Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement nous soumet d’un même mouvement deux réformes : une réforme du Conseil supérieur de la magistrature et une réforme concernant les membres du parquet. Ce qui pouvait paraître habile au départ se révèle surtout malencontreux ; du reste, il n’est jamais bon de mélanger les choses !
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt le très remarquable exposé du président Mézard et je partage naturellement beaucoup des propos qui ont été prononcés par François Zocchetto et Jean-Jacques Hyest. Toutefois, pour ma part, je pense que la réforme du statut des membres du parquet présente un caractère d’urgence.
Lorsque j’ai été nommé aux responsabilités qui sont aujourd'hui les vôtres, madame la ministre, j’ai, dès le départ, indiqué que je me fixais comme règle de suivre les avis du Conseil supérieur de la magistrature s’agissant de la nomination des membres du parquet. Ces avis, j’aurais très bien pu les suivre sans rien dire, mais en indiquant que je m’en faisais une règle, je donnais un sens à cette attitude. Vous avez fait la même chose et l’on ne peut que s’en féliciter.
Pourquoi faut-il aller assez vite quant à la réforme du statut des membres du parquet ?
On parle souvent de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Si je lui reconnais une importance certaine, je n’y trouve pas l’argument capital qui justifie l’urgence de la réforme du statut des membres du parquet. Il y a à cela une raison toute simple, c’est que la Cour de Strasbourg fait au parquet à la française deux critiques : la première critique tient aux conditions de nomination des membres du parquet et à la procédure disciplinaire les concernant. Si vous le voulez, madame la ministre, vous pouvez assez facilement faire en sorte que cette critique soit levée. Mais il y a une seconde critique : il est reproché au parquet à la française, par rapport à la notion de procès équitable, d’être partie poursuivante. Or, cela, on ne le changera jamais, parce que c’est l’essence même du parquet !
Ce qui me conduit à vouloir réformer le statut des membres du parquet, ce n’est pas seulement, ce n’est même pas essentiellement la position de la Cour de Strasbourg, c’est ce qui se passe chez nous, en France. Le Conseil constitutionnel a rappelé que les magistrats sont les magistrats du siège et les membres du parquet. Mais les choses évoluent. Aujourd’hui, le procureur n’est pas seulement quelqu’un qui mène l’action publique, il n’est pas seulement celui qui requiert l’application de la loi : il est aussi, quelque part, juge en matière pénale. De nombreuses affaires pénales trouvent leur solution par une décision du procureur, et cela n’est pas du tout anodin.
Certes, cette évolution récente ne concerne pas les affaires les plus importantes, j’en conviens aisément, mais il s’agit tout de même d’affaires pénales. Or, quand une affaire pénale est conclue par un magistrat, ce magistrat est un juge, ce n’est pas un procureur ! À peu près 60 % des affaires sont conclues par le procureur et ne vont pas devant le juge.
Il me semble donc tout à fait nécessaire de rapprocher le plus possible le statut des membres du parquet de celui des magistrats du siège en matière de nomination et de discipline. C’est la raison pour laquelle nous avons, François Zocchetto, les autres membres du groupe UDI-UC et moi-même, déposé un amendement tendant à réformer le statut des membres du parquet. Nous y voyons l’enjeu essentiel de la réforme. Le reste, ce sont des choses qui sont avancées pour des raisons multiples sur lesquelles je ne veux pas m’étendre, mais qui peuvent avoir comme première conséquence d’empêcher cette réforme nécessaire du statut des membres du paquet.
S’agissant du Conseil supérieur de la magistrature, François Zocchetto a dit l’essentiel. J’ai eu l’honneur ou plutôt la chance, parce que j’avais participé au vote de la réforme de 2008, d’avoir été le dernier à présider l’ancien CSM, avant de travailler avec le nouveau. C’est, en effet, le jour et la nuit ! Cela ne veut pas dire que la lumière soit maintenant partout, mais le changement est profond. Le nouveau CSM fonctionne de façon très libre. C’est, en tout cas, ce que j’ai ressenti. Il a refusé nombre de mes propositions et je me suis toujours conformé à ses avis ; et lorsque le CSM refusait l’une de mes propositions, je lui en soumettais une autre.
Il est nécessaire, selon moi, que le garde des sceaux garde son pouvoir de nomination et de proposition. Mais il est également nécessaire que l’avis du CSM soit suivi. En revanche, si l’on dépouille le garde des sceaux de ce pouvoir de proposition, il ne restera pas grand-chose du ministre de la justice ! Il en sera réduit à devenir le ministre de la loi. Vous serez toujours au banc du Gouvernement, madame la garde des sceaux, et ce sera pour nous un grand plaisir, mais vous ne serez jamais que le ministre de la loi, comme en Italie. Vous le savez, en France, c’est différent : il y a une politique pénale qui est menée par le Gouvernement et que la Constitution vous charge de mettre en œuvre.
Il faut donc tout à la fois garder ce pouvoir de proposition et faire en sorte que l’avis du CSM soit respecté.
Nous sommes prêts pour cette réforme du statut des membres du parquet.
Quant au CSM, depuis 2008, il fonctionne bien et il a donné des preuves de son indépendance.
Vous avez décidé de le modifier, pour des raisons que j’ignore. Et je veux féliciter le rapporteur de la commission des lois, qui a bien compris qu’il fallait faire des efforts pour trouver une majorité.
Monsieur le président de la commission des lois, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt, mais je tiens à vous rappeler que c’est vous qui soutenez le Gouvernement, vous qui avez la majorité politique. À ce titre, il vous revient de trouver les moyens de réunir la majorité requise par la Constitution. Ce n’est pas à nous de le faire !
Le rapporteur a fait des efforts pour y arriver…