Intervention de Bruno Sesboüé

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 5 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno Sesboüé médecin à l'institut régional du sport du centre hospitalier universitaire de caen

Bruno Sesboüé :

Mesdames, Messieurs, je vous remercie d'avoir bien voulu consacrer un peu de votre temps pour écouter les antennes médicales de prévention du dopage que je représente ici. Je ne suis en effet pas là en tant que membre du Centre hospitalo-universitaire (CHU) de Caen, mais en tant que président de l'Association nationale des antennes médicales de prévention du dopage (ANAMPREDO).

La création de ces antennes par Marie-George Buffet, après le scandale Festina, a été accueillie avec enthousiasme par les différents acteurs impliqués dans ce combat : nous sentions, enfin, que les quelques actions que nous avions chacun dans notre exercice quotidien allaient être coordonnées et amplifiées.

Au début, nous nous réunissions deux fois par an, au siège du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD) et, très vite, nous avons demandé à ce que la prévention soit rajoutée à nos missions, puisque notre appellation ne mentionnait que la lutte.

Aujourd'hui, nous ne sommes plus chargés que de la prévention, sous la tutelle du ministère de la jeunesse, des sports et de la cohésion Sociale, tandis que l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) se charge de la détection du dopage et des sanctions.

Nous sommes les seuls à porter un message de prévention auprès des jeunes, du monde sportif et des professionnels de santé ; par exemple, l'antenne du Nord-Pas-de-Calais a fait 42 actions de prévention l'an dernier, celle de Lyon, 60...

Nous avons introduit également un enseignement sur ce sujet dans la formation des médecins et des pharmaciens, ainsi qu'auprès des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), formation qui n'existait pas auparavant.

Le dopage est un problème de santé publique et d'éducation pour la santé, d'autant que le dopage et les conduites dopantes conduisent à la toxicomanie. La prévention est une affaire de longue haleine et le fruit de l'investissement consenti est long à mûrir !

Depuis toujours, nous travaillons avec un maigre budget : environ 600 000 euros pour les 24 antennes en 2012. Cette année, les moyens ne seront plus attribués par le Centre national pour le développement du sport (CNDS) national, mais par le CNDS régional, et nous nous retrouvons en concurrence directe avec ceux pour qui nous sommes censés travailler, à savoir les comités sportifs régionaux !

Le résultat, pour certains, est catastrophique : le budget de l'antenne des pays de Loire est amputé de 54 % ; celui de Basse-Normandie sera probablement amputé de 52 %, etc., bien loin de la baisse annoncée du CNDS qui n'est que de 7 %.

Ceci est en désaccord avec le discours politique qui met en avant la prévention, sans nous donner les moyens correspondants. Il n'y a plus de pilotage national effectif : nous n'avons pas eu de réunion avec notre ministère de tutelle depuis deux ans ! Il y a un saupoudrage des ressources et des acteurs, avec un financement d'actions fédérales autonomes et un numéro vert « Écoute-Dopage » indépendant de tout réseau. Il n'y a pas de stratégie politique cohérente de la part du ministère de la jeunesse et des sports, et c'est le mouvement sportif, au travers du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui semble porter le mieux une volonté d'organisation de la prévention.

Sans moyens financiers, les antennes régionales vont probablement disparaître : ainsi, le coût du temps médical consacré à l'antenne de Basse-Normandie est évalué par le CHU à 13 000 euros, et le budget alloué à l'antenne par le CNDS sera de l'ordre de 8 000 euros ! Notre CHU a déjà de sérieuses difficultés budgétaires, et il n'acceptera pas d'assumer une activité non prioritaire susceptible de grever encore ce budget ! Il faut noter que trois antennes ont déjà fermé.

Nous aurions donc besoin de ressources, mais aussi de dispositifs pour développer les compétences, les savoirs, les échanges théoriques, et les expériences en matière de prévention du dopage, tels que des congrès et des groupes de travail, et il nous faudrait les moyens d'avoir du personnel dédié.

Au total, nous souhaiterions un organe public dédié à la prévention du dopage et indépendant du monde sportif, dont les antennes seraient le relais régional, qui pourrait être constitué d'une équipe restreinte et d'un collège de représentants des antennes médicales de prévention du dopage. Ce dispositif mettrait en place un centre de ressources documentaires et d'expertise accessible à tous les publics.

Ceci nous libérerait aussi du millefeuille administratif dans lequel nous devons nous débattre : les dossiers que nous préparons doivent être adressés au responsable de l'antenne, puis au chef de service, au chef de pôle, à la direction de l'hôpital, à l'Agence régionale de santé (ARS), à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion Sociale et au ministère. Ce circuit redondant nous fait perdre un temps précieux !

La prévention justifie un support humain et financier de la puissance publique en accord avec la volonté affichée d'agir en amont du passage à l'acte de dopage. La prévention en cette matière n'est pas chose facile : il n'y a pas de dépistage possible comme pour le cancer, il n'y a pas de levier financier comme pour le tabac. Il ne reste que la motivation de nos équipes pour asséner sans relâche le message !

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