Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 3 juillet 2013 à 14h30
Enseignement supérieur et recherche — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette intervention fut rédigée hier à douze heures.

Grâce au travail approfondi et collectif des deux assemblées, nous saluons les évolutions plutôt positives que comporte ce texte et qui ont été, pour certaines, mentionnées précédemment. Il s’agit du renforcement des interactions entre sciences et société dans l’enseignement supérieur, de la réorientation significative, dans la partie du projet de loi relative à la recherche, de la notion de transfert vers les associations et fondations reconnues d’utilité publique, de la participation citoyenne qui est intégrée dans l’élaboration de la stratégie nationale de recherche, du retour au pilotage public des crédits accordés aux initiatives en matière de culture scientifique et technique, de l’encadrement du transfert de brevet avec clause de caducité au bout de cinq ans, du renforcement de l’équité grâce à la fin de la gratuité des classes préparatoires aux grandes écoles – avec une forme de double inscription obligatoire à l’université, sauf pour les STS –, du renforcement de la protection des stagiaires contre le harcèlement moral ou sexuel et de l’interdiction des restrictions non justifiées à l’exercice de leurs droits, ainsi que du transfert partiel du droit de veto du président de l’université au conseil d’administration en formation restreinte dans certains cas.

Nous saluons également la suppression du doublement du plafond du crédit d’impôt recherche et la suppression du « droit » au crédit d’impôt recherche en cas de baisse des effectifs.

Par ailleurs, sujet très important à nos yeux, le séjour des étudiants étrangers a été consolidé : le droit de séjour des « scientifiques-chercheurs » est renforcé en cas de perte d’emploi et les conditions de séjour et de travail des étrangers ayant obtenu un master sont assouplies positivement.

Enfin, nous nous réjouissons que l’université soit placée au centre de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur.

Parce que vous avez su prendre en considération une partie de nos propositions, madame la rapporteur, madame la ministre, notre groupe a rendu possible, par ses votes successifs, tout d’abord l’existence d’un texte enrichi par la commission le 12 juin, ensuite l’existence d’un texte sénatorial à l’issue des travaux en séance publique le 21 juin et, enfin, grâce à l’intelligence collective, une réunion fructueuse de la commission mixte paritaire le 26 juin. Nous vous remercions toutes les deux de votre écoute et de votre attention.

Notre attitude collectivement constructive a permis de franchir ces différents stades, ce qui ne préjugeait en rien notre vote final, nous l’avons dit à chaque étape. Aujourd’hui, nous arrivons au point final, à l’expression d’un vote global sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, mais celui-ci reste encore relativement éloigné de nos attentes. En effet, sur un certain nombre de points, le texte ne répond pas à ce que nous souhaitions pour les étudiants, les enseignants-chercheurs et les personnels de l’université.

En termes de gouvernance, nous restons inquiets en raison de la mise en place d’une possibilité de regroupement, malgré des améliorations. Par ailleurs, la gouvernance garde un caractère présidentiel, avec tous les aléas que cela comporte. Enfin, et surtout, le projet de loi ne s’attaque pas à la précarité et ne revoit pas en profondeur les conditions d’études autant que nous l’aurions souhaité, faute de moyens. Il faut le dire, nous aménageons la loi LRU !

Une place trop secondaire, selon nous, est accordée à la recherche fondamentale, alors qu’elle est pourtant indispensable au développement de la recherche appliquée. Le projet de loi est adapté et pertinent pour certaines disciplines au détriment d’autres. Nous craignons réellement que cette situation ne mette en danger les sciences humaines et sociales, qui ne servent pas seulement à améliorer l’acceptabilité de certains projets socialement controversés !

Où sont les structures qui devraient aider les chercheurs qui ploient sous le fardeau à répondre aux appels d’offres européens, où les Français devraient être plus nombreux ? Où sont les structures qui devraient les aider à travailler mieux sans s’épuiser à l’élaboration de lourds dossiers bureaucratiques ?

Par ailleurs, selon nous, le remplacement de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, l’AERES, par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, ou HCERES, devait permettre à cette instance nouvelle d’être plus rationnelle, mieux adaptée et peut-être mieux acceptée par la communauté des chercheurs et du monde universitaire. Or cette instance est toujours chargée de l’évaluation directe des équipes et des laboratoires ; nous aurions voulu qu’elle soit en charge de la conception des règles et des bonnes pratiques en vertu desquelles ces équipes et ces laboratoires sont évalués, ainsi que de la vérification de leur application dans les protocoles sur le terrain.

De plus, il reste, même si nous n’allons pas rouvrir le débat ici, le problème non résolu et tout à fait crucial du logement des étudiants, que notre collègue Gonthier-Maurin a déjà évoqué.

Il demeure également, ce qui sera peut-être la question la plus préoccupante, l’énorme dossier des précaires, des vacataires, des contractuels, toutes ces catégories de personnels qui – nous le savons bien – font tourner les universités et les laboratoires et qui ne sont malheureusement impactés par ce texte que de manière trop marginale. C’est d’une loi de programmation dont nous avions besoin pour résorber toute la précarité et donner un signal fort à nos jeunes en montrant que l’université est une chose très importante et qu’il faut l’aider, comme il faut soutenir le monde de la recherche.

Je ne vais pas reparler ici du problème du crédit d’impôt recherche et de l’utilisation préconisée par le précédent gouvernement de ses 5 milliards d’euros, qui seront bientôt 6 milliards d’euros.

Je ne vais pas non plus ici parler de l’Agence nationale de la recherche, qui est reconduite avec, certes, des crédits en diminution, mais un mode de fonctionnement identique.

Nous avons tenté, depuis le début de la discussion du texte, de le rééquilibrer dans un sens qui nous semblait plus écologiste. Mais le projet de loi se contente d’accommoder la loi LRU, sans résoudre les questions de fond, pas plus que la question de gouvernance ou celle des moyens. En fait, il reste trop libéral, même si un travail de compromis a été réalisé.

En raison de toutes les réserves que je viens d’exposer et parce que le texte reste trop éloigné des propositions des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous nous abstiendrons aujourd’hui, tout en vous remerciant du travail collectif accompli.

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