Les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) ont été créés en 1990 pour venir en aide aux élèves des classes maternelles et primaires rencontrant des difficultés que ne peuvent pas prendre en charge les professeurs des écoles et les instituteurs. Ils réunissent des psychologues scolaires et des professeurs des écoles spécialisés qui viennent en renfort des équipes pédagogiques des écoles et ne sont donc pas affectés à une classe en particulier.
Les intervenants des RASED sont recrutés parmi les professeurs des écoles et les instituteurs disposant d'une formation spécialisée : d'une part, le diplôme d'Etat de psychologie scolaire (DEPS) pour les psychologues ; d'autre part, le certificat d'aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap (CAPA-SH), pour les maîtres spécialisés. Il existe deux types de spécialisation : les premières à dominante pédagogique qui visent à surmonter les difficultés des élèves à comprendre et à apprendre alors qu'ils en ont les capacités ; ces aides sont dispensées par les maîtres ayant suivi l'option E (dominante pédagogique) du CAPA-SH, d'où leur nom de « maîtres E » ; les secondes à dominante rééducative, destinées aux élèves ayant des difficultés à s'adapter aux exigences scolaires ; ces aides sont dispensées par les maîtres ayant suivi l'option G (dominante rééducative) du CAPA-SH, communément appelés « maîtres G ». Il y a donc trois catégories d'intervenants dans les RASED : les psychologues scolaires, les maîtres E et les maîtres G.
A cet égard, avec Claude Haut, il nous est apparu nécessaire, pour élargir le recrutement des psychologues scolaires, de permettre l'accès à ces fonctions des étudiants en psychologie titulaires d'un master, à condition qu'ils aient suivi une formation sur le système éducatif ou aient été admis à un concours spécifique de psychologue de l'éducation nationale.
Si à leurs débuts les RASED ont fait l'objet d'une attention particulière, notamment dans le cadre de travaux menés par l'inspection générale de l'éducation nationale en 1996 et 1997, ils ont ensuite disparu des textes institutionnels, et les réformes de l'éducation nationale conduites en 2008 et 2009 ont coïncidé avec le sentiment répandu, parmi les RASED, les parents et les maîtres, que le dispositif des aides spécialisées était en déclin.
En 2008, la réforme de l'enseignement primaire a fixé la durée du temps scolaire à vingt-quatre heures hebdomadaires, auxquelles s'ajoutent deux heures d'aide personnalisée en petits groupes pour les élèves en difficulté et une heure de travaux en équipes pédagogiques. Une ambiguïté est apparue sur l'articulation entre l'aide personnalisée et les aides individualisées : des maîtres E et des maîtres G ont dispensé l'aide personnalisée, ce qui est contraire à leur statut et aux textes. C'est pourquoi nous appelons à clarifier le régime des aides personnalisées et des aides spécialisées, en soulignant qu'elles sont complémentaires et en rappelant explicitement que les maîtres spécialisés n'ont pas à apporter d'aide personnalisée.
Une circulaire du 17 juillet 2009 a clarifié le régime des RASED, en précisant que les aides spécialisées interviennent quand les autres dispositifs se sont révélés insuffisants. Par ailleurs, il a été précisé le cadre dans lequel exercent les maîtres spécialisés et les psychologues scolaires, conformément au projet d'école, en concertation avec le conseil des maîtres et sous l'autorité de l'inspecteur de l'éducation nationale. Ces éclaircissements sont apparus utiles, mais n'ont pas levé toutes les incertitudes sur le régime des intervenants des RASED. En particulier, il est nécessaire de mieux identifier les contours et le contenu de la mission de rééducation des maîtres G, qui ne sont pas des psychothérapeutes. Ces précisions nous semblent devoir figurer dans un texte juridique d'un statut plus élevé qu'une simple circulaire, comme c'est aujourd'hui le cas sur la base de deux circulaires de 1990 et 2009. Il faudrait l'adoption d'un arrêté ou d'un décret.
Mais la principale faiblesse de la réforme de 2009 est d'avoir servi à justifier une réduction drastique des postes de RASED. Entre la rentrée 2008 et la rentrée 2012, 4 800 postes ont été supprimés sur un total de 14 800, soit un tiers des postes.
On compte aujourd'hui un peu moins de 10 000 postes en RASED répartis entre 4 500 postes de maîtres E, 1 800 postes de maîtres G et 3 700 postes de psychologues scolaires.
Ces réductions d'effectifs, déclinées par académie, ont exclusivement porté sur les emplois des maîtres spécialisés, les maîtres E et les maîtres G. Comme l'objectif de l'ancienne majorité était qu'il n'y ait pas de classes sans maître, les postes de RASED ont été dans une large part réaffectés dans les classes ou été placés en position surnuméraire, dans une ou plusieurs écoles. Contrairement au discours alors tenu par le ministère, je ne suis pas sûr que tous les maîtres E et les maîtres G souhaitaient effectivement être réaffectés dans des classes, alors qu'ils avaient fait le choix de suivre des formations spécialisées. Par ailleurs, ce sont 250 000 élèves qui, chaque année, n'ont plus bénéficié d'une aide adaptée à leurs besoins, faute de maîtres spécialisés. Les RASED ont bel et bien servi de variable d'ajustement budgétaire.
La diminution des effectifs des RASED a accru les inégalités territoriales et entre académies. Entre 2008 et 2012, la suppression du nombre de maîtres E et de maîtres G s'est élevée à 43 % pour l'ensemble du territoire national, mais cette baisse a atteint des pics de 68 % dans l'académie de Toulouse, de 65 % dans celle de Caen et de 64 % dans l'académie de Limoges. De véritables zones blanches, non couvertes par les RASED, sont apparues dans certaines régions rurales, sans que a contrario nous disposions d'informations fiables pour vérifier si les zones d'éducation prioritaire ont été davantage épargnées.
Sur les 1 000 postes supplémentaires de professeurs des écoles recrutés dès la rentrée 2012, en application de la loi de finances rectificative du 16 août 2012, 100 ont été réaffectés à la reconstitution des RASED, suivant les priorités identifiées par chaque académie.
Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, adopté par le Sénat le 25 juin 2013, a prévu, au cours du quinquennat, la création de 54 000 postes dans l'éducation nationale, dont 7 000 pour favoriser l'évolution des équipes pédagogiques. Parmi ces postes, le renforcement des RASED figure explicitement parmi les objectifs à atteindre. Un rétablissement à due concurrence des postes supprimés représenterait 3 500 emplois pour les RASED. Si les RASED ont bien figuré parmi les priorités de créations de postes à la rentrée 2012, pour la rentrée 2013, selon les organisations professionnelles, seulement 72 postes nouveaux seraient déployés dans les réseaux d'aide spécialisée, ce qui souligne l'ampleur de la tâche à accomplir au cours de la législature.
Le dispositif « plus de maîtres que de classes » doit ainsi accompagner le rétablissement des RASED, et non s'y substituer. Je ne doute pas que telle est d'ailleurs l'interprétation qu'en a le ministère de l'éducation nationale.
Une recommandation clé que nous formulons à l'issue de notre contrôle budgétaire consiste donc à rétablir les postes de RASED supprimés entre 2008 et 2012. Par ailleurs, il faut disposer des informations factuelles nécessaires sur les effectifs des élèves suivis par les RASED. L'enquête conduite à ce titre pendant l'année scolaire 2010-2011 n'a malheureusement pas été renouvelée. Certes, des disparités entre académies rendent les comparaisons difficiles à établir. Mais je ne pense pas que casser le thermomètre permette de faire baisser la fièvre. Ces données factuelles sont nécessaires, tout comme celles relatives au nombre de demandes présentées. Il importe que celles-ci puissent être prises en charge en totalité, et que l'on dispose également de statistiques par académies sur les dossiers présentés au titre des RASED.