Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de la discussion des textes qui nous sont soumis, les membres de mon groupe ont toujours exprimé leur attachement à ce que soit enfin mise en œuvre une volonté politique de simplification du droit. Ce sujet n’est pas nouveau, comme en témoignent les réflexions que menait déjà le Conseil d’État en 1991. Mais notre organisation administrative est ainsi faite que sa force d’inertie n’a d’équivalent que la complexité des procédures qu’elle exige des administrés et des usagers.
Les collectivités locales sont en première ligne face à la jungle normative dont nous convenons tous de l’inutilité et de la lourdeur. Les rapports qui se succèdent depuis des années n’ont cessé de pointer du doigt cette problématique, sans que pour l’instant la tendance lourde ait pu être inversée.
La présente proposition de loi, que nous voterons, est naturellement la bienvenue, mais elle n’est, en somme, que l’arbre qui cache la forêt au cœur de laquelle se nichent des monstres de pointillisme administratif. Si le chiffre de 400 000 normes applicables aux collectivités a été évoqué, il n’en reste pas moins éloquent. Les collectivités sont en première ligne pour satisfaire les besoins de nos concitoyens et promouvoir l’intérêt général. Or à force d’empilement des normes, notamment en matière de sécurité, nous en sommes parvenus à encourager l’inertie des élus, paralysés à l’idée de voir leur responsabilité engagée, au lieu d’être incités à impulser des investissements nouveaux ou, tout simplement, à faire preuve d’audace.
Notons aussi qu’il n’est pas nécessaire de pousser des cris d’orfraie quand les collectivités se voient contraintes d’embaucher du personnel administratif, juridique ou financier pour faire face à des besoins d’expertise plus poussés face à des textes entremêlés. Il ne s’agit là que des effets de l’inconséquence des pouvoirs normatifs, inconséquence dont, il est vrai, nous devons, en tant que législateurs, assumer notre part de responsabilité.
Pour l’heure, le texte qui nous est soumis prend place, certes modestement, dans la chasse aux normes stratifiées que les pouvoirs publics veulent aujourd’hui lancer. Nous l’avons déjà dit, mais nous persistons : la simplification du droit doit s’accomplir au travers de textes courts, centrés sur des problématiques clairement identifiées, pour éviter les textes fourre-tout et l’accumulation des cavaliers législatifs comme nous en avons fait l’amère expérience avec les multiples propositions de loi Warsmann.
À cet égard, même si la présente proposition de loi est guidée par une volonté louable de simplification, nous notons qu’elle comporte néanmoins de vraies réformes de fond, en particulier en matière d’urbanisme, réformes qui auraient certainement justifié un texte ad hoc.
La question des conventions de mandat d’aménagement ou celle de la faculté de création des CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants méritent encore une fois d’être approfondies.
Au terme d’une lecture dans chaque assemblée, le texte que nous examinons n’a plus grand-chose à voir avec celui qu’avait imaginé notre collègue Éric Doligé, dont le remarquable rapport comprenait près de 268 propositions. Nous remarquons ainsi que les dispositions relatives à la réforme de la Commission consultative d’évaluation des normes ont été supprimées par les députés, pour la bonne et simple raison qu’elles figuraient également, quoique dans une version différente, dans la proposition de loi portant création d’une haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales. Ajoutons que de telles mesures figurent encore dans un troisième texte, le projet de loi qui vise à créer le Haut Conseil des territoires. Avouez, mes chers collègues, que nous aurons réussi à introduire de la complexité supplémentaire dans l’objectif initial de faciliter la simplification !
Une telle mise en abyme, poussée à l’absurde, illustre surtout la propension que nous gardons à faire preuve d’un regrettable pointillisme, comme le dénonçaient à juste titre Jean-Claude Boulard et Alain Lambert dans leur excellent rapport consacré à la lutte contre l’inflation normative. À ce propos, il nous serait agréable, madame la ministre, que vous puissiez aujourd’hui nous indiquer les suites que le Gouvernement entend donner à ces travaux, notamment pour ce qui concerne, d’une part, le devenir des normes dont l’abrogation est proposée et, d’autre part, l’application d’un principe de proportionnalité en matière de création de normes.
Certes, la proposition de loi que nous examinons va dans le bon sens, mais elle ne constitue qu’un rouage de portée limitée au regard de la nécessité de simplifier le droit. Nous savons que vous avez engagé cette politique au travers de la modernisation de l’action publique, la MAP, qui prend la suite de la RGPP, mais qui combine cette fois rationalisation budgétaire et préservation de la qualité du service public. Les effets de ce processus seront longs, mais nous comptons sur votre détermination.
Pour l’heure, nous voterons cette proposition de loi, car entre les normes et l’initiative, nous choisirons toujours l’initiative ! §