En réalité, il s'agit non pas d'un référendum d'initiative populaire, mais bien plutôt d'une nouvelle voie d'initiative parlementaire qui peut être promue par la société civile. De cette manière, nos concitoyens disposent d’un moyen de contraindre, d'une certaine façon, par voie de pétition, le Parlement à examiner, sous la forme d’une proposition de loi, un sujet particulier.
Les textes que nous examinons aujourd’hui ont pour objet, notamment, de fixer le délai au-delà duquel, faute pour le Parlement d’avoir examiné la proposition de loi en question, l’organisation d’un référendum sera obligatoire.
Par conséquent, ce référendum n’a aucun caractère d’automaticité et n’est organisé qu’à la condition que soit échu le délai fixé pour l’examen de la proposition de loi. De fait, il est un instrument d’abord pour le Parlement plutôt que pour la société civile.
En dépit de ces contraintes, l'Assemblée nationale, le 10 janvier 2012, puis le Sénat, le 28 février 2013, se sont efforcés, dans le cadre des dispositions constitutionnelles en vigueur, d’améliorer le contenu de ce projet de loi organique.
Vous avez essentiellement travaillé sur la question des délais impartis pour recueillir les soutiens, question qui a été fortement débattue. En première lecture, l'Assemblée nationale avait fixé ce délai à trois mois, ce qui était très bref sachant que un dixième du corps électoral représente tout de même 4, 5 millions d'électeurs. Le Sénat a doublé ce délai, pour le porter à six mois, l'Assemblée nationale le fixant finalement à neuf mois.
S’agissant du délai imparti cette fois pour l’examen de la proposition de loi par le Parlement, qui était de douze mois dans le texte initial, le Sénat l’a réduit à neuf mois, avant que l’Assemblée nationale ne le fixe à six mois.
La commission des lois, par ailleurs, conformément à ce que le Sénat avait voté en première lecture, est revenue sur le texte voté par l’Assemblée nationale en faisant courir ce délai de six mois non pas à compter de la date du vote de la proposition de loi en séance publique, ce qui augmentait les chances qu’un référendum soit organisé, mais à compter de sa date d’examen, selon une interprétation stricte de la Constitution, conformément à une tradition bien établie au sein de la Haute Assemblée, ce qui réduit encore un peu plus les chances qu’un référendum soit organisé…
Il n'en demeure pas moins que le délai global est maintenu – entre dix-huit mois et deux ans –, le délai de recueil des soutiens ayant été allongé, mais le délai d'examen de la proposition de loi ayant été, lui, sensiblement réduit.
Par ailleurs, le Sénat a permis que le recueil des soutiens se fasse sur support « papier » et non pas uniquement par voie électronique, ainsi que le prévoyait le texte dans sa version initiale. L’Assemblée nationale vous a suivis sur ce point. En revanche, votre commission a choisi de supprimer de nouveau la commission de contrôle, qu’avait rétablie l’Assemblée nationale après que le Sénat l’eut une première fois supprimée, et a rétabli en conséquence la compétence directe du Conseil constitutionnel pour le contrôle des soutiens. Probablement la commission des lois du Sénat sera-t-elle suivie en séance plénière. C’est donc un sujet de querelle entre vos deux assemblées…
Toujours est-il que, au terme de la navette parlementaire, ce texte a incontestablement gagné en clarté, en intelligibilité.
Dans sa version initiale, ce texte visait à la fois une « initiative référendaire » et une « proposition de loi ». En première lecture, le Sénat a retenu l’expression « proposition de loi référendaire », expression que l'Assemblée nationale a revue. L’important, c'est que la procédure de modification éventuelle de la « proposition de loi référendaire » soit une procédure simple, une procédure ordinaire.
Le texte a également gagné en précision sur les délais.
En ce qui concerne le point de départ de la procédure, vous avez choisi la date de la saisine du Conseil constitutionnel et non la date de sa décision. Ainsi, la main reste à ceux qui ont pris l’initiative auprès du Conseil constitutionnel, et la procédure n’est pas soumise aux contraintes de calendrier du Conseil.
Ensuite, le projet de loi prévoit des dispositions concernant le mode de décompte du cinquième des membres du Parlement et quelques mesures pratiques, d’ordre opérationnel, sur l’organisation des référendums.
Rappelons très clairement qu’il ne s’agit pas ici d’une possibilité de référendum d’initiative populaire. Le dispositif relève de l’initiative du Parlement, lequel peut décider de s’emparer de la proposition de loi, de la modifier, de l’adopter ou de la rejeter.
Il s’agit de permettre au Parlement, indépendamment du pouvoir exécutif, de se saisir d’un sujet sans attendre qu’il lui soit soumis, et donc, éventuellement, de provoquer, par carence, un référendum. Si tout est très clair dans l’esprit de nos concitoyens, il n’y aura pas d’ambiguïté.
Ce texte s’est incontestablement enrichi pendant la navette parlementaire. Le Sénat y a largement contribué, la richesse des débats de première lecture en témoigne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne sommes pas toujours maîtres de nos associations d’idées, mais, chaque fois que nous traitons de la Constitution, la pensée de Guy Carcassonne s’impose : « Une bonne Constitution ne peut suffire à faire le bonheur d’une nation. Une mauvaise peut suffire à faire son malheur. » C’est, je pense, dans cet esprit que vous avez travaillé afin de traduire, avec précaution et respect, les dispositions de notre Constitution dans ces projets de loi.