Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion
Enseignement supérieur et recherche — Examen du rapport d'information

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, présidente :

Mes chers collègues, j'avais initialement prévu d'être en séance pour participer au débat consacré au bilan de l'application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « loi LRU », et j'avais demandé à Christiane Demontès de me suppléer en qualité de vice-présidente, ce qu'elle avait accepté et je l'en remercie. Mais Françoise Laborde vient de me faire savoir qu'elle était retardée par un problème de transport inopiné et ne pourrait présenter elle-même son rapport. Il me revient donc de vous en donner lecture.

Je me réjouis que la commission de la culture nous ait saisis de ce projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche et ce pour trois raisons.

Tout d'abord parce que cette problématique est au coeur de l'émancipation des femmes : c'est grâce à leur accès à l'instruction, puis, dans un deuxième temps, à l'enseignement supérieur, que les femmes ont pu accéder au marché du travail et conquérir leur autonomie économique.

Ensuite parce que l'incontestable réussite scolaire des filles n'a pour l'instant guère battu en brèche les profondes inégalités entre les sexes qui marquent le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Enfin, parce que le projet de loi qui nous est soumis témoigne d'une volonté de remédier à cette situation, en particulier à travers une série de mesures destinées à rééquilibrer la composition des instances de gouvernance de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Un constat pour commencer : de fortes disparités entre les sexes subsistent dans l'enseignement supérieur et la recherche ; elles témoignent de la persistance de barrières implicites qui affectent les parcours des étudiantes, des enseignantes-chercheuses, et des chercheuses.

Notre rapport « femmes et travail » nous a permis de vérifier la permanence d'un paradoxe : les filles effectuent de meilleurs parcours scolaires, elles sont en proportion et en chiffres absolus plus nombreuses que les garçons à passer le baccalauréat et suivre des études universitaires ; au sein d'une classe d'âge donnée, elles sont plus nombreuses à être titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur : 54 % contre 39 % seulement pour les garçons. L'écart n'est pas négligeable...

Mais elles n'effectuent pas les mêmes choix d'orientation, ont tendance à se concentrer sur un nombre relativement limité de filières qui ne sont pas les plus porteuses et se retrouvent en fin de parcours confrontées à des conditions d'insertion professionnelles plus difficiles et moins rémunératrices.

Mon rapport écrit recense ces disparités genrées dans les choix d'orientation :

- les filles sont majoritaires dans les filières universitaires (57 %), mais sont moins présentes dans les instituts universitaires de technologie (IUT) (40 %), dans les classes préparatoires aux grandes écoles (42 %) et plus encore dans les écoles d'ingénieurs (27,5 %) qui restent une filière très « masculine » ;

- cette « ségrégation horizontale » se vérifie également dans le choix des disciplines : à l'université, les filles sont majoritaires en lettres (71 %), en sciences humaines et sociales (68 %), en droit et sciences politiques (64 %) ; elles sont en revanche très peu présentes en sciences fondamentales (28 %) ; ces disparités deviennent même caricaturales dans les sections de techniciens supérieurs et les diplômes universitaires de technologie où certaines spécialités sont presque exclusivement soit féminines (textile, coiffure, travail social) ou masculines (énergie, électricité, génie civil, informatique) ;

- enfin, cette ségrégation horizontale se double d'un filtrage vertical : dans toutes les disciplines considérées, qu'elles soient majoritairement féminines ou masculines dans leur recrutement, les filles sont moins nombreuses à prolonger leurs études jusqu'au doctorat : globalement majoritaires en master (59,5 %) leur proportion tombe à 48 % en doctorat.

Les comparaisons internationales montrent d'ailleurs que la France fait partie des pays où la proportion des femmes est la plus faible parmi les nouveaux titulaires de doctorats (43 %), ce qui est certes mieux que la Corée ou le Japon (autour de 30 %), mais en deçà de l'Espagne, de la Pologne ou des États-Unis, proches de l'équilibre, et plus encore de Portugal et de la Finlande où les femmes sont majoritaires (plus de 60 %).

Ces disparités s'accentuent dans la suite des parcours universitaires : les femmes qui constituent 57 % des étudiants à l'Université, ne représentent plus que 47 % des doctorants, 42,4 % des maîtres de conférences, 22,6 % des professeurs d'Université et 15 % des présidents d'université. Ces chiffres témoignent de la puissance du « plafond de verre » dans l'enseignement supérieur.

Les femmes restent également globalement très minoritaires dans les établissements publics de recherche, même si l'on manque de statistiques d'ensemble. Les données dont on dispose pour certains établissements montrent qu'elles sont plus nombreuses dans les organismes actifs dans le domaine des sciences humaines (Institut national d'études démographiques, INED) ou de la santé (Institut national de la santé et de la recherche médicale, INSERM) que dans le domaine des technologies de l'information et du numérique (Institut national de recherche en informatique et automatique, INRIA).

Mais dans ces divers établissements la proportion des femmes parmi les directeurs de recherche est inférieure à celle des femmes parmi les chargés de recherche. C'est dans les établissements où les femmes sont les plus nombreuses que cet écart est le plus marqué : à l'INED, les femmes forment 67 % des chargées de recherche mais 43 % seulement des directeurs de recherche.

Ce constat a amené le gouvernement à engager avec les principaux acteurs institutionnels de l'enseignement supérieur et de la recherche une démarche commune pour faire évoluer la situation.

Vous en connaissez les leviers : comité interministériel aux droits des femmes dont les orientations ont permis de fixer la feuille de route du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ; organisation dans le courant de l'année 2012 des « Assises nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche » qui ont porté sur l'ensemble des problématiques du secteur ; elles ont débouché sur le rapport remis au Président de la République par Vincent Berger qui développe 133 propositions d'ordre général mais dont certaines intéressent directement l'égalité femmes hommes ; enfin signature d'une Charte de l'égalité entre, d'une part, le ministère de l'enseignement supérieur et le ministère des droits des femmes, et, de l'autre, la Conférence des présidents d'université, la Conférence des grandes écoles et la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs.

Le projet de loi qui nous est soumis se situe dans le prolongement de ces réflexions et apporte une traduction législative à certains des engagements pris. Les recommandations que je vous proposerai à l'occasion de son examen porteront à la fois sur les améliorations que l'on peut apporter à son application et sur des mesures complémentaires qui ne relèvent pas nécessairement du domaine de la loi.

Le projet de loi comporte en particulier deux séries de dispositions qui tendent à assurer un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes au sein de la gouvernance de la recherche et de l'enseignement supérieur.

En premier lieu, il prévoit que trois grands organismes chargés du pilotage et de l'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche devront dorénavant être constitués d'un nombre égal de femmes et d'hommes :

- le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche ;

- le Conseil stratégique de la recherche.

Notre délégation accueille évidemment très favorablement le principe de la composition paritaire de ces trois organismes : elle est à la fois porteuse d'une forte charge symbolique et devrait assurer en pratique une meilleure participation des femmes à la gouvernance de l'ensemble du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Nous devons toutefois être bien conscients que compte tenu de la diversité des entités représentées au sein de ces différents conseils et de la variété des modes de désignation de leurs membres, qui sont elles-mêmes fonction des catégories qu'ils représentent, cette tâche risque de s'avérer délicate : nous devrons donc être attentifs à la façon dont ce principe sera mis en oeuvre par les décrets d'application et aux résultats qu'ils produiront.

Je note que le Haut conseil de l'évaluation et de la recherche est assisté d'un conseil scientifique composé de personnalités qualifiées. La loi précise qu'un tiers au moins de ces personnalités doivent être étrangères mais reste silencieuse sur l'équilibre entre les genres. Cela me parait regrettable et je vous proposerai de formuler une recommandation pour que ce comité ne soit pas dispensé de l'obligation de parité.

Le projet de loi introduit également dans le code de l'éducation des dispositions favorisant la parité dans la composition des conseils centraux (conseils d'administration et conseils académiques) qui assurent la gouvernance de certains établissements d'enseignement supérieur, et en particulier des universités. C'est évidemment, sous l'angle de la parité - celui qui nous intéresse - la mesure phare du projet de loi, et je lui consacre dans le rapport écrit une analyse détaillée dont je vais tenter de vous résumer ici les points saillants.

Ces conseils sont composés outre du président, de membres élus et de membres nommés. La parité est favorisée dans ces deux catégories de membres par des mécanismes différents.

Les membres élus le sont au scrutin de liste et par catégories (enseignants-chercheurs, autres personnels, étudiants) suivant des modalités définies par l'article L.719-1 du code l'éducation. L'article 37 du projet de loi complète ce dispositif en précisant que « chaque liste de candidats est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ».

Cette mesure ne suffira pas à elle seule à garantir la parité parmi les membres élus des conseils si les têtes de liste continuent d'être majoritairement masculines. Mais elle n'en constitue pas moins une mesure forte, importante sur le plan symbolique et de nature à permettre une augmentation concrète du nombre de femmes dans ces instances.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi avait prévu que cette élection se ferait au scrutin à deux tours pour les représentants des enseignants-chercheurs et ceux des autres personnels, mais avait maintenu le scrutin à un tour pour les représentants des étudiants. La délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale s'était prononcée en faveur du scrutin à deux tours en raison de simulations effectuées par le ministère qui montraient que ce mécanisme était, à la marge, plus favorable à la parité. Dans un souci de simplification, l'Assemblée nationale, suivant sa commission des affaires culturelles, a préféré cependant unifier le dispositif autour du scrutin à un tour. On peut certes le regretter sous l'angle de la parité. Mais comme simultanément, pour d'autres considérations, elle a relevé de un à deux sièges la prime majoritaire accordée à la liste parvenue en tête, ce qui avec les listes alternées, sera favorable à la parité, on peut sans doute considérer que ces deux modifications devraient plus ou moins se compenser. Plutôt que de recommander un retour au dispositif initial, je vous proposerai de demander au Sénat et à sa commission de la culture de prendre en compte l'objectif de parité lorsqu'ils aborderont la discussion du choix du mode de scrutin et de la prime majoritaire.

La nomination des personnalités extérieures n'était assujettie, dans le projet de loi initial, à aucune obligation d'équilibre entre les femmes et les hommes, ce qui était de nature à fragiliser l'objectif d'une composition paritaire des conseils. En application d'une recommandation de sa délégation aux droits des femmes, l'Assemblée nationale a, dans un article 37 bis nouveau complété l'article L.719-3 du code de l'éducation pour préciser que le décret relatif aux modalités de désignation de ces membres devrait dorénavant fixer « les conditions dans lesquelles est assurée la parité entre les femmes et les hommes ».

Ces deux types d'obligations paritaires s'appliqueront à la désignation des membres des conseils d'administration et des nouveaux conseils académiques des universités mis en place par la loi, pour lesquels ils semblent avoir été d'emblée conçus.

Deux dispositions ajoutées pas l'Assemblée nationale, respectivement aux articles 27 et 28 du projet de loi, ont également imposé la composition paritaire de deux sections du conseil académique : la section disciplinaire et la section compétente pour les questions individuelles relatives au recrutement, à l'affectation et à la carrière des enseignants-chercheurs. Cela me parait en effet particulièrement indispensable, et nous devons apporter notre plein soutien à ces deux mesures. Mais je m'étonne de la formulation retenue à l'article 28 qui dispose que le conseil académique est composé à parité d'hommes et de femmes « lorsqu'il examine en formation restreinte des questions individuelles relatives aux enseignants chercheurs, autres que les professeurs d'université ». Je ne vois pas pourquoi le traitement des questions individuelles relatives aux professeurs d'université serait dispensé de cette obligation de parité et je vous recommanderai de supprimer cette exception.

Ces différentes mesures, conçues d'abord pour les universités, ont vocation à s'appliquer aux autres établissements d'enseignement supérieur visés au titre premier du livre septième du code de l'éducation sous le vocable « d'établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel » : écoles normales supérieures, grands établissements (Collège de France, Conservatoire national des arts et métiers, École des hautes études en sciences sociales, École nationale des Chartes, École pratique des hautes études, Institut d'études politiques de Paris...) ainsi qu'aux écoles françaises à l'étranger.

Ces établissements ont des règles particulières d'organisation et de fonctionnement précisées par leurs décrets institutifs et qui peuvent déroger à plusieurs dispositions du code de l'éducation.

Je vous recommanderai de demander au gouvernement de procéder aux modifications qui s'imposent dans leurs décrets statutaires pour que ces garanties paritaires s'appliquent également aux conseils centraux de ces établissements.

Ces mécanismes n'ont en revanche pas vocation, juridiquement parlant, à s'appliquer aux établissements d'enseignement supérieur qui relèvent des autres titres du livre sept du code : c'est le cas notamment pour les établissements d'enseignement supérieur spécialisés du titre V (écoles d'architecture, écoles de commerce, écoles des mines, école Polytechnique, école des hautes études en santé publique, et - c'est en rapport avec notre thème de travail pour 2013 - établissements d'enseignement supérieur de la musique, de la danse, du théâtre, des arts du cirque, et des arts plastiques).

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, m'a précisé lors de son audition par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, qu'il n'avait pas été possible d'étendre dans l'immédiat cette obligation de parité aux organes de direction de ces établissements car ils relèvent d'autres ministères de tutelle.

Quelles que soient les spécificités de ces établissements, il me semble qu'ils ne doivent pas être dispensés de l'obligation d'un meilleur équilibre entre les sexes dans leurs instances de direction. C'est particulièrement vrai pour les établissements d'enseignement artistiques, qui comportent une forte proportion, voire même une écrasante majorité, de femmes parmi leurs étudiantes. Nos auditions sur « la place des femmes dans le secteur de la culture » ont montré les graves dysfonctionnements que peuvent entrainer, dans l'orientation des programmes, ou en matière de dérives sexistes, la conjonction d'un encadrement principalement masculin et d'une population étudiante majoritairement féminine. Je vous proposerai donc aussi une recommandation en ce sens.

J'ai également examiné la situation des établissements publics de recherche et notamment celle des établissements publics à caractère scientifique et technologique, même si le projet de loi ne comporte aucune disposition spécifique pour garantir la parité dans leurs organes dirigeants.

Celle-ci devrait résulter, pour les établissements publics à caractère administratif, des dispositions de la loi du 12 mars 2012 (la loi « Sauvadet ») et pour les établissements publics à caractère industriel et commercial, des dispositions de la loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance. Comme vous le savez, ces lois ont prévu une entrée en vigueur progressive de leurs dispositions.

Le ministère m'a indiqué que ces dispositions avaient permis au conseil d'administration de l'ADEME, renouvelé en février 2013 d'atteindre 35 % de femmes, et à celui de l'Agence nationale de la recherche d'accéder à une stricte parité. Ces premiers résultats sont donc encourageants. Mais j'ai retiré des auditions que j'ai menées le sentiment que ces dispositions étaient encore mal connues des personnels des établissements auxquels elles devront s'appliquer. Un effort de clarification et d'explication me parait nécessaire et je souhaite que le ministère effectue un bilan régulier de l'application de ces dispositions.

J'en viens maintenant à d'autres aspects de la promotion de l'égalité femmes hommes dans l'enseignement supérieur et la recherche qui relèvent moins directement du domaine de la loi.

En premier lieu le problème de l'orientation. Certes, de l'aveu général, il doit se traiter en amont de l'enseignement supérieur, et a minima à bac moins trois.

Mes auditions ont souligné la puissance du rôle des médias dans les choix d'orientation des jeunes gens, à travers l'image qu'ils diffusent de certains métiers. Certaines séries télévisées peuvent même provoquer un afflux d'étudiants dans certaines filières grâce à des personnages intensément engagés dans leur vie professionnelle et possédant un fort potentiel d'identification. D'une façon générale, je crois que nous devons aussi mettre davantage l'accent sur la diffusion de la culture scientifique et technique.

Mais le service public de l'enseignement supérieur ne doit pas pour autant se soustraire aux responsabilités qui sont les siennes et je me réjouis que l'Assemblée nationale ait, à l'article 7 bis, complété ses missions pour lui confier le soin de mener « une action contre les stéréotypes sexués, tant dans les enseignements que dans les différents aspects de la vie de la communauté éducative ».

Je vous proposerai par une recommandation de préciser que cette action ne doit pas s'effectuer uniquement en direction des étudiants mais concerner l'ensemble des personnels et en particulier les enseignants chercheurs. C'est une précision qui a paru loin d'être superfétatoire aux personnes que j'ai auditionnées.

Je passe plus vite ici sur les développements que je consacre dans le rapport écrit à la diffusion de la culture scientifique, en particulier en direction de filles, ainsi qu'à l'image des métiers, et en particulier à la vision renouvelée du métier d'ingénieur qu'il faut donner si l'on veut susciter des vocations.

Abordons maintenant les carrières des femmes et la façon de les encourager.

Première étape : le recrutement. L'article 55 de la loi Sauvadet prévoit qu'à compter du 1er janvier 2015, les jurys de recrutement, y compris les jurys de recrutement des enseignants-chercheurs et les jurys d'agrégation, devront comporter au moins 40 % de personnes de chaque sexe. L'application stricte de cette règle pourrait, m'a-t-on expliqué, soulever de grosses difficultés dans l'enseignement supérieur du fait de la faiblesse des viviers féminins dans certaines disciplines. Elle reviendrait à obliger les quelques femmes présentes dans ces secteurs à être systématiquement sollicitées pour ce type de responsabilités au détriment du temps qu'elles consacrent à leurs propres activités d'enseignement et de recherche.

Je crois que nous devrions en premier lieu recommander d'éviter un excès de spécialisation dans la composition de ces jurys car elle accentue la raréfaction des viviers et débouche sur des jurys hyperspécialisés, ce qui n'est pas très sain.

En second lieu je vous proposerai de formuler une recommandation dans le prolongement de la solution préconisée par la Conférence des présidents d'université :

- dans les disciplines où l'on compte au moins 20 % du sexe le moins représenté, application stricte de la loi Sauvadet : au moins 40 % de chaque sexe ;

- dans les disciplines où l'on tombe en dessous de 20 %, application à titre dérogatoire d'un objectif de second rang : que la proportion dans le jury soit égale au double de celle que l'on constate dans le vivier.

Bien entendu, cette dérogation devrait être limitée dans le temps et réexaminée, par exemple, tous les quatre ans.

Cela me parait préférable à l'hypothèse, parfois évoquée, d'un report de deux ans de l'application de la loi qui n'aurait pas grand sens.

Le déroulement des carrières me parait appeler des mesures au plan des établissements et des parcours individuels.

Au plan des établissements, les recommandations que je vous proposerai portent :

- sur la réalisation par chaque établissement de statistiques détaillées et sexuées sur ses étudiants et ses personnels aux différents stades de leurs parcours ;

- sur la réalisation d'un plan d'action comportant des objectifs et des engagements précis ;

- sur la mise en place d'une mission à l'égalité confiée à une personne dûment identifiée.

Au plan individuel, je crois qu'une attention particulière doit être portée aux conséquences des interruptions de carrière liées à la maternité. Les recommandations que je vous proposerai portent :

- sur l'allongement de la période de référence de quatre ans prise en compte pour l'attribution de primes ou d'une promotion, en cas de congé de maternité ;

- sur l'assouplissement des règles de l'attribution du congé pour recherches ou pour conversion thématique (CRCT) pour les femmes au retour d'un congé lié à la maternité.

Mon attention a également été attirée sur les risques que la simplification de la carte des formations pouvait avoir sur le développement des études de genre. Je vous proposerai de formuler une recommandation pour demander que celles-ci trouvent toute leur place dans la nouvelle nomenclature.

Mes dernières recommandations portent sur la lutte contre le harcèlement sexuel.

Il me semble en premier lieu qu'il faut prendre la mesure de ce phénomène, et puisque la prochaine enquête « violences et rapports de genre » n'envisage pas, semble-t-il, de lui consacrer un volet, une étude spécifique me semble devoir être lancée.

En second lieu, il me semble que les procédures suivant lesquelles sont actuellement jugés ces agissements inacceptables laissent beaucoup à désirer. Je vous proposerai donc quelques améliorations notamment pour en élargir la saisine, actuellement réservée au président de l'université.

Enfin, leurs collègues, chargés de les juger, sont très embarrassés pour sanctionner un confrère qu'ils connaissent et qu'ils estiment pour la qualité de ses travaux. Pour y remédier, je vous proposerai donc de recommander que ces affaires soient « dépaysées » et traitées par l'instance disciplinaire d'un autre établissement que celui dont relèvent l'agresseur présumé et sa victime.

Telles sont, mes chers collègues, les principales orientations que je soumets à votre attention, à l'occasion de l'examen de ce texte dont nous pouvons saluer, je crois, la volonté de faire avancer les choses.

Je vais donc maintenant ouvrir le débat sur ce rapport qui me paraît très fouillé et très complet.

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