Intervention de Sophie Primas

Réunion du 19 juin 2013 à 14h30
Enseignement supérieur et recherche — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Quatrièmement, enfin, la suppression de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur est le symbole de la politique du Gouvernement : faire table rase du passé pour des raisons politiques.

Notre rapporteur, en son nom personnel, a déposé un amendement en commission demandant le maintien de l’AERES. Je partage son point de vue : il n’y a aucune raison de supprimer cette agence, qui s’est bâti une notoriété solide aux niveaux européen et international, ce qui lui a permis de participer à des programmes de coopération et de conclure des conventions avec nombre de ses homologues à l’étranger.

La mise en place de cette institution avait certes été très difficile en raison d’un manque de dialogue avec les établissements et les professionnels évalués. Mais l’AERES a montré sa capacité à faire évoluer ses hommes, ses méthodes et ses procédures, notamment en simplifiant le dossier d’évaluation, en supprimant la notation globale et en mettant en place un groupe de concertation « Mikado ». Elle est maintenant bien acceptée et elle est surtout ouverte à toutes les améliorations que vous appelez de vos vœux, madame la ministre.

Supprimer l’AERES, c’est ne pas tenir compte des progrès réalisés par l’Agence ; c’est balayer d’un revers de main les efforts de toutes celles et de tous ceux qui la font fonctionner. En outre, cela représentera un coût non négligeable et fera perdre un temps précieux à l’évaluation de la recherche française.

Madame la ministre, nous avons déposé des amendements, parfois des amendements d’appel, sur des thèmes importants concernant la formation et l’insertion professionnelle de nos étudiants. Nous souhaiterions, vous l’avez compris, ouvrir davantage les universités au monde de l’entreprise, en modifiant, par exemple, la composition du conseil d’administration ou en généralisant le conseil d’orientation stratégique.

Ce texte ne pose pas les vraies questions, surtout celles qui sont taboues depuis très longtemps dans notre pays. Améliorer l’orientation des jeunes et lutter contre l’échec en premier cycle passe inévitablement, comme l’a souligné notre collègue Philippe Adnot, par une réflexion sur la question de la sélection, pas une sélection punitive ou humiliante, mais une sélection positive, motivante, « orientante », si vous me permettez ce néologisme, ayant pour objet l’inclusion de tous.

Enfin, pour permettre aux étudiants de suivre le rythme qui leur est propre, il me semble important d’introduire un peu de souplesse dans le parcours rigide imposé par les formations universitaires, en généralisant des enseignements modulaires, au moins à titre expérimental.

Aujourd'hui, il est essentiel de proposer des parcours adaptés qui tiennent compte des particularités des individus pour conduire chacun au succès. Cela peut conduire certains à avancer plus vite et permettre à d’autres de ne pas décrocher.

Voilà des sujets sur lesquels il nous faut avancer ensemble.

En conclusion, ce projet de loi nous fait perdre du temps : au lieu d’apporter les ajustements nécessaires à la loi LRU, il se lance dans une refonte inappropriée de sa gouvernance et n’apporte que peu de solutions au sujet majeur qu’est l’échec en première année. Il éloigne les universités des réalités locales ; il met en danger nos IUT et est, par certains aspects, dogmatique – je pense, bien sûr, à l’AERES.

Mme la rapporteur a tenté d’apporter certaines réponses, mais elle n’a pas été entendue. Je tiens à la remercier de la qualité de son écoute lors de nos réunions. Nous pensons que la croissance et l’emploi passent par une université forte et attractive, comme vous l’avez souligné, madame la ministre. Toutefois, ce projet de loi met dangereusement en péril les équilibres trouvés par la loi Pécresse, qui demandait du temps, encore un peu de temps.

Aussi notre groupe défendra-t-il une motion tendant à opposer la question préalable, afin de marquer son opposition à ce projet de loi et de souligner ses insuffisances et les dangers qu’il recèle. « Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité », disait Victor Hugo. Mes chers collègues, donnons aux universités la liberté !

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