Intervention de Jean Bizet

Réunion du 27 juin 2013 à 9h30
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine du développement durable — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Enfin, nous sommes frappés, à l’occasion de l’examen de ce texte, par le déficit d’information. L’étude d’impact est vide, ou presque : cela devient une habitude qu’il faut, à mon sens, rapidement corriger ! Pour comprendre un tel projet de loi, nous aurions besoin de disposer également du texte de la directive concernée. Cela nous permettrait de vérifier que l’on ne va pas au-delà de la transposition, comme c’est souvent le cas en France : on profite en effet fréquemment de la transposition pour insérer, sans publicité, des dispositions ne figurant pas dans la directive censée être transposée.

C’est sur ce genre de texte qu’il faudrait concentrer notre attention pour agir en amont contre les réglementations asphyxiant notre pays. Nous prenons enfin conscience, bien tardivement, de cette nécessité. Nous ne le faisons malheureusement pas assez.

Au fil du temps – soyons honnêtes, cela ne date pas d’aujourd’hui –, nous accumulons les excès de transpositions, sous la pression sociétale, pour ne pas dire sous la pression d’un certain nombre d’ONG « environnementalistes », sans écouter le monde de l’entreprise. Alors – je le dirai très clairement –, qu’on ne s’étonne pas que les chefs d’entreprise ne soient plus enclins à investir, à entreprendre ou tout simplement à croire en la France !

Cette surcharge de normes, de règles, ces procédures administratives longues et complexes finissent par entraîner des distorsions de concurrence. Voilà pourquoi, aujourd’hui, les deux principales économies de l’Union européenne, celles de l’Allemagne et de la France, divergent fondamentalement.

Certes, ce manque de convergence n’est bien évidemment pas dû qu’à cela. D’autres raisons concourent à un tel résultat, mais ce phénomène y participe. C’est la raison pour laquelle la convergence économique entre la France et l’Allemagne devient à mon avis de plus en plus urgente, voire dramatiquement urgente.

Parmi cette multitude de dispositions, j’évoquerai la transposition de la directive Seveso III, relative aux activités économiques impliquant l’emploi de substances dangereuses. Celle-ci remplace la directive Seveso II. Plus complète, elle vise notamment à permettre la mise en place au niveau mondial d’un système harmonisé de classification des substances dangereuses. Cet aspect de la directive concerne surtout les industriels. Cependant, il nous faut veiller à ce que ces classifications et réglementations n’entament pas la compétitivité des entreprises européennes opérant dans ce domaine.

Seveso III s’attache, à l’instar de Seveso II, à la situation des citoyens concernés par ces activités et par les risques qu’elles comportent. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir être mieux informés ; ils veulent aussi pouvoir donner leur avis, voire s’opposer à des projets d’implantation ou de développement d’activités potentiellement dangereuses. Les normes imposées aujourd’hui en Europe seront probablement aussi, à l’avenir, exigées ailleurs.

Si le besoin d’information de nos concitoyens est légitime, il est indispensable d’y répondre de manière adéquate si l’on veut permettre – je l’ai dit et j’y insiste – à ces industries de se développer. La directive que nous transcrivons vise à mieux répondre à ces aspirations du public, sur des sujets qui restent malgré tout complexes.

Comme beaucoup de nos collègues l’ont fait, permettez-moi d’aborder également l’article 27 A, introduit par l’Assemblée nationale, qui visait à remplacer le mot « biocarburants » par le mot « agrocarburants » dans la législation nationale. Cet article avait été supprimé par le Sénat – j’en remercie le rapporteur –, et je me réjouis que cette suppression ait été maintenue en CMP.

En effet, je ne pense pas que cela soit le bon endroit pour avoir un débat sur l’existence ou non d’une filière biocarburants en France. Cela viendra en son temps. Lorsque j’étais président de la commission des affaires européennes, j’ai toujours été très attentif à ce que la transposition des directives soit la plus littérale possible. Si nous avions adopté une terminologie autre que « biocarburants », cela aurait créé une incertitude juridique au niveau communautaire, une certaine incompréhension, ainsi que des conséquences particulièrement dommageables.

Derrière la filière « biocarburants », il y a aujourd’hui près de 30 000 emplois. La filière est en pleine évolution et il y aura demain des carburants de deuxième et de troisième génération. Nous y aspirons tous. Il ne faut pas oublier que, au travers de ces cultures dépeintes comme « productivistes », pour employer le terme des environnementalistes, nous produisons un carburant, certes, mais aussi, accessoirement ou prioritairement, principalement des protéines végétales. Ne l’oublions pas, car, grâce à cela, la France importe aujourd’hui non plus, comme hier, 75 %, mais 45 % de ses besoins en protéines végétales.

Madame la ministre, j’aurais souhaité voir mais surtout entendre une position claire du Gouvernement sur cette question, mais je n’ai rien entendu et n’ai constaté qu’une divergence de vues entre votre ministère et le ministère de l’agriculture.

En conclusion, nous pouvons difficilement nous satisfaire du travail qui a été mené sur ce texte, comme cela a été souligné par les rapporteurs eux-mêmes. Malgré toute la bonne volonté et l’honnêteté des rapporteurs, dont je salue l’engagement, le travail nous paraît insuffisant pour que nous puissions nous prononcer en totale connaissance de cause.

Cependant, dans un esprit de responsabilité s’agissant d’une transposition de directives de nature essentiellement technique, je voterai à titre personnel ce projet de loi.

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