ores et déjà vous donner des indications sur ce que devrait être le solde budgétaire de 2013, même si l'appréciation de la situation est encore difficile, le contexte étant instable. Alors que la LFI pour 2013 prévoyait un déficit budgétaire de 61,5 milliards d'euros, une fois financé l'impact du budget rectificatif de l'Union européenne pour 2012, contre 87,1 milliards d'euros en 2012, le déficit budgétaire a été revu à la hausse de près de 7 milliards d'euros à l'occasion du programme de stabilité, pour s'établir à 68,3 milliards d'euros.

Un aléa baissier - qui reste à confirmer et affiner - existe sur cette prévision, compte tenu des recouvrements de TVA. Je tiens néanmoins à porter à votre connaissance les résultats du mois de mai. La situation mensuelle budgétaire à fin avril, publiée le 7 juin dernier, faisait apparaître un rendement de la TVA très en-deçà des prévisions, avec une TVA en baisse de 2,3 % par rapport à la fin avril 2012. Néanmoins, les résultats de mai sont bien meilleurs, puisqu'à fin mai, les recettes de TVA sont en progression de 1,5 % par rapport à la fin mai 2012. Il existe donc un aléa baissier limité sur la TVA. Mais les recouvrements sont erratiques et, bien que suivant la situation de près, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions : nous avons besoin de davantage de mois de recouvrements pour affiner notre prévision.

Voici le détail de notre prévision issue du programme de stabilité. Les recettes de l'Etat ont été revues à la baisse de 8 milliards d'euros, compte tenu du niveau de la croissance en 2012 - zéro pour cent, contre 0,3 % estimé en LFI - et de la révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2013 - soit 0,1 %, contre 0,8 % escompté au moment du PLF. Les recettes d'impôt sur le revenu (IR), assises sur les revenus 2012, ont été revues à la baisse, à hauteur d'un milliard d'euros. Les recettes d'impôt sur les sociétés (IS) ont été revues à la baisse de 2 milliards d'euros pour prendre en compte à la fois l'impact de la croissance de 2012 et celle de 2013. Le résultat fiscal de 2012 sera, en effet, vraisemblablement moins élevé que notre prévision au moment du collectif de l'automne 2012, ce qui impactera les acomptes versés en 2013. La révision à la baisse de la croissance de 2013 impacte quant à elle le bénéfice fiscal 2013, et donc le rendement de l'acompte de décembre, appelé cinquième acompte. Les recettes de TVA ont quant à elles été revues à la baisse de 4,5 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros au titre de l'effet base 2012, et le reste au titre de la révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2013. Les recettes provenant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPCE) ont également été revues à la baisse de 400 millions d'euros, en prenant en compte les recouvrements constatés.

En sens inverse, nous prévoyons une charge de la dette moins importante que prévu, et ce pour près de un milliard d'euros, compte tenu des taux d'intérêt qui sont restés bas.

Enfin, la maîtrise de la dépense de l'Etat sera, comme pour l'exercice 2012, exemplaire. Nous voyons à cela deux raisons.

Tout d'abord, la qualité de notre budgétisation initiale puisque nous avons rebasé cette année, en présentant ainsi au Parlement une budgétisation plus sincère. Ainsi, à titre d'exemple, les crédits dédiés aux bourses ont été rebasés de 200 millions d'euros et ceux de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de plus de 600 millions d'euros. Je rappelle que pour ces deux dotations, la Cour des comptes avait fait état, dans son audit indépendant des finances publiques, de risques de dépassement de 400 millions d'euros - à hauteur respectivement de 100 millions d'euros et 300 millions d'euros.

Ensuite, parce que nous avons mis en place en 2013 les conditions d'une gestion exemplaire de la dépense de l'Etat, tout comme nous l'avons fait avec succès en 2012. Ainsi, un surgel de 2 milliards d'euros a été mis en place dès le début de l'année. Il doit permettre d'absorber le surcoût de notre contribution au budget de l'UE, lié à l'adoption du budget rectificatif européen 2012 en fin d'année 2012, qui n'avait pas pu être intégré dans la budgétisation initiale. Il doit également permettre de financer en gestion les mesures supplémentaires décidées pour l'emploi, compte tenu de la priorité donnée à l'inversion de la courbe du chômage. Tout comme l'an dernier, seules les dépenses strictement nécessaires seront dégelées en cours de gestion, permettant ainsi de mobiliser pleinement la réserve de précaution pour assurer le respect de notre trajectoire en dépense.

En effet, nous serons exemplaires sur la maîtrise de la dépense publique. Et les résultats 2012 le prouvent puisque nous avons divisé par trois en 2012 le rythme de progression des dépenses publiques par rapport au rythme des dix dernières années.

En 2014, nous irons encore plus loin, avec une baisse de 1,5 milliard d'euros des dépenses de l'Etat hors dette et pensions. C'est la première fois qu'un budget sera construit sur la base d'une baisse de dépenses de 1,5 milliard d'euros. Mais nous avons choisi la stabilisation en 2013, car comme l'a indiqué le Premier président de la Cour des comptes « les logiques de rabot ont des limites ».

Avant d'approfondir la maîtrise de la dépense de l'Etat, nous avons préféré prendre le temps de l'analyse et de la concertation, avec la modernisation de l'action publique (MAP) notamment, mais également le processus budgétaire. La construction du budget 2014 est en cours et je serai en mesure de vous présenter les plafonds de crédits par mission et les perspectives pour les années qui viennent au moment du débat d'orientation des finances publiques.

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