Il est calculé sous la responsabilité de la Fédération européenne des banques, qui est installée à Bruxelles.
En tout état de cause, ces indices font l'objet d'une attention accrue depuis que des fraudes de grande ampleur ont été découvertes.
Le premier type de type de fraude date des années 2006-2007. Il consistait, pour les banques du panel, à orienter à la hausse ou à la baisse le LIBOR en fonction de leurs positions sur contrats dérivés. Dans plusieurs cas, il y aurait pu y avoir des collusions entre banques afin de représenter un poids suffisant pour orienter le taux dans le sens qui les avantageait.
Les banques, à la fois contributrices et utilisatrices du LIBOR, étaient donc dans une situation de conflits d'intérêts. Le préjudice de cette fraude est potentiellement énorme mais compte tenu du nombre de contrats concernés, il est impossible de calculer le manque à gagner pour les différents acteurs.
La seconde fraude découverte est intervenue en 2008, après la chute de la banque Lehman Brothers. A l'époque, le marché interbancaire s'est totalement arrêté car les banques ne se faisaient plus confiance. Lorsque ce marché a redémarré, les taux auxquels certaines banques pouvaient emprunter étaient devenus très élevés, signe d'une profonde défiance. C'est ainsi que la banque Barclays a volontairement sous-évalué ses taux car elle ne voulait pas révéler la méfiance des autres banques à son égard.
Le LIBOR et l'EURIBOR sont des indices gérés par des structures privées qui ne font l'objet d'aucune régulation particulière. Toutefois, leur mode de calcul diffère.
Dans le cas du LIBOR, la banque déclare le montant auquel elle peut emprunter ; autrement dit, elle dévoile la position du marché à son encontre. Cette information peut être lourde de conséquence, comme on l'a vu pour Barclays. Et la tentation de la manipulation peut donc être très forte.
En revanche, dans le cas de l'EURIBOR, la banque déclare le montant auquel elle accepterait de prêter. Fondamentalement, cela limite les manipulations destinées à éviter un risque de réputation, mais pas les potentiels conflits d'intérêts.
Il faut aussi souligner que le panel des banques contributrices est presque deux fois moins grand pour le LIBOR que pour l'EURIBOR, rendant les manipulations encore plus aisées.
Pour ces raisons, il semblerait - mais cela doit encore être confirmé par les enquêtes - que l'EURIBOR n'ait pas fait l'objet de manipulations de grande ampleur.
En tout état de cause, le scandale du LIBOR a conduit à une profonde remise en question de la régulation de ces indices. Il a permis une prise de conscience : le LIBOR et l'EURIBOR sont de véritables « biens publics », si je me permets de paraphraser Richard Yung.
Les pouvoirs publics ne peuvent donc plus se contenter d'un regard distant sur ces indices essentiels pour le fonctionnement des marchés financiers et auxquels la planète entière se réfère ; ils doivent faire l'objet d'une régulation adéquate par des autorités de supervision publiques et indépendantes en lieu et place d'entités privées.
Les sanctions de la manipulation d'un indice seront durcies. Dans le cadre de la réforme de la directive européenne sur les « abus de marché », la Commission européenne a proposé d'introduire un article prévoyant la sanction administrative et pénale de la manipulation d'un indice.
Le Sénat a adopté un amendement de notre rapporteur Richard Yung au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui a d'ores et déjà permis de transposer cette disposition dans notre droit national.
Il faut tout de même rappeler que les banques fautives ont acquitté des amendes cumulées de plusieurs milliards de dollars aux différents régulateurs britannique, américain ou encore suisse. Ces amendes ont permis de mettre fin aux poursuites.
Le corpus juridique existant en matière de sanctions n'est donc pas absolument vide, mais il n'est pas non plus vraiment adapté. Le volet « sanctions » reste de loin le plus simple car il fait consensus au niveau européen.
Pour le reste, on relève une divergence d'approche entre Londres et Bruxelles sur la gouvernance des indices. Des questions plus épineuses demeurent en suspens. Elles portent sur les modalités de calcul des indices, sur la composition du panel des banques, sur la gouvernance des organismes responsables du calcul et, enfin, sur les autorités chargées de la supervision de ces opérations.
A cela s'ajoute une considération juridique sur les contrats en cours : une réforme du LIBOR et de l'EURIBOR ne doit pas perturber excessivement les indices dès lors que des milliers de contrats, partout dans le monde, y font référence. Le risque de contentieux serait très important.
La mainmise de la City sur le LIBOR est considérée comme un élément stratégique pour Londres. En conséquence, toute régulation européenne est mal perçue.
Du coté de Londres, on entend « laver son linge sale en famille ». C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la City a réagi très rapidement et a demandé à Martin Wheatley, le directeur de la Financial Services Authority, de préparer un rapport sur la réforme du LIBOR.
Ce rapport a été publié en septembre 2012 et a déjà fait l'objet d'une transcription législative qui est partiellement entrée en vigueur au 1er juillet 2013. En particulier, les compartiments de marché pour lesquels les transactions étaient trop faibles ont été abandonnés (couronne suédoise, dollar néo-zélandais, etc.).
Bien que le LIBOR devienne juridiquement une « activité financière régulée », son calcul et sa gestion restent confiés à une entité privée, qui ne devrait plus être la British Bankers Association.
Aucune autorité publique n'est engagée directement dans la gouvernance de l'indice. Londres semble ainsi revenir à la régulation « light touch » préconisée au début des années 2000 et qui fut si durement critiquée lorsque la crise a éclaté.
De son côté, l'Union européenne entend aller plus loin, mais peut-être trop loin justement. A la fin 2012, la Commission européenne a lancé une procédure de consultation sur la réforme de l'ensemble des indices - et pas seulement les indices financiers.
La consultation est close mais aucune proposition législative n'a, à ce jour, été publiée. On peut donc se demander dans quelle mesure l'ambition affichée n'est pas une entrave à l'avancement des travaux.
La PPRE que nous examinons aujourd'hui nous permet de nous prononcer en amont de la future législation. Le travail de notre collègue Richard Yung se limite - je crois avec raison - aux indices financiers.
La PPRE s'articule autour de six propositions clefs.
Il faut promouvoir une action dédiée à l'EURIBOR. Celui-ci doit être régulé dans un cadre spécifique et non dans le cadre d'une réforme trop large, dont les contours sont encore mal définis. Il faut de surcroît agir vite avant que la session du Parlement européen ne soit close.
Il faut faire de la production d'indices systémiques comme l'EURIBOR une activité régulée au niveau européen. L'autorégulation, source de conflits d'intérêts, ne doit plus avoir cours en Europe.
Notre collègue Richard Yung suggère que cette supervision soit intégrée dans le mécanisme unique de supervision, qui est la première pierre de l'Union bancaire. L'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) pourrait également intervenir dans le processus de supervision.
Il faut intégrer le LIBOR, au moins en partie, dans la supervision européenne. Il n'est pas concevable que, dans un marché financier unique, il existe deux modes de régulation des indices financiers : la régulation doit être, si ce n'est identique, du moins cohérente entre l'EURIBOR et le LIBOR.
Il faut associer une autorité publique européenne à la gouvernance de l'EURIBOR. Nous ne parlons plus là de supervision mais bien de l'élaboration quotidienne de l'indice. Compte tenu du rôle qu'il joue sur les marchés monétaires, la proposition de faire intervenir la Banque centrale européenne dans l'élaboration de l'EURIBOR me paraît bienvenue.
Il faut établir un cadre européen de sanctions en cas de manipulation des indices. Cette proposition est déjà quasi-satisfaite, bien que la nouvelle directive sur les abus de marché ne soit pas encore formellement adoptée.
Il faut enfin assurer une meilleure connaissance des transactions du marché interbancaire. En effet, jusqu'à présent, les banques contributrices du panel ne mettaient pas à disposition les éléments sous-jacents à leur déclaration quotidienne. Il faut que ces données, tout en restant confidentielles, puissent être accessibles aux autorités de régulation. C'est une exigence de transparence.
Mes chers collègues, je crois pouvoir dire que notre collègue Richard Yung a excellemment travaillé. Je vous proposerai par conséquent d'adopter sans réserve sa proposition de résolution européenne, qui deviendra - à moins qu'un débat en séance publique ne soit demandé - la résolution du Sénat.