Intervention de Jean-Marcel Ferret

Commission d'enquête sur la lutte contre le dopage — Réunion du 5 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marcel Ferret ancien médecin de l'équipe de france de football de 1993 à 2004

Jean-Marcel Ferret :

La charge de travail est un vaste problème. En 1998, nous avons basé notre préparation sur l'état physiologique des joueurs. On a repris leurs charges de travail sur quatre saisons pour affiner leur préparation.

Actuellement, un joueur court un grand risque de se blesser après trois à quatre saisons pleines. En 1998, la moyenne des matchs était de 41. En 2002, on est passé à 52, avec des extrêmes à plus de 70 matchs par saison. On insiste beaucoup sur la récupération des joueurs, mais plus on les fait récupérer, plus on leur fait faire de matchs. Il faut donc légiférer à propos de la charge de travail. Cela existe en médecine du travail ! Or, les cyclistes ou les footballeurs professionnels sont des salariés qui relèvent de la médecine du travail.

C'est un voeu pieu : nous en parlons depuis des décennies, mais nous n'avons jamais été suivis. Je me suis opposé à la Ligue quand, en France, celle-ci a décidé de faire des matchs tous les deux jours. Il faut un peu plus de trois jours pour récupérer d'un match de football. On oublie que le football et le rugby sont des sports de contact qui génèrent des chocs, des coups, et détériorent les tissus. Cela coûte très cher à l'organisme...

On maîtrise à présent les réserves énergétiques. On sait qu'il faut deux ou trois jours pour reconstituer un stock de glycogène, mais quand il faut réparer des tissus, trois jours, c'est bien court ! Au rugby, il serait impensable de faire des matchs tous les trois jours. Il faut sept à huit jours pour récupérer ! Un marathon nécessite beaucoup plus de temps, les percussions sur le sol déclenchant des dégâts membranaires et tissulaires. C'est ce qui coûte cher à l'organisme. C'est pourquoi le métabolisme d'un athlète est toujours en hyperactivité. Il faut donc en tenir compte.

Lorsque les matchs sont trop rapprochés, le sujet se blesse. La blessure est prévisible. La gestion des charges de travail, des compétitions, les ressources humaines sont très importantes dans le sport professionnel. Or, on fait malheureusement toujours jouer les meilleurs...

Peut-on faire une carrière de très haut niveau à 50 ou 60 matchs par saison, sans approche biologique ou alimentaire très poussée ? Je pense que c'est devenu extrêmement difficile. Il faut avoir une approche extrêmement personnalisée, que le sujet se connaisse bien, mène une vie adaptée et soit tourné vers sa profession. Je ne sais si c'est tout à fait le cas aujourd'hui.

Il aurait été bien plus facile de faire une piqûre d'EPO à tous les joueurs que de faire des stages à Tignes ! Le dopage, c'est un peu l'oreiller de paresse, comme dit Aimé Jacquet. Il est bien plus difficile de programmer un entraînement, de disséquer un sujet, de le connaître vraiment sur le plan physiologique. C'est un travail énorme. Je ne suis pas sûr qu'il soit conduit partout. Il est plus simple d'avoir recours à certaines techniques. Tout le monde est en forme et il n'y a pas de problème !

Quant à la métamorphose physique des joueurs, nous étions en contact permanent avec eux. Ils m'appelaient quand ils étaient blessés. Si j'estimais que c'était grave, je me déplaçais, et je leur demandais de m'informer de tout ce qu'on leur donnait. Ils me disaient souvent de leur propre chef qu'on leur avait prescrit telle ou telle molécule, et me demandaient s'ils pouvaient la prendre ou non.

En Italie, les joueurs de la Juventus prenaient énormément de produits, même en perfusion. La pharmacopée italienne est bien plus riche en produit de récupération -vitamines, sels minéraux, acides aminés- que la pharmacopée française, qui est de plus en plus restreinte d'ailleurs, ce qui nous protège. Aucun des produits que m'ont cités les joueurs ne faisait toutefois partie des produits de la liste. Cependant, énormément étaient détournés de leur utilité première. Il s'agissait souvent des produits utilisés pour leurs effets secondaires ou parce qu'ils contenaient un certain nombre d'éléments intéressants pour l'organisme -mais jamais interdits.

On peut bien entendu m'objecter qu'ils ne m'ont peut-être pas toujours dit la vérité...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion