Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 19 juin 2013 à 14h30
Enseignement supérieur et recherche — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Geneviève Fioraso :

C’est cette conviction qui anime le Gouvernement et qui porte le texte qui vous est présenté. Investir dans la connaissance et pour la jeunesse, c’est faire le pari de l’avenir. C’est faire le pari de la réussite des étudiants, dans un pays où l’ascenseur social est non seulement en panne, mais où il redescend. C’est faire le pari de la compétitivité, dans un monde en pleine mutation économique, sociétale, environnementale.

Dynamiser l'enseignement supérieur et la recherche, c’est anticiper les changements pour en être des acteurs. C’est aider à construire le nouveau « modèle français » porté par le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement. C’est aussi répondre aux défis du présent.

L’enseignement supérieur est la meilleure arme anti-crise. En mettant tout en œuvre pour élever dès maintenant le niveau de qualification de nos futurs salariés, en préparant dans nos formations les activités et les métiers de demain, en innovant dans les filières d’avenir, en donnant aux jeunes des bases pour mieux comprendre les évolutions du monde et sa complexité, nous participons au redressement national et nous préparons l’« après crise ».

Cette loi a donc pour objectif d’inscrire la France dans le vaste mouvement de renforcement des capacités de formation et de recherche que nous observons à l’échelle internationale.

C’est la stratégie des pays développés et c’est aussi, désormais, la stratégie des pays émergents. L’enseignement supérieur et la recherche y sont élevés au rang de priorités nationales parce qu’ils sont devenus des avantages compétitifs déterminants dans un monde où la connaissance est mondialisée.

Dans ce monde qui bouge vite, nous devons nous adapter et, parfois, savoir nous remettre en cause pour ne pas rester à l’écart.

Je ne vous citerai que quelques chiffres. La stratégie de Lisbonne avait fixé, il y a plus de dix ans, l’objectif de consacrer 3 % du PIB à la recherche et au développement et d’atteindre 50 % de jeunes diplômés du supérieur.

Or, concernant la recherche, nous plafonnons à 2, 2 % du PIB depuis dix ans – avec une faiblesse particulière de la part de la recherche relevant du privé – quand l’Allemagne frôle les 3 % et que les pays scandinaves, les États-Unis et le Japon les ont largement atteints. La Corée, pour sa part, dépasse 4, 3 % et vise maintenant un objectif de 7 % du PIB consacrés à la recherche, avec une très forte part de recherche privée. Dans le même temps, la Chine et l’Inde rattrapent leur retard à marche forcée…

Quant au nombre de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, l’objectif de 50 % est loin d’être atteint dans notre pays – contrairement à ce que l’on observe dans les pays développés que je viens de citer – tandis que l'Inde veut doubler son nombre d’étudiants d’ici à 2020 et que la Chine est passée en dix ans de un million à 30 millions d’étudiants, et vise les 50 millions d’étudiants d’ici à 2020.

Dans un contexte international à l’évolution aussi rapide, il était urgent de réformer et de moderniser des dispositifs devenus parfois des freins, afin que l’université redevienne notre meilleur atout pour l’avenir. Car, peu à peu, la France s’est laissé distancer. Elle ne peut plus aujourd’hui s’appuyer autant qu’il le faudrait sur son enseignement supérieur et sa recherche pour atteindre ses objectifs de redressement.

Si nous pouvions partager certains objectifs du Pacte pour la recherche de 2006 et de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite « LRU », six ans de recul ont révélé des dysfonctionnements graves, dont les causes ont été clairement identifiées au cours des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, puis confirmées par différents rapports, dont celui qu’a remis en janvier dernier Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, missionné par le Premier ministre, ainsi que par le bilan de la loi LRU débattu voilà quelques jours, ici même.

Je ne rappellerai ici que quelques-uns de ces dysfonctionnements, sur lesquels je crois que nous pouvons converger.

Tout d'abord, le taux d’échec en licence est très élevé et la sous-représentation des étudiants issus de milieu modeste est croissante. Ensuite, une frénésie d’appels d’offres s’est abattue sur nos chercheurs et enseignants, avec tous les effets pervers qu’elle comporte : notre recul dans les projets européens, la bureaucratisation de nos chercheurs, la fragilisation de notre recherche fondamentale, une compétition exacerbée qui a laissé de côté des territoires entiers – le Nord, l’Ouest – et sacrifié la coopération, bénéfique à l’échelle de notre pays. J’ajoute la complexité croissante de notre système – un « mikado » selon Vincent Berger, rapporteur des Assises, un « millefeuille », selon le récent rapport de la Cour des comptes –, ce millefeuille auquel la loi LRU et la première vague des investissements d’avenir n’ont pas manqué d’ajouter leur marque sous la forme de quelques strates supplémentaires.

On constate en outre l’affaiblissement de la collégialité, consubstantielle à la culture universitaire, au profit d’une gouvernance trop centralisée, ainsi qu’un transfert incomplet de la masse salariale au passage en RCE - Responsabilités et compétences élargies -, qui s’est finalement transformé en lendemains douloureux pour les universités.

De surcroît, le choix presque idéologique du « tout PPP », le dispositif juridique du partenariat public-privé, a tétanisé les plans campus : à mon arrivée au ministère, cinq ans après leur sélection, aucun des treize projets sélectionnés n’avait été signé, aucun permis de construire déposé, aucun chantier engagé, aucune pierre posée, et seuls 153 millions d’euros de crédits d’études avaient été engagés sur les 5 milliards d’euros annoncés.

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