Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques mois après leur examen en première lecture, en février dernier, nous nous retrouvons donc aujourd’hui pour débattre en seconde lecture de ce projet de loi organique et de ce projet de loi. À l’époque, nous avions amplement évoqué la double tradition française en matière de démocratie, à savoir la tradition de la démocratie directe, issue du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, et la tradition de la démocratie représentative, issue de L'esprit des lois de Montesquieu.
L'histoire de France est émaillée de périodes qui ont vu se confronter, parfois vivement, ces deux traditions, ces deux conceptions philosophiques de la démocratie, mais on peut considérer que la Constitution de 1958 en a réalisé une sorte de synthèse. C'est ainsi que l’on peut analyser son article 3, aux termes duquel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Aujourd’hui, deux dispositions traitent du référendum dans la Constitution, les articles 11 et 89.
L’article 89 porte sur la révision. Le Président de la République a la faculté de soumettre tout projet de loi constitutionnel au référendum mais, quand il s’agit d’une proposition de loi constitutionnelle, le référendum est obligatoire.
C’est surtout l'article 11 qui traite à titre principal du référendum :
« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées […] peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions […]. »
Dans la tradition gaulliste de la Ve République, tradition de consultation directe du peuple pour l’exercice de sa souveraineté nationale, il a souvent été fait recours aux référendums. Étonnamment, parmi la dizaine de référendums qui ont été organisés, seuls huit l’ont été en application de l'article 11. Cela signifie clairement que le référendum reste un instrument au service du pouvoir, seul à même de prendre l'initiative de son organisation.
Les temps changent, les démocraties évoluent, les débats sont parfois vifs, comme nous avons pu le mesurer lors de la campagne présidentielle de 2007. À l’époque, il avait beaucoup été question de démocratie directe et la promesse de consulter le peuple en de multiples occasions, de l'associer à la définition de certaines grandes orientations de politique publique, à des décisions et à des délibérations, y compris au niveau municipal, avait suscité un engouement particulier.
Dans d'autres pays, l’évolution qui se fait jour est la conséquence de débats internes, d’interrogations sur la défiance que suscitent parfois, au sein de la société, les institutions.
La révision constitutionnelle de 2008 a introduit des dispositions qui ont laissé croire qu'il était possible d'envisager un référendum d’initiative populaire. En réalité, les conditions d'organisation d’un tel référendum obéissent à des règles strictes, puisqu’il ne peut être organisé que sur « l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales ». Par la suite, « si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum ».
L’avancée est incontestable, mais elle demeure extrêmement modeste.