Intervention de Jean Boyer

Réunion du 12 juin 2013 à 14h30
Simplification du fonctionnement des collectivités locales — Adoption en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean BoyerJean Boyer :

Je tiens à vous dire, madame Gourault, que nous vous apprécions beaucoup, notamment en raison de votre objectivité.

Tenons-nous bien : aujourd’hui, plus de 400 000 dispositions ou directives freinent indiscutablement le bon fonctionnement des collectivités territoriales. Les pontes – en l’occurrence il ne s’agit pas de cuniculture ni d’aviculture §– sont permanentes, et toujours inachevées. Mes chers collègues, où s’arrêtera-t-on ?

N’avons-nous pas nous-mêmes contribué à cette surenchère des appellations changeantes avec le temps ? Dans mon département – si vous me permettez cette publicité –, la Lentille verte du Puy a une appellation d’origine contrôlée, AOC ; cette dénomination a été choisie une fois pour toutes. En revanche, s'agissant du texte qui nous occupe, nous sommes passés de la PPLSNCL, proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, à la PPLCNCTSF, proposition de loi relative au contrôle des normes applicables aux collectivités territoriales et à la simplification de leur fonctionnement, et enfin à la PPLSFCT, proposition de loi relative à la simplification du fonctionnement des collectivités territoriales, à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale. Nous pourrions quand même faire plus simple !

Je voudrais évoquer deux cas précis – madame la ministre, j’avais été confus de devoir partir de la réunion de la commission avant que nous ne m’ayez répondu à leur sujet – qui démontrent que le fonctionnement et la gestion quotidienne de nos collectivités territoriales ne sont en rien facilités. Il est particulièrement regrettable que la succession des règles freine l’action locale.

Je crois pouvoir dire sans exagération qu’une norme ne doit pas être la même à Paris, Lyon ou Marseille, d'une part, et à Montboudif, qui compte 197 habitants, ou à Arlet en Haute-Loire, qui en compte 62, d'autre part. On ne peut pas appréhender de la même manière les normes, comme nous l’avons fait récemment lors de l’examen d’un projet de loi. En l’occurrence, nous n’avons pas fait du sur-mesure.

Madame la ministre, le premier cas que je souhaitais évoquer – il n’est pas propre à mon département, mais illustre une certaine conception de la réglementation qui ne date pas d’aujourd'hui – concerne une modification de limites communales. Incroyable mais vrai : le dossier est prêt depuis 2008. Trois préfets successifs ont émis un avis positif. Les deux communes concernées et les communes périphériques sont favorables au projet. Cependant, l’Administration avec un grand « A », pour laquelle j’ai le plus grand respect, s’est rendu compte qu’il y aurait des élections dans moins d’un an. La modification porte sur 4, 10 hectares. Savez-vous combien d’électeurs y vivent ? Même pas deux, un seul ! Malgré tout, les décisions des deux communes, qui relèvent du bons sens et sont attendues non pas depuis des siècles, mais presque, sont bloquées.

Madame la ministre, si ce ne sont pas le ministre de l’intérieur ni le Conseil d'État qui doivent décider du moment opportun – et, depuis 2008, il y a eu beaucoup de moments opportuns, sans perspectives électorales –, il n’en demeure pas moins que les élus sont écœurés. Les deux maires, qui sont de sensibilités complètement différentes, ne comprennent plus rien. Ils sont convaincus que ce qu’on appelle la France d’en bas est freinée par la France d’en haut d’aujourd'hui comme elle l’était par celle d’hier.

Il est plus difficile – c’est vous qui me l’avez dit un jour, monsieur Emorine – de couper la langue à un sénateur ancien agriculteur que de tenir la main à un voleur quand on est gendarme. §

J’en viens à mon second exemple. Mon département est en zone de montagne, et vingt-deux de ses cantons sont en zone de revitalisation rurale, ZRR. Ce sigle court mais inquiétant signifie que, dans ces vingt-deux cantons, il y a moins de 28 habitants par kilomètre carré. Dans une commune qui ne compte que 9 habitants par kilomètre carré, un brave célibataire a cherché un voisin ; pas une voisine, mais un voisin. Il en a trouvé deux – un couple –, qui souhaitaient construire une maison à côté de la sienne. Dans un premier temps, il a été considéré qu’une ancienne ferme était trop proche de la construction. Puis, quand on a appris que la ferme n’abritait plus aucune vache, on a répondu qu’il n’y avait pas continuité d’habitat.

Madame la ministre, vendredi dernier, je suis sorti de mes gonds. Il faut parfois sortir de ses gonds, car on n’est pas convaincant si on n’est pas un peu passionné. En regardant de près entre les lignes, nous avons trouvé une subtilité. Quand la population d’une commune a baissé de plus de 20 % en trois ans, on peut déroger à certaines règles. C’est ce qui sera fait.

Madame la ministre, nous avons besoin de simplification. Nous sommes tous d'accord, sur toutes les travées de cet hémicycle, pour dire qu’il faut simplifier. Cependant, quand les décrets sont publiés, …

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