Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un élu des terres, des causses du Lot, du Quercy en particulier, qui s’adresse à vous ce soir, au nom du groupe RDSE : la Méditerranée, mare nostrum des Romains, appartient à notre patrimoine commun.
Or la Méditerranée est malade. Sa biodiversité, riche de 12 000 espèces, soit de 7 % à 8 % des espèces marines connues dans le monde, mérite d’être préservée. Écologistes ou pas, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes unanimes à vouloir protéger la Méditerranée, mère de la civilisation européenne et mer de tous les échanges…
Comment lutter efficacement contre toutes les formes de pollution ? En effet, mes chers collègues, l’ensemble des pollutions demeurent difficiles à appréhender et les pollutions émergentes complexifient leur identification, ainsi qu’une analyse de leurs effets futurs. Métaux lourds, PCB, nitrates, phosphates, produits pharmaceutiques, hydrocarbures, etc. : ces pollutions sont la mémoire vivante de nos activités passées, présentes et futures.
Force est de constater que si la description des pollutions permet de prendre conscience de l’ampleur des dégâts, elle a également pour conséquence de ternir l’image de la Méditerranée, en omettant de valoriser les bonnes pratiques et les innovations. Pour les résidents des rivages, l’enjeu est non pas de constater les pollutions, mais de créer les conditions pour changer la donne.
L’excellent rapport de notre collègue Roland Courteau le souligne : 80 % de la pollution maritime est d’origine tellurique. La Méditerranée est caractérisée par une communication permanente entre la mer et de nombreuses lagunes, d’importants apports fluviaux, la diversité des courants et la force des vents, résultant des reliefs du Nord et de l’Est. Ces facteurs naturels, combinés aux facteurs anthropiques, favorisent la diffusion des pollutions.
Par exemple, en Languedoc-Roussillon, région chère à notre collègue Christian Bourquin, peu industrialisée aux XIXe et XXe siècles, une série d’aménagements est venue modifier durablement la physionomie du littoral, à la suite de la mission confiée au préfet Racine par le général de Gaulle. Ce fut l’une des premières opérations de la DATAR, qui visait à concurrencer l’Espagne dans le domaine du tourisme. Dès lors, le développement du tourisme et la pression démographique ont fait apparaître de nouvelles menaces pour un écosystème méditerranéen fragile.
Nos activités ont une incidence négative sur les ressources halieutiques et les paysages. Les plages disparaissent à vue d’œil, mais des projets porteurs d’espoir se développent, auxquels les collectivités territoriales apportent un soutien financier.
Les acteurs économiques s’adaptent et sont à la recherche de pratiques innovantes.
Je tiens à souligner que, en matière de pollutions agricoles, des progrès ont été réalisés grâce à un travail mené en coopération et à la prise de conscience des effets néfastes de certaines pratiques sur la santé et l’environnement. Citons à cet égard les méthodes alternatives au désherbage chimique employées dans les vignes qui dominent la Méditerranée, sur la Côte Vermeille en particulier.
Ainsi, pour éviter que les résidus des traitements phytosanitaires utilisés en viticulture ne se diffusent dans l’eau, de nouvelles pratiques d’enherbement sont mises en œuvre, qui donnent d’ores et déjà des résultats significatifs. D’importantes avancées ont été effectuées par les communes, avec l’aide des conseils généraux, pour améliorer le traitement des eaux usées et se donner ainsi toutes les chances d’obtenir le désormais incontournable « pavillon bleu ».
Si la pression sur les ressources halieutiques, notamment sur le thon, demeure, la pêche n’est pourtant pas condamnée. À Sète, au Grau-du-Roi, à Port-la-Nouvelle ou à Port-Vendres, les pêcheurs s’efforcent d’optimiser chaque sortie en mer. Le temps du gazole bon marché étant révolu et la performance énergétique devenant indispensable, les navires, les débarquements et les circuits de vente évoluent.
Les professionnels de la pêche peuvent s’adapter à la nouvelle donne écologique et économique ; ils disposent des capacités et de la volonté nécessaires pour rendre leur activité plus durable. Les pouvoirs publics, l’État comme les collectivités, doivent accompagner leurs efforts.
Par ailleurs, comme le rappelle la Commission européenne dans ses orientations stratégiques en faveur de l’aquaculture, cette dernière possède un potentiel de croissance important et peut contribuer à épargner des ressources marines surexploitées.
Mes chers collègues, la mer est plus que jamais un gisement d’emplois. De nouvelles activités se développent avec l’émergence des loisirs de pleine nature. En quinze ans, nos plages ont vu apparaître des voiles d’un genre nouveau avec le kitesurf ou« planche volante ». Aujourd’hui, ce sont des centaines d’emplois qui sont créés pour fabriquer localement des équipements de pointe, les exporter en Europe et dans le monde et former les pratiquants. En outre, les centres de plongée écoresponsables se développent.
Enfin, la Méditerranée recèle un potentiel de découvertes. Le projet Biodiversarium, en cours de développement à Banyuls-sur-Mer, rassemble les collectivités territoriales, les chercheurs et les acteurs du secteur privé autour d’une ambition : identifier de nouvelles substances naturelles susceptibles d’être valorisées dans le domaine de la pharmacologie. À Mèze et à Gruissan, le projet Greenstars laisse entrevoir d’extraordinaires possibilités pour créer les biocarburants du futur à partir des algues.
Cependant, des progrès restent à réaliser dans la gestion de la mer. Jusqu’à présent, seul l’État exerçait son autorité en mer. La triple crise écologique, économique et sociale, conjuguée au besoin d’une plus grande proximité entre le centre de décision et le terrain, engendre une nouvelle gouvernance de la Méditerranée, qui a vocation à rassembler pour décider collectivement.
Tel est le sens des nouveaux outils créés, dont le Conseil maritime de façade de Méditerranée mis en place par l’État et rassemblant des représentants des régions Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon. L’action réglementaire de cette instance permettra de mettre en conformité les politiques publiques avec les exigences environnementales européennes.
Le parc naturel marin du golfe du Lion, créé en 2011, couvre une superficie marine de 4 000 kilomètres carrés ; il s’étend sur cent kilomètres de côte, de Cerbère à Leucate. Son pilotage est assuré par un conseil de gestion de soixante membres. Pour la première fois, les acteurs locaux contribueront à écrire l’avenir de leur parc en rédigeant collectivement un plan de gestion pour les quinze années à venir. La création de ce parc constitue un pari sur la réalisation d’un travail en commun associant toutes les familles de la mer.
Il est de notre responsabilité de réaffirmer que la Méditerranée est un horizon de développement pour nos emplois et notre économie de demain.
La gouvernance doit être renouvelée afin de renforcer la coopération entre tous les États riverains. Les pays de la rive sud doivent réaliser des progrès en matière d’équipement en stations d’épuration, plus de la moitié des villes de plus de 10 000 habitants n’en possédant pas. Des ressources financières doivent pouvoir être levées à cette fin. Prendre de telles mesures est d’autant plus urgent que les vents transportent les polluants de la rive nord vers la rive sud et que la pression sur les ressources en eau y est plus importante qu’ailleurs eu égard au faible taux de pluviométrie.
La création d’une agence de protection environnementale et du développement durable au sein de l’Union pour la Méditerranée proposée par M. Courteau doit être envisagée. Le rôle du politique est d’engager ce changement.