Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 3 juillet 2013 à 14h30
Conseil supérieur de la magistrature. – attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle et d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, j’avais cru comprendre que, depuis un an, la justice fonctionnait en toute indépendance.

Est-il une fonction plus redoutable que celle de rendre justice, est-il un métier qui exige autant de conscience, de responsabilités, de sagesse que celui de magistrat ? Montaigne nous rappelait que « l’éducation nous fait savants mais non sages ».

Rendre la justice au nom du peuple français, appliquer la loi de notre République en rendant des décisions qui, par nature, nous le savons tous, influeront sur la vie de ceux qui en sont destinataires, c’est disposer d’un pouvoir exceptionnel sur ses concitoyens, d’un pouvoir qui ne devrait supporter ni la médiocrité ni la routine et devrait imposer beaucoup d’humilité, d’un pouvoir qui exige l’indépendance et la solitude dans la décision, et ce d’autant plus que l’on pourrait ajouter comme le philosophe Alain – il nous est cher, à nous, radicaux – : « La liberté intellectuelle, ou sagesse, c’est le doute ».

La justice ne peut être parfaite, ne l’a jamais été et ne le sera jamais, mais nos concitoyens aspirent tous légitimement à pouvoir lui faire confiance, aspirent à être jugés par des magistrats compétents, indépendants de toute pression et intègres.

La suspicion à l’encontre de la justice est aussi vieille que l’exercice de cette dernière – il ne faut pas considérer qu’elle est le résultat du climat actuel. Elle fut le lot de toutes les civilisations au fil de l’histoire, de l’Antiquité à ce jour, en passant par le célèbre « Selon que vous serez puissant ou misérable… »

La justice, parce qu’elle est humaine, ne sera jamais parfaite, mais le devoir du législateur que nous sommes est de fixer le cadre permettant au magistrat de l’exercer en « honnête homme », au sens ancien du terme.

Pour notre part, nous avons ici constamment exprimé notre attachement à la séparation des pouvoirs, au respect de l’indépendance des magistrats, ainsi, madame la garde des sceaux, qu’à la nécessité de donner à la justice les moyens, y compris financiers, de remplir ses missions.

Indépendance des magistrats, oui, irresponsabilité, non. Notre sensibilité, notre groupe rejetteront toujours ce qui pourrait s’apparenter à un gouvernement des juges.

Lorsque l’on relit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, on est toujours frappé par la justesse de chaque mot, par sa modernité. C’est un texte au-dessus du temps qui passe. Le problème de tous les régimes est de le décliner dans la législation, nous en avons la preuve avec les multiples réformes qui ne sont pas toujours une amélioration du texte précédent et qui font souvent aujourd’hui de nos lois et décrets des instruments d’instabilité juridique.

Madame la garde des sceaux, votre projet de loi participe-t-il de ce constat ? Tout d’abord, permettez-moi de souligner que ce texte n’est pas le fruit d’une véritable concertation avec les différentes sensibilités politiques représentées au Parlement, …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion