Je souhaite formuler deux séries de remarques.
Tout d'abord, sur la forme, la manière de procéder est inacceptable. Comme l'a souligné hier mon ami Roland Muzeau, lors de son rappel au règlement au début de la discussion, tous les coups semblent permis dans cette course aux élections, et surtout les coups les plus bas. Le Parlement est méprisé pour balayer en quelques phrases des acquis sociaux historiques.
Ce recours aux ordonnances pour un sujet aussi grave que l'emploi est inacceptable ! Vous avez, de cette manière, imposé aux Français le contrat nouvelles embauches, dont on commence à voir les dégâts sur notre marché du travail.
Dans sa dernière note, l'INSEE, toujours prudent, estime que ces nouveaux contrats pourraient avoir des effets d'aubaine pour les entreprises, mais ne stimuleraient pas l'emploi. Le seul effet serait de rendre le marché du travail plus « volatil », comme l'on dit - le qualificatif me semble cynique -, plus sensible aux fluctuations de la conjoncture qu'auparavant. Quel progrès !
Nous savons que votre véritable intention est de mettre un terme aux contrats à durée indéterminée - un quotidien titrait d'ailleurs : Le CDI est mort - et de libéraliser le marché du travail au profit des entreprises, tout en baissant artificiellement les chiffres du chômage à des fins électoralistes.
J'en viens à mes remarques de fond.
Cet amendement tend à permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnance, afin de créer un nouveau dispositif se substituant à la convention de reclassement personnalisé pour les salariés licenciés économiquement appartenant à un groupe de moins de mille salariés.
Ce contrat de transition professionnelle n'a fait l'objet d'aucune présentation auprès des parlementaires, et encore moins de négociations avec les partenaires sociaux. Nous avons procédé à des vérifications et nous disposons d'éléments pouvant le prouver.
En outre, le Gouvernement ne prend nullement la peine d'attendre les avis préalables des bureaux de l'UNEDIC et de l'AFPA. Cela contrevient gravement au fonctionnement démocratique, d'autant que le contenu de ce contrat de transition professionnelle est loin d'être anodin.
Ce contrat prendrait la suite des conventions de reclassement personnalisé, voulues par M. Larcher, et contre lesquelles nous nous étions déjà élevés. Ces conventions permettaient déjà en partie aux entreprises opérant des licenciements économiques de déroger à leur obligation de reclassement de leurs employés en versant une contribution spécifique de six mois de salaires. L'expression « sauf en cas de difficultés financières » portait déjà gravement atteinte à l'obligation de responsabilité des employeurs vis-à-vis de leurs salariés.
Avec ce nouveau contrat de transition professionnelle, une étape supplémentaire est franchie : l'aspect conventionnel qui plaçait encore l'employeur face à ses responsabilités est supprimé. Le contrat ne serait signé qu'entre le salarié licencié et un organisme découlant de l'AFPA. À partir du moment où ce contrat est signé, le salarié s'engage à répondre positivement à toutes les propositions de l'AFPA en termes d'emploi ou de formation.
Une telle démarche fait écho à la nouvelle convention de l'UNEDIC que j'ai évoquée précédemment. Le salarié sera obligé d'accepter tous les emplois qui lui seront proposés, sous peine d'être radié du dispositif, mais aussi du système d'assurance chômage. Et pour cause ! Le contrat de transition professionnelle équivaut à une démission volontaire, et je pèse mes mots, de l'assurance chômage.
Pourquoi un tel acharnement ? C'est ici très clair ! Vous créez, avec ce nouveau contrat de transition professionnelle, une nouvelle catégorie de travailleurs : ni chômeurs relevant de l'assurance ni salariés. C'est encore un moyen de baisser artificiellement les chiffres du chômage, au prix de graves dégâts sociaux et économiques.
Je conclurai sur cette remarque : ce contrat de transition professionnelle s'inscrit a priori dans les discussions plus larges relatives à la sécurisation des parcours professionnels. Mais nous en avons décidemment une définition radicalement différente.
Selon nous, parler de sécurisation des parcours professionnels, c'est parler des moyens qui doivent être mis en oeuvre pour que les salariés connaissent le moins de ruptures possible dans leur vie professionnelle et que les différents emplois qu'ils pourraient occuper au cours de leur vie soient tous de qualité et stables.
À l'inverse, la sécurisation des parcours professionnels correspond, pour le Gouvernement et le MEDEF, uniquement à la sécurité, pour les employeurs, de pouvoir licencier le plus simplement possible leurs employés. Autrement dit, les patrons doivent connaître le moins de ruptures possible dans leur course au profit. Ce sont les licenciements économiques anticipés.
Une fois encore, notre point de vue est radicalement opposé.
Dans l'explication de vote finale, mon collègue Roland Muzeau aura, je n'en doute pas, à revenir sur cet amendement qui a été présenté dans des conditions détestables. De mémoire de sénateurs, nous n'avions jamais vu cela. Nous vivons, me semble-t-il, un moment très grave pour les salariés.