Au Québec, je note qu'il n'y a pas de séparation entre les aspects sociaux et sanitaires de la prévention. Il y a un discours très évolué sur la santé mentale, à la différence de la France qui catalogue encore trop les personnes. Le suicide y est considéré comme une mort évitable et je partage avec vous la conviction qu'il faut agir pour diffuser cette idée.
Pr Michel Debout. - Le Québec mène effectivement des initiatives intéressantes en matière de prévention, mais la France a également été pionnière en créant notamment la journée nationale de prévention du suicide. Il me semble important que l'on puisse rassembler les forces pour renforcer tant le bien-être individuel que le bien-être social, et ne pas considérer seulement le premier. En matière de recherches, les neurosciences peuvent certainement nous apporter beaucoup, mais sans négliger pour autant d'autres approches : il faut voir l'individu comme un tout, biologique, éducatif, affectif, social et symbolique. Nous ne souhaitons pas la mise en place d'un observatoire qui serait purement administratif, il faut qu'il soit porté par les acteurs de terrain, et il doit disposer d'une réelle autonomie. Il faut utiliser tous les indicateurs qui existent et tous les moyens de communication : j'avais moi-même initié une bande dessinée sur les effets d'un plan social dans une entreprise ; on pourrait imaginer la même chose pour le monde rural. En ce qui concerne les familles, l'important est de leur permettre de parler et de rompre avec l'opprobre. J'ai tendance à penser qu'il est heureux que le suicide garde une part de mystère, car cette altérité est constitutive de l'humanité.