Intervention de Laurent Jalabert

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 15 mai 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Laurent Jalabert ancien coureur cycliste ancien sélectionneur de l'équipe de france cycliste

Laurent Jalabert :

J'ai relevé quelques axes de réflexion... Le cyclisme a été pilote en matière de suivi longitudinal, de contrôle sanguin, de passeport biologique, de détection des manipulations sanguines, de localisation des athlètes et de contrôles inopinés ciblés. Je crois savoir que peu de fédérations lui ont emboîté le pas...

Je ne suis pas ici pour faire le procès des autres sports. J'adore le sport, et j'ai beaucoup de respect pour les autres sportifs. Cependant, l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a réalisé, en 2012, 1 812 contrôles dans le cyclisme, pour 112 600 licenciés, soit 1,6 %. C'est peu ! Au rugby, on a enregistré 588 contrôles pour 322 000 licenciés, soit 0,2 %. C'est moins... Le football a connu 548 contrôles pour 2 225 000 licenciés, soit 0,02 % Le tennis n'apparaît même pas dans la liste ; on recense moins de 400 contrôles pour 1 125 000 licenciés, soit moins de 0,035 % !

Il faudrait que le nombre de contrôles soit équitable entre les fédérations. On parle beaucoup du cyclisme et de ses problèmes, qui font les choux gras de la presse. Peut-être cela fait-il un peu avancer les choses mais, en matière de lutte antidopage, il me semble qu'on devrait s'inspirer de ce qui se fait dans le vélo et qui apporte des résultats.

J'ai discuté il y a peu avec un manager de rugby de troisième division, qui a reconnu que le monde du rugby comptait peu de contrôles. Lorsque cela arrive, le contrôleur donne, une heure avant le match, le nom des trois joueurs qui vont être contrôlés. Dans le vélo, je n'ai jamais connu cela ! Je veux bien que l'on affirme que tous les coureurs cyclistes sont dopés, qu'on n'ait aucun respect pour les anciens champions, que l'on considère que leurs performances sont tronquées, mais j'aimerais aussi, pour que l'on puisse comparer, que tout le monde soit placé sur un pied d'égalité. Or, les chiffres démontrent le contraire ! Il me semble qu'il faudrait tenir compte du nombre de licenciés en cas de contrôles dans les différentes disciplines sportives et harmoniser la réglementation sportive. Le cyclisme - français en particulier - a voulu faire le ménage. Les choses sont en bonne voie, même si elles ne sont pas parfaites. Les méthodes employées sont efficaces, à condition d'y mettre les moyens.

La lutte antidopage coûte mais, dans le vélo, les équipes participent. Les organisateurs également. Ce ne sont pas ceux qui gagnent le plus d'argent ! Une équipe de vélo, aujourd'hui, dispose d'un budget moindre qu'une équipe de rugby - et je ne parle même pas du football ! Le vélo n'a aucune autre ressource que le partenariat. Si un coureur triche, il place cinquante personnes dans la difficulté.

Une des difficultés du vélo est peut-être d'être un sport dispersé à travers les pays ou le continent alors que, dans les sports collectifs, tout le monde est rassemblé au même endroit, s'entraîne en même temps. Est-ce une incitation au dopage ? C'est difficile à dire...

Dans une période de doute, lorsqu'on ignore si l'on va faire ou non le Tour, que l'on ne sait pas si son contrat va être renouvelé, cela peut pousser à la tentation...

Le dopage, ce n'est pas seulement courir vite ou pédaler longtemps. Cela peut aussi concerner, par exemple, la précision du tir ou la lutte contre le soleil. Je ne crois pas qu'il existe aujourd'hui une véritable équité dans la façon de lutter contre le dopage dans notre pays.

La devise de notre pays est « Liberté, égalité, fraternité ». Je ne vois pas où se situe l'égalité dans cette affaire ! Il en va de même des sanctions...

Il y a deux ou trois ans, lors du Tour de France, Kolobnev se fait prendre pour l'utilisation frauduleuse d'un diurétique. Il est éliminé du Tour de France, suspendu pour deux ans ; cette suspension est ramenée à un an par sa fédération. Un an plus tard, quasiment jour pour jour, Cesar Cielo se fait prendre pour avoir utilisé la même substance : il a pu participer aux championnats du monde, la décision ayant été cassée pour vice de forme ! Dans quel monde vit-on ? Est-on sur la même planète ? A-t-on les mêmes droits ? Le dopage ne touche-t-il que le monde du cyclisme, ou le sport dans son ensemble ?

Des gens vont bien se charger d'aller rechercher les anciens champions, et essayer de savoir si leurs performances sont vraiment honnêtes ! Certaines personnes en font leur fonds de commerce et pensent qu'il suffit de multiplier la pente par le poids pour savoir si le coureur est dopé ou non. Personnellement, je ne me rappelle pas de la moitié des étapes du Tour d'Espagne ! J'ai peut-être pris un coup à la tête lors de mon accident, mais je me demande comment on peut affirmer que tel ou tel n'était pas clair parce qu'il a gravi un col à telle ou telle allure !

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