Intervention de David Assouline

Réunion du 3 juillet 2013 à 14h30
Enseignement supérieur et recherche — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’une navette qui aura été riche en débats et fructueuse en apports. Elle aura permis de conforter l’ambition du Gouvernement de réformer l’enseignement supérieur et la recherche.

Il y a des débats où chacun affirme ses convictions. C’est absolument légitime et même, en soi, nécessaire. Ces convictions peuvent refléter une idéologie ou des valeurs, mais elles correspondent à un positionnement politique qui justifie les différentes sensibilités présentes au sein de l’hémicycle. Pourtant, lorsque le débat se borne à cet aspect, d’un intérêt certain, il a une portée limitée pour l’élaboration de la loi.

Il y en a d’autres qui se cantonnent à la dimension technique. Ces débats présentent également un intérêt, mais ils ne permettent pas de donner au texte examiné toute son ampleur ni de montrer toute la profondeur des enjeux.

Lorsque nous ne nous limitons pas à l’un ou à l’autre de ces débats, nous observons très souvent des convergences ou des positions qui bougent. Le débat qui nous occupe a précisément mêlé les deux. Ainsi, chacun a pu affirmer ses positions de fond sur la société que nous construisons, car, quand nous discutons de l’université – et sur ce sujet, nous le savons, nos vues sont divergentes –, c’est bien de notre société dont nous parlons, et chacun a pu se demander ce qu’il convenait de faire, concrètement, en termes de gouvernance, d’objectifs, de recherche liée à l’enseignement supérieur, de formation, de débouchés professionnels ou encore d’investissements de la nation.

Parce que nous avons mené un débat à la fois technique et de conviction, les positions au sein de notre hémicycle ont bougé, d’une façon qui a pu paraître parfois surprenante, mais qui en réalité est tout à fait courante lorsqu’on s’attelle à faire la loi de cette manière.

Je tiens d’ailleurs à souligner, car cela n’arrive pas tout le temps, que les débats de positions qui ont été la règle lors du passage du texte à l’Assemblée nationale ont créé des blocages qui ont pu être dénoués ici, au Sénat. À cet égard, il faut saluer tous nos collègues sur l’ensemble des travées. Certes, M. Legendre, qui vient de s’exprimer, a fait état de fractures insurmontables à la fin de son intervention. Toutefois, 98 % de son propos a porté sur des questions très concrètes ou sur les avancées du texte : il a pris date, demandé des évolutions, allant même jusqu’à critiquer les dispositifs prévus par les précédentes lois ou encore les pratiques du précédent gouvernement.

Le projet de loi qui était soumis à notre examen présentait des défis de plusieurs ordres : améliorer la réussite des étudiants, doter la recherche d’une stratégie nationale, rétablir un lien fort entre l’enseignement supérieur et la recherche – lien qui avait été distendu par les deux précédentes lois. Ainsi, toutes les formes de découvertes sont désormais mises au service de l’innovation et du développement.

Je salue la méthode choisie pour parvenir à ces objectifs : la simplification, les coopérations, la gouvernance territoriale. Contrairement à certaines interprétations, cette dernière ne signifie en aucun cas la mise à bas du caractère national du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’ancrage territorial permettra la mise en mouvement de toutes les forces d’un territoire, concourra à un meilleur enseignement supérieur et à une meilleure recherche, au service du développement économique et du savoir.

Ces objectifs, avec lesquels vous êtes arrivée devant nous, madame la ministre, n’ont à aucun moment été dénaturés par les apports du Sénat. Il est bon de souligner que des textes émanant de l’exécutif peuvent laisser une marge de manœuvre aux parlementaires. Nous avons le sentiment d’avoir pu enrichir le texte, d’avoir servi à quelque chose, tout en allant dans le sens voulu par le Gouvernement. À cet égard, puisque je parle en leur nom, je tiens à saluer la contribution des sénateurs de mon groupe.

En ce qui concerne le transfert des résultats de la recherche, nous estimions qu’il ne devait pas s’effectuer uniquement au profit des entreprises. Tel n’était pas l’intention du texte, mais il nous a semblé préférable de le souligner. Nous avons ainsi précisé par un amendement que ces transferts doivent également s’effectuer en direction des structures associatives et des fondations reconnues d’utilité publique.

En réaffirmant que la recherche et l’enseignement supérieur ne doivent pas seulement être calés sur l’entreprise ou le développement économique au mépris d’autres considérations, nous avons dissipé une inquiétude. En effet, les associations et les fondations servent souvent de relais aux initiatives les plus diverses. Elles s’investissent dans des projets sociétaux, médicaux, de développement durable, de lutte contre les nombreux fléaux de notre société, souvent avec des moyens très limités. Leurs projets étaient, jusqu’alors, souvent freinés par l’impossibilité d’accéder à l’exploitation des résultats de la recherche. Grâce à l’adoption de nos amendements, il sera désormais remédié à ces blocages.

Pour ce qui est des stages et des conditions de l’insertion professionnelle des étudiants, les propositions que nous avons formulées ont toutes trouvé une traduction dans le texte définitif du projet de loi. Ainsi, tout étudiant qui en fera la demande se verra délivrer une convention de stage, dans le cadre de sa formation. Il s’agit d’une disposition importante, compte tenu des nombreuses fins de non-recevoir, peu ou pas justifiées, opposées aux étudiants de licence qui en font la demande, sur la base du volontariat.

L’encadrement strict des durées de stage est également une bonne chose afin que certaines entreprises cessent d’employer des étudiants en prolongeant déraisonnablement leur durée de stage, les utilisant finalement comme de la main-d’œuvre très bon marché.

Toujours à propos des premiers pas des étudiants dans le monde professionnel, je me réjouis que le bureau d’aide à l’insertion professionnelle - créé sur l’initiative des sénateurs socialistes lors de l’examen du projet de loi LRU - se soit vu doter d’une nouvelle mission ; notre amendement, entériné par la commission mixte paritaire, prévoit que ce bureau préparera les étudiants à leurs entretiens d’embauche.

Concernant le dispositif de l’article 18, qui prévoit le rapprochement entre les lycées dispensant des formations d’enseignement supérieur et les universités, la CMP a arbitré de façon à régler plusieurs points épineux : l’accès effectif des titulaires des bacs professionnels et technologiques aux IUT et STS ; la double inscription en université et classe préparatoire ; les modalités de conventionnement et le périmètre de celui-ci entre lycées et universités.

J’ai un petit regret : la mise en place d’enseignements communs entre lycées accueillant des formations d’enseignement supérieur et universités, que nous avions proposée, n’a pas été retenue. Il s’agissait de rendre encore plus concret ce rapprochement. Cependant, le projet de loi donne la direction. Je pense donc que, quand ce sera possible, cela sera fait.

Par ailleurs, la délicate question de l’acquittement des droits a été tranchée. Il semble logique que les élèves de BTS, peu concernés par la poursuite d’études universitaires, soient dispensés de cet acquittement. Cela est d’autant plus justifié que nous avons voulu, à d’autres endroits du projet de loi, faire en sorte que les IUT constituent en priorité les débouchés des bacs professionnels et technologiques.

Je me réjouis aussi que notre souci, exprimé par le dépôt d’un amendement adopté par le Sénat, de permettre aux lycées de conclure des conventions avec des établissements en dehors de leur académie ait été dissipé. Une restriction logique a cependant été apportée : cette possibilité est limitée aux cas où aucun EPSCP ne propose de formation correspondant à la discipline enseignée dans la formation d’enseignement supérieur du lycée.

Pour ce qui a trait à l’accueil des étudiants et diplômés étrangers, deux dispositions emblématiques figurent dans le texte : l’une sur l’initiative du groupe socialiste, l’autre de notre rapporteur.

Par un amendement insérant un article 57 bis A dans le projet de loi, les sénateurs socialistes ont obtenu le maintien sur la carte de séjour de la mention « scientifique-chercheur » pour les chercheurs étrangers involontairement privés d’emploi à l’échéance de celle-ci, et cela jusqu’à l’expiration de leurs droits au chômage ouverts par le versement des cotisations. Ce point faisait consensus. Il importait de donner un signal fort, dès cette rentrée, pour que cette anomalie ou injustice soit réparée.

En outre, a été adopté en commission mixte paritaire l’article 47 septies, qui a été introduit dans le texte par un amendement de notre commission de la culture. Reste, comme l’a souligné Mme la rapporteur, qu’un projet de loi plus global sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers présenté par Manuel Valls viendra probablement compléter le dispositif et le conforter dans sa partie la plus novatrice.

Ces deux dispositions sont de nature à renforcer l’attractivité de la France à l’étranger dans le domaine scientifique et universitaire. Elles permettent également à notre université d’envoyer le message universaliste qui a toujours été le sien depuis la création de la Sorbonne. Elles viennent en outre corriger l’image déplorable qui avait été donnée par la publication de la circulaire Guéant.

Nos amendements avaient aussi pour objectif de permettre aux collectivités territoriales et plus particulièrement aux régions d’être associées aux politiques d’enseignement supérieur et de recherche. Cela paraît d’autant plus justifié que les collectivités territoriales participent au financement. Associer ne signifie pas pour autant décider à la place de l’État. Cette association ne remet en cause ni le cadre national des diplômes ni la dimension nationale de notre enseignement supérieur.

Sur deux points primordiaux du projet de loi – la gouvernance des établissements et les possibilités de regroupement offertes à ceux-ci –, la CMP a su, me semble-t-il, trouver la meilleure rédaction possible pour tenir compte des préoccupations exprimées dans les deux hémicycles.

Concernant le mode de scrutin, la représentation de l’un ou l’autre des collèges, le système optionnel, l’absence de lien hiérarchique entre établissements, les articles 25, 26 ou 38, dont on a beaucoup discuté, sont des modèles de dispositions législatives issues de la concertation la plus large. Le travail en commission comme en séance publique a permis à chaque fois des évolutions. Le débat n’a pas été figé et nous n’avons pas été un théâtre d’ombres.

Je terminerai en mentionnant les amendements déposés par le Gouvernement sur le texte issu de la CMP. Loin de revenir sur des décisions majeures, ils améliorent l’esprit du projet de loi que nous nous apprêtons à voter définitivement : ils effectuent une liaison entre les dispositions de la loi pour la refondation de l’école de la République et celles de ce projet de loi. Ils prévoient notamment, dans les dispositions s’appliquant aux communautés d’établissements prévues par l’article 38, que les ESPE, composantes des universités, pourront faire partie de ces communautés.

Le groupe socialiste a soutenu, sans réserve, le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche. Nous avons tout fait, y compris en mettant de l’eau dans notre vin, pour que des rassemblements plus larges aient lieu dans notre hémicycle. Nous sommes fiers du résultat, et nous considérons que le débat a été exemplaire. Il mérite aujourd’hui d’être définitivement couronné par un vote positif du Sénat sur les conclusions de la commission mixte paritaire.

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