Je remercie Yannick Botrel et André Ferrand pour leurs recommandations relatives aux volets agricole et national de la gouvernance de l'appui à l'export et nous avons des identités de vues tant sur les constats que sur les recommandations, par-delà la diversité de nos positions politiques.
Il me revient maintenant de vous présenter la troisième partie de cette communication consacrée au volet régional de notre mission, que j'ai intitulée « Pour un dispositif régional de soutien à l'export des PME et TPE lisible et efficace ».
Pour ma part, j'ai souhaité axer mes travaux sur l'articulation des dispositifs publics nationaux avec l'action régionale d'appui aux exportations agroalimentaires. En effet, les régions participent très activement au développement économique et à l'internationalisation des entreprises. C'est pourquoi, sans étudier spécifiquement la politique des régions, respectant en cela la libre administration des collectivités locales, je me pose, comme beaucoup d'entre vous, de nombreuses questions sur la manière de rendre encore plus performante l'offre agroalimentaire française à l'étranger.
D'abord, notre système est-il optimal ? Quels axes d'amélioration seraient souhaitables pour renforcer la coordination avec l'ensemble des acteurs publics et privés qu'il s'agisse des réseaux de l'Etat (Ubifrance, Sopexa), des réseaux consulaires, des filières, des inter-professions, et des entreprises.
Quelles sont les synergies développées en matière de gestion et en matière d'optimisation de l'influence sur les marchés extérieurs ? L'articulation des dispositifs publics nationaux avec l'action régionale d'appui aux exportations agroalimentaires est-elle suffisante ? Quelles seraient les voies d'améliorations envisageables au niveau régional pour mieux faire circuler l'information entre l'aval (marché à l'export) et l'amont (production agricole et agroalimentaire) ? Cela relève d'une réelle complexité organisationnelle qui débouche sur beaucoup d'incohérence.
Pour approfondir ces questions, j'ai participé avec mes collègues à plusieurs déplacements en France et à l'étranger, mais j'ai aussi organisé, le 21 février dernier à Montpellier, une table ronde réunissant l'ensemble des acteurs publics et privés au niveau régional de l'agroalimentaire et de l'export pour travailler sur deux thèmes : le retour d'expérience et recueil des besoins exprimés par les entreprises et opérateurs privés de l'export ; les synergies des acteurs institutionnels régionaux et la coordination entre offre régionale et stratégies aux niveaux national et international.
Le constat est sans ambiguïté : les entreprises considèrent que le dispositif public est illisible, qu'il manque de simplicité et qu'il n'y a pas d'interlocuteur clairement identifié capable d'orienter les PME et TPE vers les structures adéquates. C'est sévère.
Il faut se rendre à l'évidence, la mosaïque des administrations de l'Etat se surajoute aux acteurs locaux vers lesquels les entreprises s'orientent plus naturellement : la région, le réseau consulaire, les associations régionales des industries agroalimentaires (ARIA), les filières, et aussi les acteurs privés, dits « opérateurs spécialisés du commerce international » (OSCI).
De son côté, l'Etat duplique au niveau régional ses structures centrales et il en ressort un dispositif encore plus pléthorique. Je les cite : les directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt (DRAAF), les conseillers internationaux des DIRECCTE, les douanes, les six directeurs interrégionaux d'Ubifrance et leurs délégués hébergés dans chaque chambre de commerce et d'industrie régionale, les quatorze bureaux de la COFACE, les conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) en régions, les trente-sept directions régionales d'OSEO, devenu BPI, qui accueilleront les conseillers internationaux d'Ubifrance et les ambassadeurs en régions. J'en oublie sûrement !
Parallèlement, il faut observer une montée en puissance des régions dans l'internationalisation des entreprises pour plusieurs causes, notamment du fait des compétences reconnues aux régions en matière de développement économique, de leur présence à l'étranger déjà entamée à l'occasion de projets de coopération décentralisée, mais aussi, et surtout, du fait des lacunes des acteurs nationaux dans l'accompagnement des PME et TPE, soit par manque de disponibilité du réseau, soit par inadéquation des services proposés.
Aussi, les spécificités et les besoins propres à chaque région les ont conduites à mettre en oeuvre leurs compétences de manière très diversifiée : sous forme associative (ERAI), de société d'économie mixte (Sud de France développement) ou encore par regroupement d'entités existantes, par exemple Bretagne commerce international.
Ensuite, les objectifs poursuivis peuvent aussi varier qu'il s'agisse de l'hébergement et de la représentation commerciale à l'étranger (ERAI, ARD-Ile de France), de la promotion d'une marque régionale (Sud de France). Les moyens mis en oeuvre demeurent aussi très divers. Certains font appel à des consultants privés, d'autre des partenariats avec les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger ou avec Ubifrance. Au final, la présence à l'étranger des régions s'est très clairement affirmée, on constate quelques 151 implantations ou relais recensés par la mission Bentéjac/Desponts.
Pour ma part, je voudrais réaffirmer la nécessité de rationaliser le dispositif tout en respectant les spécificités régionales. Ainsi, la région Languedoc-Roussillon a développé une approche intégrée et globale en créant une marque régionale publique « sud de France » englobant tout le champ de l'attractivité, de l'investissement et du tourisme. A l'inverse, d'autres régions ont privilégié des approches sectorielles ou complémentaires de labels ou marques promus par le secteur privé, par exemple « Produit en Bretagne ». Cette diversité n'empêche pas que chacune de ces voies soient des réussites dans leur domaine.
Toutefois, nous avons aussi relevé, à travers nos travaux, de nombreuses marges de progression. A leur actif, les régions ont déjà entamé un mouvement de rationalisation de leur organisation, mais il doit s'accompagner d'une clarification du rôle de l'Etat et d'une simplification de ses structures. Ainsi, j'ai retiré de nos auditions deux enseignements : le guichet unique qui devait être mis en place par les chambres de commerce et d'industries régionales n'existe pas et les représentants de l'Etat en régions (Préfet, DIRECCTE et DRAAF) ne sont pas identifiés comme des interlocuteurs dans la promotion de l'export par les entreprises. De ce point de vue, nous ne saurions nous contenter de l'existant, même amélioré.
Aussi, la création de la BPI et l'implantation de conseillers Ubifrance en région pourrait pour l'avenir constituer l'opportunité de simplifier et de mieux intégrer dans le tissu régional le dispositif de l'Etat. En tous cas, je l'appelle de mes voeux dans la mesure où ce nouveau dispositif serait le complément des plans régionaux d'internationalisation des entreprises que nous concluons avec l'Etat.
Il est donc nécessaire de se rassembler pour agir efficacement et j'en viens maintenant à mes recommandations. Au nombre de six, elles visent toutes à mettre en oeuvre un principe qui m'a servi de ligne guide : « s'inspirer et diffuser les bonnes pratiques mises en oeuvre avec succès dans les régions ».
Mes recommandations sont les suivantes :
1) il faut reconnaître pleinement, à l'échelon national et international, l'action des régions dans le développement à l'export des PME et TPE ;
2) il apparaît maintenant nécessaire d'instaurer une diffusion des bonnes pratiques entre les régions pour mutualiser les retours d'expériences réussies ;
3) les régions doivent être associées à la gouvernance, à l'élaboration de la stratégie de l'opérateur national et à la coordination des actions ;
4) il serait pertinent de confier aux régions un rôle pivot dans l'articulation des dispositifs publics nationaux avec l'action régionale d'appui aux exportations agroalimentaires, en lien avec les agences régionales de développement et BPIFrance ;
5) il n'y a pas de contradiction à intégrer dans la communication nationale les marques régionales. Au contraire, celles-ci sont des marqueurs de qualité et d'attractivité complémentaire d'une marque commune France. Cela ne pose d'ailleurs pas de problème pratique dans l'organisation des salons ;
6) enfin, il y aurait tout avantage à s'inspirer dans le développement de la marque France du retour d'expérience des marques régionales qui ont expérimenté une approche globale des fonctions de développement, d'export, d'investissements et de tourisme. A ce titre, « Sud de France » peut-être considéré comme un laboratoire, à l'échelle régionale, du concept international que souhaite développer la mission pour la marque France. C'est une marque publique qui représente 3 200 entreprises régionales, 7 500 produits alimentaires. Une marque produit un flux aller et retour, car les personnes qui souhaitent se rendre sur un territoire le font avec le souvenir d'avoir dégusté un bon produit. L'agriculture est un remarquable générateur d'investissements et de transformation d'un territoire en une destination touristique.