Intervention de Colette Mélot

Réunion du 19 juin 2013 à 14h30
Enseignement supérieur et recherche — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’enseignement supérieur et la recherche concernent la jeunesse et l’avenir de notre pays. C’est pourquoi nous déplorons que ce texte nous soit présenté dans la plus grande précipitation, le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée, inscrivant ainsi sa discussion par la Haute Assemblée dans un temps programmé.

Le projet de loi est loin de recueillir un large consensus auprès de la communauté universitaire et de la recherche et il fait l'objet de vives critiques sur l’ensemble de l’échiquier politique. Son adoption par l’Assemblée nationale a plutôt relevé de la discipline de groupe que d’une véritable adhésion.

De quoi s’agit-il ? Ce texte a pour objet la stratégie, l’organisation et les structures de l’enseignement supérieur et de la recherche publique. Il s’agit bien en effet d’un projet de loi d’orientation et non de programmation. Ce choix délibéré du Gouvernement le dispense donc de traiter de la question des financements.

Toutefois, la question de l’avenir de nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche n’est pas seulement budgétaire. Elle renvoie aussi au mode de sélection des étudiants, aux moyens effectifs de lutter contre les inégalités d’accès aux études supérieures, à la situation matérielle des étudiants, aux relations structurelles avec le monde économique et avec les collectivités locales.

L’université de demain doit s’adapter à la modernité afin de répondre aux besoins fondamentaux de formation en fournissant, notamment, des enseignements pour les nouvelles économies, sans oublier la constitution d’un socle culturel ou sa préservation. Je fais ici référence à la langue française et à sa place dans notre enseignement supérieur.

L’article 2, dans sa rédaction initiale, étendait si largement les exceptions qu’il remettait en cause l’esprit même de la loi Toubon, en légalisant la possibilité de dispenser en France, à des étudiants francophones, des enseignements intégralement en anglais.

L’Assemblée nationale a limité la portée de ces exceptions en précisant que les formations ne doivent être que partiellement proposées en langue étrangère. Cependant, la distinction entre étudiants francophones et non francophones n’est pas établie. L’adoption de l’amendement Legendre, que j’ai cosigné, permettrait de préciser les choses.

II convient de trouver la juste harmonie entre la préservation du français, sa place dans l’enseignement supérieur et l’ouverture la plus large possible de nos universités au monde. Les étudiants non francophones doivent pouvoir suivre des cours en anglais, mais ils doivent aussi apprendre le français et être sensibilisés à notre culture.

Le programme européen d’échanges Erasmus – c'est l'occasion de le citer –, dont le succès ne se dément pas depuis plusieurs décennies, pourrait, lui aussi, être amélioré.

Nos universités doivent être compétitives et attirer les étudiants en quête d’excellence. Face aux importants défis de la modernité et de la compétitivité que doivent relever notre enseignement supérieur et notre recherche, il est indispensable de se dégager de la vision hexagonale que vous nous proposez afin que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche puissent atteindre un niveau de qualité soutenant la comparaison au niveau international et ne pas être en décalage avec les établissements situés en Europe et dans le reste du monde. Ces objectifs majeurs concernent d’ailleurs tous les pays d’Europe et sont au cœur de l’agenda politique et des stratégies nationales des autres pays européens.

Les universités et les établissements d’enseignement supérieur ne doivent pas tous se ressembler. C’est malheureusement ce que vous imposez avec ce texte, alors que notre université mérite d’être dynamique et pluraliste.

Là où la loi LRU avait procédé par incitation afin de permettre le développement de stratégies originales susceptibles de déboucher sur des projets innovants, votre vision ne fera qu’augmenter les lourdeurs dans la prise d’initiative des acteurs. Je fais ici allusion, madame la ministre, au nouveau mode de gouvernance des universités que vous proposez. L'organisation bicéphale que vous envisagez, en créant des conflits potentiels entre le président du conseil d’administration et le président du conseil académique, bouleverse et rigidifie les modalités de fonctionnement des universités au risque de briser la dynamique que nous avions engagée depuis cinq ans.

Vous souhaitez également supprimer les PRES, qui avaient été créés pour constituer des champions de la formation et de la recherche en associant les meilleurs établissements, pour les remplacer par des communautés d’universités et d’établissements, dans une logique territorialisée, au mépris de l’autonomie des établissements et de leur rayonnement, qui doit pouvoir être national et international. Cela montre clairement que vous avez le souci de défaire ce qui a été réalisé au cours des cinq dernières années.

Que prévoyez-vous pour que l’enseignement supérieur et la recherche prennent pleinement leur part pour améliorer la compétitivité de notre pays dans un monde globalisé et donc concurrentiel ? Le projet de loi n’apporte pas de réponse.

Si l’on veut continuer à développer l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur et de recherche, il serait pertinent de soutenir et de développer les filières d’excellence.

Il faut aussi miser sur la recherche, le développement et l’innovation. Prenons pour exemple l’agriculture, qui est confrontée à des défis majeurs de production et de durabilité, et ce dans un contexte de crise économique et de croissance de la population mondiale, qu’il faudra bien nourrir.

La complémentarité entre la recherche fondamentale, la recherche finalisée et la recherche appliquée est garante de la compétitivité et de l’adaptation de notre agriculture aux enjeux actuels.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion