Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons l’examen en deuxième lecture au Sénat de la loi sur la refondation de l’école de la République. Il s’agira peut-être, d’ailleurs, de la dernière lecture d’un texte qui matérialise la priorité définie par le Président de la République.
Pour nous permettre d’examiner les amendements déposés sur ce texte, je remercierai brièvement les assemblées, et particulièrement le Sénat, de leurs travaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous rappelez que, en première lecture, les députés avaient déposé 661 amendements sur ce texte, dont 200 ont été adoptés.
Lors de la première lecture de ce texte au Sénat, 425 amendements avaient été déposés en commission, dont 118 ont été adoptés.
Des amendements ont également été déposés en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. J’insiste cependant sur un point : l’important travail réalisé au Sénat a été respecté. J’avais donné ma parole que les enrichissements apportés au texte seraient préservés ; il y allait de l’intérêt même de la loi de refondation de l’école, donc de celui des élèves.
La rédaction du texte, tel qu’il est issu de la première lecture au Sénat, comprenait des avancées notables, portant sur des éléments essentiels : l’éducation artistique et culturelle, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, la carte des formations et sa définition, la comptabilisation des enfants de moins de trois ans pour l’ouverture des classes – j’ai répondu à une question d’un parlementaire de l’opposition sur ce sujet ce matin même à l’Assemblée nationale –, les secteurs de recrutement communs à plusieurs collèges publics, l’espace à l’usage des parents, ou encore l’éducation à l’environnement et au développement durable.
Un certain nombre de mesures importantes avaient donc été introduites. Elles ont été conservées telles quelles par l’Assemblée nationale.
La commission compétente du Sénat a de nouveau adopté ce texte le 18 juin dernier, sans qu’aucun amendement ait été adopté. Je m’en réjouis.
Tout au long de l’année, j’ai entendu ce qui pouvait se dire sur cette loi. Cela a peu d’importance. Ce qui est essentiel, en revanche, c’est ce que nous avons engagé. Cela, personne, sauf pour des raisons qui ne concernent pas le fond du sujet, ne peut y être opposé.
Nous avons décidé de donner la priorité à l’école primaire. Chacun convient, depuis bien longtemps, que le point faible de notre système éducatif est l’absence de moyens accordés au primaire. Notre pays connaît, en effet, le plus faible taux d’encadrement des pays de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Ce matin encore, à onze heures, l’OCDE a rendu public un rapport soulignant l’important écart qui existe entre le primaire et le secondaire, en matière, notamment, d’exigences pesant sur les enseignants. Cette situation vient de très loin. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, François Hollande avait pris l’engagement d’y remédier. Nous l’avons tenu.
Par ailleurs, nous avons mis en place – et non pas remis en place – une formation des enseignants. C’est là, en effet, le facteur essentiel de la réussite éducative.
J'entends et je lis sur les écoles supérieures du professorat et de l'éducation un certain nombre d'inexactitudes. Interrogé par Mme Blandin, j'ai eu l'occasion de le dire au Sénat la semaine dernière : ces écoles marquent une rupture par rapport à ce qui a été fait jusqu’à présent, et c’était nécessaire.
L’entrée dans le métier d’enseignant doit être professionnalisée. En l’occurrence, elle le sera dès la licence, avant qu’une telle orientation ne soit accentuée en master 1 et poursuivie en master 2. Cette professionnalisation se fera en alternance avec des stages, qui seront proposés avant même le master 1 et au cours de celui-ci. Je perçois la préoccupation qui se fait jour au sujet des « reçus-collés », mais ce concours ne sera pas une césure.
Nous avons défini un cadre national. En outre, contrairement à ce à quoi l’on a assisté ces dernières années, quand l'esprit de compétition entre les universités s'est substitué à l'esprit de coopération, la procédure d'accréditation permettra une entrée progressive et professionnalisante dans le métier. Elle définira ce que l’enseignant doit savoir faire au xxie siècle, tant dans la discipline qu’il enseigne qu’en didactique et dans bien d’autres domaines, comme les usages du numérique, l’égalité entre filles et garçons, l'appréhension des enfants en situation de handicap, la laïcité et les questions pratiques qu’elle pose, le travail en équipe, la capacité à construire le rapport entre l'école et ce qui est extérieur à cette dernière.
Nous avons souhaité, car c’est fondamental, la présence dans ces écoles de praticiens au côté des universitaires, à la fois ceux qui enseignent encore, tant dans le primaire – notre réseau de maîtres formateurs – que dans le secondaire, mais également les partenaires de l'école. C'est une tâche colossale, mais le travail qui a été accompli depuis un an permettra à la rentrée aux nouveaux stagiaires, puisque l’année de stage a été rétablie, de bénéficier de cet enseignement.
Là encore, des incompréhensions se sont fait jour – on a du mal à voir percer le neuf, dans notre pays... Cet enseignement assurera la formation initiale et la formation continue, formera au professorat et aux métiers de l'éducation.
Priorité au primaire, mise en place d'une nouvelle formation des enseignants, service public du numérique éducatif, réforme de nos procédures d'orientation, installation, dès le mois d'octobre prochain, du Conseil supérieur des programmes et du Conseil national d’évaluation du système scolaire, grâce auxquels l'éducation nationale reprendra le mouvement qui doit être le sien : sur tous ces sujets, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez considérablement enrichi ce texte.
Les moyens sont au rendez-vous : 6 700 emplois seront créés à la rentrée sur le terrain, indépendamment de la remise en vigueur de l'année de stage, pour moitié dans le primaire, pour moitié dans le secondaire, lequel n'est pas abandonné.
Nous assistons actuellement à une poussée démographique. Nous y répondons en orientant tous les moyens supplémentaires vers les zones en difficulté, car, là encore, les faits sont implacables : non seulement les apprentissages fondamentaux connaissent des difficultés, mais encore les inégalités s’aggravent, mettant à mal la cohésion nationale et la solidarité avec les zones urbaines sensibles, certains territoires ruraux et les départements et collectivités outre-mer.
C'est pour cette raison que, conformément aux engagements du Président de la République, tous les moyens supplémentaires seront affectés dès cette année dans ces endroits particulièrement sensibles : c'est vrai pour l'accueil des moins de trois ans et pour le principe « plus de maîtres que de classes » ; ce sera vrai, aussi, pour notre action en faveur des collèges.
Ensemble, nous avons redéfini ces fondements de l’école, et vous les avez étayés.
Notre calendrier de travail s’annonce chargé. J'entends dire qu’il faudrait s’occuper du collège. Bien sûr ! Mais cela fait plusieurs mois que, autour de la direction générale de l’enseignement scolaire, se réunissent tous les partenaires pour proposer cette réforme du collège, qui succédera à celle du primaire.
Bien entendu, nos préoccupations fondamentales vont directement à l'éducation prioritaire. Celle-ci concerne près de 20 % de nos écoliers et de nos collégiens et elle ne donne pas les résultats escomptés, malgré l'engagement des personnels. Nous devons faire cesser ces injustices et permettre la réussite éducative de tous. Ce chantier sera engagé.
Un autre chantier est celui des missions des professeurs. Nous avons commencé par les professeurs des écoles et nous poursuivrons ce travail. Des discussions s'ouvriront à la rentrée.
Il y a ceux qui ne veulent rien changer et ceux qui voient l'avenir en regardant dans le rétroviseur. Il y a ceux qui pensent qu'il faudrait ressusciter éternellement les débats d'antan entre l'instruction et l'éducation, entre les républicains et les pédagogues, entre les moyens et les fins, entre la quantité et la qualité. Enfin, il y a ceux qui ont le sens de l'intérêt général, ceux qui, connaissant notre histoire, ont analysé la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, à savoir celle d’un système éducatif à la peine, et qui veulent surmonter ces obstacles. Cela ne se fera pas en un jour ; il faut de la méthode, et la méthode, c'est le chemin.
Or nous nous sommes mis en chemin. Il faut de la détermination. Celle-ci est au rendez-vous et bénéficie de l'appui des plus hautes autorités de l'État, à savoir le Président de la République et le Premier ministre. Nous avons les moyens de mener une grande réforme, et je suis heureux que le débat parlementaire ait permis de l’enrichir. Cette attitude est conforme non pas à une posture politique, mais bien plutôt à ce que doivent être un engagement au service de l’esprit public et des valeurs. Nous avons besoin, pour réussir cette réforme, de l’investissement de tous ; nous sommes plus intelligents à plusieurs que tout seuls. Ce que nous voulons enseigner aux élèves, nous devons le mettre en pratique nous-mêmes.
Je remercie les groupes politiques qui ont apporté leur contribution d’avoir enrichi ce texte. J'appelle les autres à nous rejoindre, car, au fond, nombre de leurs membres partagent nos préoccupations. Parfois, les situations confinent à l'absurde. Ainsi, il arrive que des sénateurs ou des députés de l'opposition m’interrogent sur la scolarisation des moins de trois ans, sur le principe du « plus de maîtres que de classes », sur le nombre d'enseignants dans leur circonscription, sur les écoles supérieures.
Ces avancées appartiennent à toute la Nation, elles sont dans l'intérêt des élèves. Encore une fois, je remercie les groupes qui ont contribué à enrichir ce texte, à lui donner sa cohérence, son ancrage républicain, et je souhaite que les autres puissent profiter de cette dernière lecture pour montrer que leur seul souci, c'est l'intérêt des élèves, c’est celui de la France.