Je rappelle tout d'abord que notre déplacement n'a duré que 48 heures et pour apporter des réponses précises aux nombreuses questions qui ont été soulevées sur le cas italien, il faudrait nécessairement une immersion plus longue dans ce pays et des études approfondies. Nous avons tout de même eu la chance de bénéficier, pendant ces deux jours, de la compétence de notre représentation économique : elle nous a permis de rencontrer des interlocuteurs qui ont pu établir des comparaisons entre le système italien et le nôtre. Je rappelle d'abord que la métropole milanaise est la deuxième d'Europe et qu'elle se caractérise par son ouverture internationale. En second lieu, l'Italie ne produit quasiment pas d'énergie et celle-ci coûte environ deux plus cher qu'en France : c'est un sérieux handicap pour l'économie italienne. Par ailleurs, en ce qui concerne le coût du travail, les entrepreneurs qui ont exercé leur activité à la fois en France et en Italie ont indiqué que les charges globales pesant sur les entreprises étaient de 10 à 15 % plus élevées en France dans l'industrie lourde, mais comparables dans l'agroalimentaire ou la pharmacie. En revanche, ils ont souligné que, pour les entreprises, l'accompagnement des pouvoirs publics était bien meilleur dans notre pays.
Il a également été souligné à très juste titre par Jean-Jacques Lasserre que la solidarité, en Italie, est une nécessité économique, compte tenu du faible niveau d'intervention de l'État. Par ailleurs, il n'y a pas en Italie de salaire minimum ni de système d'allocation chômage comparable au nôtre. Les salariés italiens sont indemnisés tout en conservant leur emploi lorsque leur entreprise est en période de sous-activité. On estime également que l'économie parallèle représente, en Italie, environ 20 % du PIB contre 10 % en France.
Par ailleurs, la banque centrale italienne s'interroge sur la pérennité des districts et des réseaux italiens de micro-entreprises en soulignant la nécessité de financer la recherche-développement. S'agissant des performances de l'industrie italienne à l'exportation, il convient d'abord de rappeler la présence d'une importante diaspora italienne à l'étranger. D'autre part, l'exportation est un impératif pour l'industrie de ce pays, compte tenu de l'insuffisante solvabilité du marché intérieur. En ce qui concerne le « made in Italy », les italiens y restent attachés mais s'efforcent avant tout de conserver la maîtrise du design. Il faut avant tout insister sur la culture et la famille qui sont les deux caractéristiques essentielles du système italien : toute la question est de savoir comment pourra évoluer ce dernier puisqu'on nous a indiqué que l'Italie manque de jeunes repreneurs des structures traditionnelles. En revanche, on constate dans ce pays un réflexe qui consiste à se tourner vers la production industrielle de valeur et une prédilection générale pour l'acte productif et la beauté du geste qui fait un peu défaut en France.
S'agissant de la question des taux de marge évoquée tout à l'heure, je rappelle qu'on a traité l'industrie en France dans les années 1970 en distribuant des revenus aux actionnaires sans tenir suffisamment compte de la nécessité de réinvestir. L'innovation est une composante essentielle de l'avenir de notre économie et je fais observer que même si les italiens ne déposent pas autant de brevets qu'ils le pourraient, pour économiser le coût important de la procédure, ils introduisent en permanence des innovations dans leurs produits.
En fin de compte, je rejoins ceux qui estiment préférable de parler d'exemple italien ou allemand plutôt que de « modèle ». Il est vain d'essayer de transposer des schémas en oubliant qu'ils sont avant tout déterminés par facteurs historiques et des spécificités nationales mais il est cependant utile de s'inspirer des bonnes pratiques et, de ce point de vue, la coopération des entreprises, l'affinité pour l'acte productif et le design ainsi et surtout que la montée en gamme méritent d'être soulignés à travers l'expérience italienne. J'ajoute aussi que la centralisation étatique que nous avons connue en France depuis la Libération avec une concentration des moyens sur l'objectif de développement d'une quarantaine de grands groupes champions au niveau mondial doit aujourd'hui être complétée par une attention toute particulière pour les territoires. Il faut que nos PMI soient soutenues pour y trouver un environnement favorable à leur croissance et pour devenir le fer de lance de notre réindustrialisation.