On voit apparaître la notion de « repenti », lequel pourrait bénéficier d'un allègement de peine égal à la moitié de la peine encourue s'il dénonce ses complices. Un tel dispositif, dont toutes les auditions nous ont démontré la nécessité, fournira une monnaie d'échange incitant à fournir à la justice des informations sur l'infraction elle-même ou sur les complices.
Nous proposons de mieux encadrer les dispositions portant sur les lanceurs d'alerte, sur le modèle de l'article 40 du code de procédure pénale, afin qu'elles ne fonctionnent pas pour les personnes qui alertent la presse, par exemple.
Le texte réorganise les juridictions compétentes en matière économique et financière, qui fonctionnent actuellement sur quatre niveaux : tribunaux de grande instance ordinaires, pôles de l'instruction, 36 pôles économiques et financiers, et huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Il supprime les pôles économiques et financiers, même si Mme Taubira a précisé qu'elle maintiendrait des moyens spécifiques dans certains cas, comme à Bastia ; il renforce les JIRS ; il crée un procureur de la République financier, qui siègera aux côtés du procureur du TGI de Paris, sous l'autorité du procureur général près la cour d'appel de Paris. L'avantage principal sera sa visibilité ; sa création n'a toutefois de sens que s'il dispose d'une autonomie financière. Il sera l'interlocuteur privilégié des services d'enquête nationaux comme des autorités judiciaires étrangères. Le parquet européen aura une forte compétence sur les questions financières : le procureur de la République financier assurera la liaison.
Le critère de répartition des affaires entre les différents niveaux sera leur degré de complexité : nombre d'auteurs de l'infraction, étendue géographique... Je proposerai par amendement de confier au procureur général près la cour d'appel de Paris le soin de régler les conflits de compétence, car la garde des sceaux fait preuve de son optimisme habituel en estimant que tout se règlera facilement. Mieux vaut éviter que le règlement d'affaires urgentes soit retardé par ce type de problème.
Bernard Cazeneuve, dont je salue l'action et la compétence, n'aime guère l'expression de « verrou de Bercy ». Elle correspond pourtant à une réalité : depuis 1920, il y a en France des procédures fiscale et pénale parallèles. Le procureur de la République ne peut engager une procédure pénale sans y avoir été autorisé par la commission des infractions fiscales (CIF), créée pour protéger le contribuable, mais dépendante de l'administration fiscale. Cette dernière lui transmet, chaque année, un millier de dossiers de son choix, dont environ 900 sont ensuite soumis à la justice - des dossiers souvent mal faits et en limite de prescription, nous ont dit les magistrats que nous avons entendus, sauf ceux qui travaillent à Bercy... Si l'administration fiscale constate des faits de corruption, ou d'abus de confiance, elle ne saisit pas la justice. Le ministre défend cet état de choses avec un argument-massue : il fait rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat (14,3 milliards d'euros de droits, et 3,7 milliards d'euros de pénalités en 2012). Rien, pourtant, n'empêchera que les enquêtes fiscales et les redressements continuent...