C’est sans doute pour des raisons de pure procédure que ces deux amendements sont en discussion commune, car ils me semblent contradictoires sur le fond.
Si nous créons des postes, monsieur Legendre, c’est évidemment pour permettre de soulager les enseignants.
Par ailleurs, depuis le temps que j’ai le bonheur de vous connaître et de vous entendre en commission comme en séance publique, une des préoccupations que vous manifestez avec constance porte sur les territoires ruraux. Or répondre à cette préoccupation, comme nous nous y employons, suppose quelques moyens.
Monsieur Legendre, vous le savez, j’ai beaucoup de respect pour vous, pour les fonctions qui ont été les vôtres et pour la responsabilité que votre groupe vous a confiée.
Lorsque le précédent gouvernement a réalisé cette réforme si réussie de la mastérisation, il a fait en sorte que les professeurs des écoles, qui étaient auparavant recrutés à bac+3 le soient désormais à bac+5. En même temps, ce gouvernement s’est dit qu’il allait supprimer l’année de stage, pendant laquelle on est rémunéré à plein-temps pour enseigner à mi-temps.
Monsieur Legendre, si vous multipliez 200 millions d’euros de mesures catégorielles par cinq, les cinq années d’application, vous arrivez à un total de 1 milliard d’euros pour tout le monde. Mais la suppression de la formation et de l’année de stage vous a fait économiser 800 millions d’euros. La différence est donc de 200 millions d’euros : c’est la somme qui a ainsi été réellement consacrée à la revalorisation des traitements des enseignants par le précédent gouvernement.
Lorsque, nous, nous organisons le concours en fin de master 1, avec une année de stage rémunéré aussitôt après la réussite au concours, cela revient à remettre en place plus tôt un traitement pour les enseignants, lesquels bénéficient ainsi de 800 millions d’euros supplémentaires.
Je continue donc de considérer que la prétendue revalorisation du métier d’enseignant des années passées n’est qu’un « mistigri » ; du reste, personne ne l’a vue concrètement puisque, selon l’OCDE, le pouvoir d’achat des enseignants a baissé depuis dix ans. Il y a bien eu quelques augmentations extrêmement parcellaires accordées par Luc Chatel en fin de parcours, mais elles n’ont absolument pas compensé tout ce qui avait été retiré précédemment.
En revanche, chacun comprendra que le fait d’être embauché un an plus tôt, avec un traitement à plein-temps pour occuper un poste à mi-temps représente une amélioration substantielle du début de carrière. Je fais partie de ceux qui souhaiteraient qu’on puisse faire encore mieux, mais j’estime qu’il s’agit d’un bon début.
Dans ces conditions, je suis évidemment défavorable à l’amendement n° 36, dont je conteste profondément l’argumentation.
Madame Férat, l’expression de « zone rurale isolée » correspond à une définition de l’INSEE qui date de 1996. Elle a alors remplacé celle de « zone rurale profonde », et l’on comprend bien ce qui a pu conduire à une telle substitution… §
L’INSEE distinguait alors deux grands types d’espaces : les espaces à dominante urbaine et les espaces à dominante rurale. Il faut quand même avoir en tête que ces derniers comptaient 22, 8 millions d’habitants au début des années 2000. L’espace rural est lui-même différencié pour tenir compte de sa propre complexité et l’expression « zone rurale isolée » correspond aux territoires ruraux ayant une faible activité économique et ne bénéficiant pas de l’influence urbaine de proximité, fût-elle relativement faible.
Dès lors, pour l’INSEE, selon ces critères, le « rural isolé » concerne moins de 11 000 communes et regroupe 36 % des élèves de la ruralité. Cela nous permet donc de cibler plus directement nos efforts sur cette zone, qui a d’ailleurs enregistré une baisse continue du nombre d’élèves, de classes et d’écoles ces dernières années.
En 2010, l’INSEE a modifié sa nomenclature en substituant à « zone rural isolée » la nouvelle appellation de « commune isolée hors influence des pôles », correspondant au même échantillonnage.
Cependant, dans le projet de loi, nous avons souhaité conserver l’expression utilisée jusqu’en 2010, plus établie et correspondant davantage à nos problématiques scolaires. Comme vous le savez, l’isolement est souvent facteur d’absence d’accès à des dispositifs pédagogiques et culturels. Il constitue donc une fragilité sociale, source de difficultés scolaires.
Madame Férat, je tiens à vous dire – mais peut-être devriez-vous en parler avec M. Legendre – qu’il y aura des créations de postes dans le primaire cette année au profit de votre département, qui perd pourtant des élèves. Je ne comprends pas que vous vous en plaigniez !